Fuck or die
T’nai L’kei Najak Davis avait passé une nuit infecte. Même la méditation ne pouvait plus éloigner les rêves bizarres qui envahissaient ses nuits. Elle avait eu des visions étranges de sa mère, des deux capitaines, de l’enseigne Dättwyler, et il lui semblait avoir à peine dormi.
Elle se leva et constata que ses draps étaient tachés de vert.
— Merde ! pesta-t-elle.
Hazel Dättwyler n’avait encore jamais eu à calmer un enfant Ferengi et ne savait pas du tout comment s’y prendre. Le doudou préféré de Yüna avait disparu et la fillette, en larmes, était étalée sur le sol.
— Tu trouves pas ton lapin ? demanda Kachina.
La vue de la petite Vulcaine serrant sa peluche de sehlat déclencha encore plus de cris aigus et de larmes. Hazel, accroupie, commençait à perdre patience. Elle inspira et expira deux fois, profondément, comme on lui avait appris à le faire à l’Académie.
— On peut pas appeler la dame qui retrouve les choses ? proposa Kachina.
— La dame qui retrouve les choses ? sanglota Yüna.
Kachina hocha la tête.
— Mais oui, la dame qui retrouve les choses, celle avec les cheveux de deux couleurs !
L’image de Najak Davis s’imposa à Hazel.
— Je peux lui passer un coup d’interphone, elle va venir chercher ton doudou, Yüna.
Hazel fila dans son bureau, Yüna et Kachina sur ses talons.
— Enseigne Dättwyler au service des objets perdus, répondez ! appela-t-elle.
Personne ne répondit.
— Je répète, enseigne Dättwyler au service des objets perdus, répondez !
L’intercom toussota. Yüna renifla.
— Enseigne Dättwyler à l’enseigne Najak Davis, répondez !
— La personne que vous souhaitez contacter n’est actuellement pas joignable, grésilla l’appareil. Merci de rappeler plus tard ou de contacter le centre des communications.
Hazel se pinça l’arête du nez. Tout le monde sur l’Adventure devait être joignable ! Elle ne pouvait pas laisser Yüna pleurer, tout de même ! Elle avait déjà retourné toute la garderie trois fois !
— Ordinateur, localise l’enseigne Davis.
— L’enseigne Bradley Davis se trouve à l’infirmerie.
— Ordinateur, localise l’enseigne T’nai L’kei Najak Davis.
— L’enseigne T’nai L’kei Najak Davis se trouve dans ses quartiers.
— Ordinateur, établis le contact.
— Le canal de communication de l’enseigne T’nai L’kei Najak Davis est actuellement occupé.
Hazel pesta.
— Appelle le centre de la communication ! dit Yüna.
— Enseigne Dättwyler au centre de communication, répondez !
Najak avait mal à la tête. Cela faisait quarante-trois minutes et vingt-deux secondes qu’elle attendait la réponse à son appel.
Enfin, le visage de T’kayna apparut sur l’écran du Padd.
— Najak, salua-t-elle.
— Ko-mekh.
— Pourquoi me déranger à cette heure ?
Oups, Najak avait oublié le décalage horaire.
— Je t’ai réveillée ?
— Non. Je méditais.
— Je ne me sens pas très bien.
— Malade ? demanda la Vulcaine.
— Non, plutôt… perdue. Désorientée, expliqua Najak.
— Méditation combien de temps ?
— Je crois que ton traducteur ne fonctionne pas très bien.
— Combien de temps ? insista-t-elle.
— Une heure hier soir.
— Pas suffisant, constata laconiquement T’kayna.
— Je n’ai pas droit à plus de temps.
— Starfleet pas de considération. Bon, pas malade, alors quoi ?
— Ton traducteur débloque, ko-mekh. Tu devrais le faire réparer.
— Très cher. Réparateur Ferengi, toujours faire des arnaques. Tu ne veux pas me parler en Vulcain ?
— Non.
— Si pas malade alors quoi ? Pas dormi assez ?
