The inspection

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Hazel décrocha dès que son Padd commença à sonner. Elle avait tenté de joindre ses parents toute la matinée, sans résultat. La connexion sur l’Adventure était vraiment mauvaise, sans parler de la distance et de l’état du matériel.
C’était un démarcheur. Un démarcheur qui l’appelait, elle, à des centaines des kilomètres de la moindre planète habitée, et de surcroît sur un numéro privé de Starfleet. Ce n’était même pas censé être possible !
— Non, je ne veux pas d’un ventilateur, merci ! lança-t-elle à son interlocuteur, un marchand Orion suspect du nom de Mo’zur Mottrum, avant de raccrocher.
Elle avait posé un jour de permission pour une mission très importante. La Saint-Valentin tombait le lendemain. Il lui fallait trouver un cadeau pour Najak.
Elle était passée à la boutique du vaisseau, qui regorgeait de petits objets, de cartes de vœux et de camelotes diverses. Mais rien qui n’aurait pu plaire à la Vulcaine grincheuse. Les porte-clés étaient cheap, les cartes de vœux remplies de messages émotifs qu’elle trouverait sans doute du plus mauvais goût.
Hazel ouvrit un nouvel onglet sur son Padd et y dressa la liste de ce que Najak aimait : Le thé, la crème glacée, la soupe de plomeek, la couleur verte, son travail aux objets perdus, se plaindre, les endroits calmes, méditer, faire la même chose tous les jours.
Non, rien ne semblait l’orienter vers un cadeau en particulier.

Peut-être aurait-elle pu lui offrir une boîte de thé ou ses glaces préférées ?
Najak pouvait les synthétiser n’importe quand.
Ou alors de l’encens et de nouvelles bougies pour méditer ?
Elle en avait déjà bien assez.
Hazel rit en pensant à lui offrir un prétexte pour se plaindre. Non, la responsable des objets perdus n’avait pas besoin de son aide pour ça.
Quels cadeaux pouvaient bien faire plaisir à un Vulcain ?

Amarok Olsen n’aimait pas être seule à diriger la passerelle. C’était déjà arrivé quelques fois auparavant et à chaque fois, une catastrophe se produisait.
— Mettez le cap vers la planète Dupoohrri-prime, ordonna-t-elle.
Un cri strident lui répondit. Elle se leva de son siège de commandement avec la vitesse d’un ressort et la motivation d’un paresseux en phase terminale.
— Que se passe-t-il ? cria-t-elle.
— Je suis tombé, capitaine ! répondit l’enseigne Tanaka.
Et, en effet, il avait trébuché dans sa tentative de rejoindre son poste de pilotage avant qu’on ne réalise qu’il tirait au flanc et, en un vol plané magistral, il s’était écrasé sur la console et saignait abondamment du nez.
Oh, Amarok Olsen en avait déjà marre.
— Un médecin sur la passerelle ! aboya-t-elle. Maintenant !

Il fallut dix minutes au docteur Mendoza pour rallier la passerelle.
— Que se passe-t-il ? s’enquit-elle en sortant du turboascenseur.
Elle avait cru à une urgence. Dans les hauts postes, ça arrivait souvent. Quel ne fut pas son agacement quand elle ne vit qu’une console défoncée et l’enseigne Tanaka dont le nez ne saignait déjà plus.
— Putain, Olsen, je suis médecin, pas ingénieure ! grogna le médecin-chef.
La capitaine roula des yeux.


Hazel décrocha une seconde fois, prête à envoyer paître l’arnaqueur au bout du fil. L’arnaqueur en question était sa mère.
— Oh, bonjour maman, salua Hazel.
— Je n’ai pas vu tes messages, s’excusa Rosalia Dättwyler. J’étais à une conférence sur la culture Andorienne et l’utilisation de-
— Je suis sûre que c’était fantastique, coupa Hazel, mais j’ai une urgence.
— Quel genre d’urgence ?
— Je ne sais pas quel cadeau ferait plaisir à ma petite amie pour la Saint-Valentin…
Pendant de longues secondes, Hazel n’entendit que le tic-tac stressant de l’horloge de sa cabine. Puis un petit rire aigu monta du Padd.
— Eh bien, tu n’as qu’à lui offrir du chocolat ! conseilla Rosalia. Ce n’est pas très original mais ça marche toujours !
— Mais oui ! s’écria Hazel. Merci maman !
Elle raccrocha, glissa le Padd dans sa sacoche et courut vers la boutique.