Najak lui fit un petit signe évocateur.
— Problématique, dit T’kayna.
Najak hocha la tête.
— Oui.
— Vraiment sûre ? Pas juste fatiguée ? Mauvais équilibre ?
— Il y avait du sang dans mes draps.
— Pas avoir compagnon ? questionna T’kayna, après un long silence.
— Non.
— Et pas liée, eeh. Faute à ton père.
T’kayna avait essayé de fiancer sa fille à l’âge de sept ans, comme c’était la tradition sur Vulcain, mais le père de Najak avait refusé. Et voilà où tout ça les menait.
— Peux pas toi revenir sur T’Khasi ? Je ferai voyage en navette, trouver compagnon, sinon kal’i’fee.
— Je dois travailler toute la semaine.
— Peux pas prendre permission ?
— J’ai déjà épuisé tous mes jours de permission pour ce semestre.
— Vulcains prennent jamais de permission.
— J’ai été malade plusieurs fois.
T’kayna haussa un sourcil. Najak soupira.
Elle en avait déjà assez de sa mère, de son Standard désarticulé, de ses croyances Vulcaines hyper-traditionnelles, de sa volonté obsessionnelle de la caser avec un abruti qui la forcerait à rester à la maison, laver ses chaussettes et lui faire ses repas. Elle n’en avait pas envie et, d’ailleurs, elle avait d’autres projets que d’élever des enfants, vivre piégée entre quatre murs et préparer des krei’la à longueur de journée.
— Alors consulte médecin, médecins de Starfleet qualifiés pour ça, non ?
— Je vais en parler au docteur Mendoza.
— Vulcaine ?
— Humaine.
— Ça n’est pas ses affaires.
Najak n’avait qu’une envie, raccrocher et se recoucher.
— Bon, ko-mekh, je pense que je vais quand même aller faire mon travail.
— Ça va mieux ?
— Oui, mentit Najak.
Elle avait mal au ventre. À la tête, aussi.
— Dif-tor heh smusma, dit T’kayna.
— Sochya eh dif, répondit Najak.
Elle lui fit le ta’al puis raccrocha, posa son Padd sur sa table de chevet et sortit de sa cabine. Elle se glissa dans les couloirs, espérant que personne ne la verrait comme ça. Elle sentait son cœur battre, elle était à bout de souffle.
Elle atteignit enfin l’infirmerie et y pénétra sans frapper. En entrant, elle entendit la voix du docteur Mendoza qui s’énervait contre son stagiaire.
— Mais bon sang, je suis médecin, par formatrice !
Najak n’aimait pas l’infirmerie. La lumière y était très vive, aveuglante même, l’air sentait le sang, les médicaments, le détergent et les produits chimiques en tout genre. Des appareils bourdonnaient et bipaient à tout va, des infirmières s’agitaient, le souffle court. De toute évidence, cet endroit avait été conçu par des humains, pour des humains.
Un officier médical Klingon l’interpela, lui demandant la raison de sa visite.
— Je préfèrerais en parler au docteur Mendoza. C’est urgent.
— Elle est occupée.
— Je peux attendre.
— Je croyais que c’était urgent ?
— C’est urgent mais je ne peux en parler qu’au docteur Mendoza.
Le médecin lui jeta un regard mi-amusé mi-agacé, puis sembla comprendre.
— Ah, je vois. C’est un…
Il plaça ses deux mains en triangle au-dessus de sa ceinture.
— Problème féminin ?
— Hein ? Quoi ? NON ! couina Najak.
— Ne vous inquiétez pas, on est formés à ce genre de choses à l’Académie ! Je vais vous aider.
— Mais non, ce n’est pas ça, FOUTEZ-MOI LA PAIX ! aboya la Vulcaine.
— ‘c’que c’est que ce bazar ?!
La Vulcaine et le Klingon tournèrent la tête pour voix Mendoza arriver, ses lunettes perchées sur le bout de son nez, tenant une tasse à café dont l'inscription disait "don't talk to me until I energize"
Le docteur Liliana Mendoza était une femme humaine d’une soixantaine d’années. Elle avait des yeux bleu acier perçants, un petit nez étroit et des cheveux noirs coupés en carré dont les pointes décolorées. Elle arborait un air perpétuellement agacé derrière ses verres en demi-lune.
— Ce type est plus collant qu’un parasite neural Dénébien ! pesta Najak. Vous avez une minute ?
— Venez dans mon bureau.
Le médecin-chef et la responsable des objets perdus s’installèrent au bureau. Le bureau de Mendoza était, comment dire… un vrai foutoir. Des piles de dossiers désordonnées en occupaient une bonne partie. Y trônaient également deux tasses de café, une carte de synthétiseur, un trousseau de clés, une assiette en carton couverte de sucre et un paquet entamé de beignets Andoriens.
La dernière escale de l’Adventure sur Andoria remontait à deux semaines.
— Alors, qu’y a-t-il, enseigne Dennis ?
— Davis, corrigea-t-elle.
— Des vis ? répéta le médecin. Faut aller en service d’ingénierie pour ça !
— Mais non, pas des vis, mais Davis !
— Je n’entends pas la différence.
— Davis ! C’est mon nom !
La doctoresse prit une gorgée de son café. Rien qu’à l’odeur, Najak reconnaissait le jus de chaussettes des synthétiseurs.
— Je… je ne me sens pas très bien.
— Pon farr ?
La Vulcaine acquiesça.
— Ne vous inquiétez pas, j’ai l’habitude de ces trucs-là.
Mendoza saisit son Padd de sous les piles de papiers avec une habileté impressionnante et inspecta les registres.
— Étrange, très étrange. Il est indiqué ici que c’est votre premier pon farr en vingt ans que vous êtes sur ce vaisseau.
— En effet. Ce doit être l’ADN humain.
— Probable. Vous avez un… comment on dit ? Un t’hy’la ?
— Non.
— C’est embêtant, nota Mendoza. Vous n’avez pas quelqu’un en vue, un crush, un k’diwa, un plan-
— Rien de tout ça, mentit Najak.
— C’est embêtant, répéta Mendoza. Dans ce cas que faire ? Je pourrais vous mettre sous sédatifs le temps de synthétiser des interrupteurs de pon farr ?
Utiliser ce genre de produits était très, très mal vu. T’kayna ne s’en remettrait pas si elle apprenait que sa fille avait utilisé de tels médicaments. Mais d’un autre côté…
— Faisons ça.
Mendoza ouvrit la trousse médicale posée sur le bureau et en sortit un hypospray et deux doses de tranquillisants.
— Je vais pas vous faire un dessin, vous allez dans vos quartiers, vous vous mettez au lit, vous vous injectez ce truc-là et bonne nuit. Je viendrai vous réveiller demain soir.
Elle accompagna Najak hors de l’infirmerie.
— Et tâchez de ne tuer personne d’ici là ! plaisanta-t-elle tandis que la Vulcaine s’éloignait dans le couloir, sous le regard inquiet de l’officier médical Klingon.
— Où est passé son lapin ? grogna le sous-lieutenant Tark.
Hazel prit une grande respiration.
— Introuvable.
Yüna avait séché ses larmes, mais la peluche n’était pas réapparue.
— C’est inacceptable ! Je veux un remboursement ! Si ce lapin n’est pas réapparu d’ici demain, vous le payerez de votre poche !
Bien entendu, il voulait un remboursement. Bien entendu, Hazel n’avait ni l’envie ni la possibilité de rembourser le Ferengi.
— Je dois d’abord appeler le service des objets perdus.
— Vous ne l’avez pas encore fait ?
— Non, je ne l’ai pas encore fait. Il était fermé aujourd’hui. Sur ce, au revoir, sous-lieutenant.
Elle se pencha à hauteur de la fillette et ajouta :
— À demain, Yüna. Ne t’inquiète pas, on va le retrouver, ton lapin.