— Comment ça, en permission ? s’inquiéta Olsen.
Elle s’enfonça plus profond dans son fauteuil du bureau.
— Vous avez très bien entendu, dit froidement Tulik. En plus de soixante ans que je travaille sur ce vaisseau, je n’ai jamais pris de permission, j’estime donc en avoir le droit.
Il dominait Olsen de toute sa hauteur rigide et imposante. Elle tenta de soutenir son regard, mais il y avait quelque chose de profondément pénible pour un capitaine de vaisseau dans le fait de devoir lever la tête pour parler à quelqu'un.
— Bien entendu, Soran, vous en avez le droit – Je dirais même que vous en avez la permission.
Le Vulcain ne rit pas, se contentant de hausser un sourcil perplexe.
— Dans ce cas où est le problème ? Ma fille a de sérieuses lacunes dans son apprentissage et je compte prendre un moment avec elle pour y travailler.
— Non, le problème, poursuivit Olsen, c’est que cela tombe le jour de l’inspection.
— Et alors ? Vous avez déjà géré l’inspection à plusieurs reprises, y compris en mon absence. Expliquez-vous.
Son ton était toujours aussi calme mais Olsen, habituée au langage corporel des Vulcains, sentait la tension monter.
— Eh bien, le problème, c’est qu’il s’agit de…
Elle baissa d’un ton et ajouta, presque en chuchotant.
— Il s’agit de Victor et Moussa.
Tulik cligna lentement des yeux, comme un chat agacé d’être tiré de sa sieste.
— Vous comprenez, Soran, je ne peux pas les gérer seule ! S’il se produit ne serait-ce qu’un dixième de ce qui arrive tous les jours sur ce vaisseaux, ils donneront l’ordre de faire atterrir l’Adventure et de le mettre en pièces !
— J’ai déjà fait ma demande et elle a été acceptée. Il faudra vous en contenter, Amarok.
Il prononça le prénom de l’humaine avec une froideur sans équivoque.
— Le sujet est clos. Kachina recevra l’instruction Vulcaine dont elle a besoin.

Au matin de la Saint-Valentin, Hazel était prête. Elle s’était procuré une jolie boîte de chocolats et l’avait emballé d’un papier à petits cœurs rouges et roses. Elle avait aussi laissé une petite carte qu’elle avait fabriquée elle-même avec un papier synthétisé de mauvaise qualité. Si Najak ne dormait pas, elle l’avait sans doute déjà entendue à travers la cloison. Dans le doute, elle frappa à la porte et se sauva.

Le bruit tira Najak de sa transe méditative. Elle souffla sa bougie et se releva lentement pour aller ouvrir. Elle tira la porte, ne vit personne et faillit manquer le paquet criard à ses pieds. Elle le ramassa et l’observa de plus près.
Le paquet avait une forme de cœurs, comme la carte et les motifs du papiers. Des cœurs rouges – Najak ricana devant l’ironie de la situation. Le cadeau avait l’odeur de Hazel, la carte ne contenait qu’un « Je t’aime » à l’encre rouge sombre entouré de petits cœurs. La Vulcaine déchira le papier avec délicatesse, les griffes rentrées au maximum pour ne pas l’abîmer. C’était une charmante boîte de confiseries terriennes, avec des inscriptions sur le paquet en trois langues terriennes qu’elle ne comprenait pas. Elle ouvrit la boîte et saisit une friandise au hasard.
Bien sûr, ce genre de confiseries nuisait à la santé – mais ce n’était pas si grave. Il faudrait qu’elle remercie Hazel la prochaine fois qu’elle la croiserait.