Yüna hocha la tête et sourit.
Hazel ne s’autorisa un lourd soupir que quand Tark et sa fille furent hors de vue. Un remboursement, et puis quoi encore ?
Elle rangea quelques jouets dans des caisses, débrancha la bouilloire, déconnecta l’intercom, éteignit les lumières et activa le module de nettoyage. Sa journée était finie — on était un mardi, et le mardi, elle n’avait pas de rapports à remplir.
Elle aurait aimé se poser dans ses quartiers, faire une sieste, regarder un vieux film. Ou aurait-elle préféré se détendre au réfectoire avec un chocolat chaud et un bon livre ? Peut-être aurait-elle même pu réserver une place de Holodeck avant que le planning de la soirée ne soit complet ?
Mais non, sa journée n’était pas vraiment finie. Elle devait réussir à mettre le grappin sur l’enseigne Davis pour qu’elle retrouve le lapin de Yüna.
Elle enclencha le communicateur du secteur A7B et ordonna :
— Ordinateur, localise l’enseigne T’nai L’kei Najak Davis.
— L’enseigne T’nai L’kei Najak Davis se trouve dans ses quartiers.
— Ordinateur, où se trouvent les quartiers de l’enseigne Davis ?
— Les quartiers de l’enseigne Bradley Davis-
— Où se trouvent les quartiers de l’enseigne T’nai L’kei Najak Davis ? coupa Hazel.
L’ordinateur crépita un instant.
— Les quartiers de l’enseigne T’nai L’kei Najak Davis se trouvent dans la division L, zone 5, secteur A, allée 8.
Hazel n’avait pas besoin de plan. C’était à deux allées de ses propres quartiers.
Elle fit le trajet en dix minutes, sans rencontrer personne. La plupart de l’équipage était soit endormi, soit en train de terminer son quart de travail. D’ailleurs, pourquoi Najak était-elle dans ses quartiers ? Sur l’Adventure, contrairement à beaucoup d’autres vaisseaux, le planning était adapté aux rythmes de vie des différentes espèces, et les Vulcains avaient besoin de moins de sommeil que les humains. La responsable des objets perdus commençait sa journée en même temps que Hazel — elle l’avait vue au réfectoire la veille — alors elle aurait encore dû être en train de travailler.
La petite plaque dorée sur la porte indiquait « T’nai L’kei Najak Davis », et quatre mots en Vulcain qui voulaient probablement dire la même chose. Hazel toqua à la porte. Un grognement lui répondit. Elle prit ça comme une invitation et entra.
Les quartiers de l’enseigne Davis étaient particulièrement grands. En fait, c’était le genre de chambre qui aurait été confiée à un sous-lieutenant ou même un lieutenant, si l’état des lieux avait été meilleur. L’un des murs était profondément défoncé et la porte de la salle de bain était tordue et ne fermait plus complètement. Elle fut également frappée par la température des lieux. Il faisait chaud, très chaud.
Najak, assise sur le lit, sursauta une première fois en entendant la porte s’ouvrir. Quand elle aperçut l’enseigne Dättwyler, elle tiqua une seconde fois, l’hypospray de Mendoza à quelques centimètres de son épaule. Hazel la regarda, surprise.
— Qu’est-ce que vous faites ?
Najak cligna lentement des yeux. Que pourrait-elle bien dire ? Elle sentit ses joues chauffer, ses oreilles se redressèrent.
— Cela ne vous regarde en aucune manière, articula-t-elle. De fait aucun humain n’est concerné.
— Pon farr ? questionna Hazel, sans une once de gêne à l’évocation de ce sujet tabou.
Najak se figea. D’où était-elle au courant ? Hazel avait-elle un compagnon Vulcain ? Ou une compagne ?
— Que savez-vous du pon farr ?
Elle se préparait à endurer la réponse.
— Eh bien, je… je…
Hazel rougit. Najak pâlit.
— J’ai regardé tous les épisodes des Dossiers Spock, avoua l’éducatrice, son visage maintenant rouge comme une chemise de l’équipe technique.