Une odeur d’épices et d’encens emplissait les quartiers du capitaine Tulik. Le salon, transformé en salle de méditation, était seulement éclairé par la lueur dansante des bougies. Le capitaine, vêtu de l’une de ses longues robes Vulcaines, préparait du thé dans une petite théière traditionnelle.
Dans sa petite cabine personnelle, Kachina bataillait contre la ceinture de sa robe et les espèces de pantalons qu’elle était censée porter en dessous. Quand enfin elle réussit à attacher la dernière ceinture, elle s’était par la même occasion complètement décoiffée et ses vêtements froissés étaient couverts de poussière. Elle n’avait pas l’habitude des robes longues, des manches amples et des capuches – ce n’était pas pratique. Comment les Vulcains de la haute société faisaient-ils pour courir, sauter, jouer et s’amuser ? Peut-être qu’ils avaient des techniques secrètes pour ça ? Oh, Kachina avait hâte de découvrir les techniques de jeu secrètes des Vulcains.
Elle sortit de la cabine surexcitée.
— On fait un jeu ? demanda-t-elle, en voyant son père avec un genre de petite théière, comme celle de la dînette du Strange New Worlds Daycare.
Tulik ne répondit que par un léger mouvement de ses oreilles, pour indiquer à Kachina qu’il l’avait entendue.

Une autorisation générale de permission avait été accordée pour la Saint-Valentin. Hazel ne savait pas trop quoi faire – Najak n’avait pas pris de permission et travaillait au service des objets perdus comme d’habitude. Son errance la mena jusqu’à la salle des téléporteurs où le capitaine Olsen, le sous-lieutenant Jeavons et les enseignes Swan et Tanaka attendaient , très droits et formels.

Deux hommes se matérialisèrent dans un sifflement. Le premier était le plus petit des deux, mais tout juste d’une demi-tête. Il était tout fin et sec, avec un visage ovale sévère et des cheveux bruns plaqués en arrière. Le second était un peu plus grand et robuste. Il avait le visage rond, un teint sombre et des cheveux courts crépus. L’un et l’autre étaient vêtus de costards vieillots et portaient des petites lunettes noires. Il fallut un moment à Hazel pour les reconnaître, mais il n’y avait aucun doute – Il s’agissait de Victor Sanders et Moussa Whitaker, les inspecteurs les plus réputés de la flotte.

Tous saluèrent comme le voulait l’étiquette. Moussa observa le petit groupe et sembla étonné de ne pas y voir de Vulcain.
— Où est Soran Tulik ? demanda Victor.
— Il est en permission.
Victor et Moussa adressèrent à Olsen un regard de désapprobation.
— Bon, eh bien… commença Moussa.
Victor termina sa phrase.
— Commençons notre inspection !


Najak avait décidé de sauter le petit-déjeuner pour échapper aux tourtereaux roucoulants en permission, mais la faim l’avait très vite rattrapée. Elle avait été forcée de descendre au réfectoire. Elle marchait à petits pas, agitée par la sensation trouble et désagréable que tout bougeait autour d’elle, comme un genre de vertige.
Ce devait être le manque de sucre ? Après tout, elle était tout de même à moitié humaine. Heureusement, elle avait glissé dans la poche de son uniforme deux des chocolats de Hazel, délicatement emballés dans le papier de soie rose de la boîte.
La demi-Vulcaine tira de sa poche une friandise à moitié fondue et l’avala pour faire remonter sa glycémie. Ça ne lui sembla pas très efficace. En fait, elle était de plus en plus nauséeuse et désorientée. Elle atteint le réfectoire quelques minutes plus tard, totalement perdue, et s’effondra.


— La température de ces tubes de Jefferies me semble excessive, remarqua Victor.
Moussa glissa son tricordeur d’inspection dans les tubes et scanna.
— En effet, confirma-t-il. D’un demi-degré supérieur aux règlementations.
Olsen grommela quelques mots indéfinissables. Cela faisait presque une heure que les deux hommes la traînaient de gauche à droite dans son propre vaisseau, pestant à propos de l’état du matériel et l’accusant d’infractions qu’elle n’avait jamais commises. Elle enviait terriblement le sang-froid du capitaine Tulik – Soran aurait été bien plus résistant qu’elle à la sévérité des deux idiots en costume-cravate.
Mais elle était forcée de les supporter.


Kachina admirait la facilité avec laquelle son père était passé en transe méditative. Elle n’y parvenait pas. Dès qu’elle sentait son état de conscience changer, quelque chose la ramenait à l’éveil. Une lampe crépitait. La respiration du capitaine Tulik était légèrement sifflante. Elle était assise sur un pli du tissu de sa robe, qui la grattait. L’encens lui piquait le nez. Elle avait une mèche de cheveux dans le visage.
Impossible de se concentrer – mais elle continuait d’essayer.