Les Dossiers Spock était un feuilleton pseudo-historique inspiré de l’équipage de l’USS Enterprise du capitaine Kirk. Cette série était, à juste titre, plus connue comme une bluette romantique — et parfois érotique — que comme une source d’information sérieuse.
Les doigts de Najak se crispèrent autour de l’hypospray. Que devait-elle faire ?
Elle s’autorisa un soupir de soulagement et décida de jouer franc jeu.
— Oui, c’est vrai, je suis… dans cette période particulière. Mendoza m’a donné ce produit pour me shooter et elle me réveillera quand elle aura synthétisé des interrupteurs de pon farr. Mais je serais curieuse de savoir ce que vous faites dans mes quartiers.
— Une fillette de la garderie a perdu son doudou et j’espérais que vous pourriez m’aider à le trouver, expliqua Hazel.
— C’est tout ? Vous vous incrustez dans mes quartiers pour une histoire de doudou ?
— J’ai essayé de vous contacter plusieurs fois et vous n’avez pas répondu. J’ai eu peur que quelque chose vous soit arrivé — sur ce vaisseau, on ne sait jamais.
— Maintenant, renifla Najak, je vais m’injecter le sédatif. Je vous prierai de refermer la porte en sortant.
Elle appuya sur l’hypospray. Le produit s’insinua dans ses veines avec un petit « psssht ! » sonore. Puis plus rien.
Hazel se laissa tomber sur le bout du lit et s’y assit. Najak ne bougea pas. De longues secondes s’écoulèrent. Puis une minute… deux minutes…
Après cinq minutes, les deux femmes commencèrent à douter de l’efficacité du produit. Najak tira la capsule de produit vide de l’hypospray.
— Rosélianite, lut-elle sur l’étiquette. Jamais entendu parler.
— Comment tu écris ça ?
— R-O-S-É-L-I-A-N-I-T-E.
Hazel lança une recherche sur son Padd.
— Rosélianite — principe actif issu d’un arbre fruitier de Bétazed ou d’une plante herbacée d’Iota Geminorum. Rare à l’état naturel mais utilisé dans la plupart des sociétés car très facile à synthétiser. Inefficace sur les espèces au métabolisme plus rapide de type alpha, telles que les Andoriens ou les sous-espèces du groupe Vuhlkantra, aussi connu sous le nom de groupe Eridani.
— Autrement dit, ce truc ne fonctionne pas.
Najak balança l’hypospray à travers la pièce.
— Saleté ! grogna-t-elle.
Hazel ne savait pas quoi faire. Elle tenta tant bien que mal de lister dans sa tête tout ce qu’elle savait du pon farr.
Sautes d’humeur.
Perte d’appétit.
Agressivité.
Perturbations hormonales.
Et, si l’acte n’est pas accompli, la mort.
La mort.
T’nai L’kei Najak Davis allait-elle mourir ?
Son sang se glaça à cette idée.
Alors elle n’avait plus d’excuse.
— Je dois vous avouer quelque chose, articula Hazel.
La Vulcaine détourna son attention de l’hypospray gisant sur le sol et regarda l’éducatrice.
— Quoi donc ?
— Je… Je suis amoureuse. C’est idiot, mais…
Najak prit une grande inspiration et cligna lentement des yeux. Son esprit embrumé par le pon farr et la fatigue avait du mal à analyser les mots. Avait-elle dit ce qu’il lui semblait qu’elle avait dit ?
— Je… Je t’aime et je ne veux pas que tu meures.
Hazel avait l’impression d’être une fillette en train de déclarer sa flamme à un amour d’enfance. Elle ne parvenait pas à choisir ses mots, à faire des phrases cohérentes.
— Et… et je sais que c’est illogique et irrationnel mais j’ai envie d’apprendre à mieux te connaître, de… Je ne sais pas, regarder les étoiles ensemble, partager un repas, t’embrasser, ou même…
Oh non, Najak ne se trompait pas. Elle n’en croyait pas ses oreilles. Elle choisit ses mots du mieux qu’elle pouvait,
— enseigne Dättwyler — enfin, Hazel — il n’y a rien d’illogique là-dedans. Je suis moi-même affectée de sentiments semblables.
Elle sentait son cœur battre, et ce n’était pas à cause de la tension du pon farr.
— Est-ce… est-ce que c’est comme ça qu’un Vulcain déclare sa flamme ? s’étonna Hazel.
La responsable des objets perdus acquiesça.
Comme elle aurait aimé faire cette déclaration ailleurs et à un autre moment ! Elle était en sueur, nerveuse, dans ses quartiers, avec pour seule vue les draps tirés à quatre épingles du lit et le mur défoncé. Ce n’était pas vraiment un décor romantique, elle aurait largement préféré faire ça dans les Holodecks, ou sur la passerelle, ou dans la salle de pause de l’équipe de service, avec ses fauteuils confortables et sa grande baie vitrée, avec vue sur l’espace.
Mais le destin en avait décidé autrement.
— Peut-être que… si tu es d’accord… hasarda Hazel.
— Oui ?
— On pourrait trouver un moyen de se passer des interrupteurs de pon farr ?
— Eh bien…
Le visage vert pomme de Najak rivalisait avec celui rouge tomate de Hazel quelques minutes plus tôt.
— Ça me semble une bonne idée.
— Laisse-moi juste le temps d’aller chercher ce qu’il me faut.
Hazel sortit des quartiers de Najak et gagna les siens en deux bonnes minutes. Elle ouvrit la porte et entra.
Il lui fallut cinq autres minutes pour retrouver sa sacoche (officielle, fournie par Starfleet). Elle y glissa son pyjama (officiel, fourni par Starfleet), son communicateur, son set de lingerie (officiel, fourni par Starfleet) et tout le… nécessaire.
Quand elle revint dans les quartiers de Najak, la lumière était éteinte. Elle tressaillit en voyant deux yeux brillants dans le noir, croyant d’abord à un chat ou un extraterrestre hostile.
En s’approchant prudemment, elle constata que ces yeux étaient ceux de l’enseigne Davis.
— Tu m’as fait une sacrée frayeur, grommela Hazel.
Najak émit un petit bruit étrange.
— Est-ce que tu viens de… rire ?
Si la pièce n’était pas plongée dans l’obscurité, elle aurait pu voir Najak pâlir. Elle avait ri. En public. C’était humiliant. Mais elle avait d’autres priorités.
— Non, je ne crois pas, répondit-elle sèchement.
— Est-ce que j’ai le droit d’utiliser ta salle de bains ?
La Vulcaine hocha la tête puis, réalisant que l’humaine ne pouvait pas la voir, dit simplement :
— Oui.
Hazel eut de la peine à ouvrir la porte de la salle de bains — elle coinçait terriblement. Elle eut encore beaucoup plus de mal à la refermer derrière elle. Elle retira sa ceinture et son uniforme, les bourra dans sa sacoche. Puis elle ôta ses bottes et les posa à côté de la porte de la salle de bains. Elle enleva son insigne, le déposa sur le bord de l’évier, glissa ses sous-vêtements dans une poche plastique qu’elle mit ensuite dans son sac.
Elle passa le set de lingerie fournie par Starfleet, du même bleu que son uniforme et décoré de boutons dorés et d’un genre de tulle scintillant — de fait très kitsch — et épingla son badge par-dessus.
Elle prit une grande inspiration, sortit de la salle de bains et alla rejoindre Najak.
La Vulcaine frémit quand Hazel se glissa sous les draps.
— Bon, eh bien, à nous deux ! plaisanta l’humaine.
Puis elle se figea sur place, l’air tendu.
— Merle ! pesta-t-elle.
— Quoi, qu’est-ce qu’il y a ?
— Le doudou !
— Quoi, le doudou ?
— Je vais devoir le rembourser !

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