Olsen resta figée d’effroi devant le spectacle glaçant qu’était le réfectoire. L'enseigne Davis, la Vulcaine, pas le pilote humain, avait tiré deux tables dans un coin du réfectoire et s’en servait d’estrade. Au pied de la scène, l’infirmier Ka’llith et le sous-lieutenant Jeavons trinquaient, galvanisés par les discours de Davis et défoncés par leurs boissons. Un petit groupe composé surtout d’humains, d’Andoriens et de Klingons applaudissait.
— L’une des nôtres ! L’une des nôtres ! chantaient-ils.
Le lieutenant Spark et l’officier en second T’vai observaient la scène, manifestement mal à l’aise. De fait, ils étaient – littéralement – verts de honte. Assise à l’une des tables les plus éloignées, le docteur Mendoza buvait un verre de liquide pétillant, sans doute de l’eau avec des vitamines effervescentes synthétisées. Elle faisait mine de ne pas se soucier du fouillis, mais jetait de temps en temps un regard à Davis, Jeavons et Ka’llith par-dessus ses lunettes en demi-lune.

Victor et Moussa tombèrent sur le capitaine comme des vautours affamés.
— Que se passe-t-il dans ce vaisseau, bon sang ?
— Vous savez quoi ? aboya Najak. Niquez la logique et niquez Surak ! Nous ne sommes pas des robots sans âmes !
Une nouvelle salve de « L’une des nôtres ! » s’éleva dans la salle.
Victor et Moussa pâlirent tous les deux.


Tulik fut tiré de sa méditation par des cris lointains et le bruit confus de plusieurs hommes tapant des mains et des pieds. Il prit le temps de bien revenir à lui avant de se lever et quitta ses quartiers sur la pointe des pieds, veillant bien à ne pas tirer Kachina de sa transe.


— Depuis le temps que la Fédération essaie de faire atterrir cette coque de noix ! jubila Victor.
— L’amirauté nous remerciera ! s’enthousiasma Moussa.
— Ce vaisseau est une vraie poubelle, ce n’était plus possible, railla Victor.
— Le commandement en est inefficace et le matériel est dans un état déplorable, ajouta Moussa.
Olsen fit le poing dans sa poche et prit une grande respiration. Comment Soran aurait-il réagi ? Il aurait sans doute fait une remarque pleine d’esprit pour moucher les inspecteurs. Ou peut-être serait-il resté silencieux.
— Et quel intérêt y a-t-il à avoir une équipe de service ? remarqua Moussa.
— Le personnel de ce vaisseau est le plus stupide et dysfonctionnel de la flotte ! se plaignit Victor.
Non, Amarok Olsen n’était pas Soran Tulik.
— Personne… n’insulte… mon équipage ! grogna-t-elle.
Puis elle colla un poing dans le nez de Victor.
— L’une des nôtres ! L’une des nôtres ! hurla le petit groupe d’officiers ivres et surexcités.
Ensuite, ce ne fut que bataille, coups et désordre.


— Que se passe-t-il ici ? demanda une voix calme et glaciale.
Le silence total retomba sur le réfectoire. Les yeux de Najak Davis s’agrandirent. Victor, Moussa et Olsen cessèrent de se battre.
Dans l’embrasure de la porte se tenait Soran Tulik. Le capitaine était vêtu de longues robes Vulcaines noires, brodées d’or et d’argent, dont les longues manches descendaient presque jusqu’au sol. Une odeur d’encens et de thé l’accompagnait. Il dégageait une aura d’autorité et de grâce, déplacée dans ce désordre sans nom.
Il observa la scène, son regard vert sombre transperçant tour à tour officiers et inspecteurs.
Puis le Vulcain prit une grande inspiration.
— Docteur Mendoza, infirmier Ka’llith, regagnez votre poste. Messieurs Sanders et Whitaker vont avoir besoin de vos services, tout comme le capitaine Olsen. Commandeur T’vai, assurez-vous que tout le monde regagne ses quartiers et y soit consigné jusqu’à demain matin. Les repas vous seront livrés directement dans vos cabines à 19h 30.
Il posa enfin les yeux sur Davis, la pointe de ses oreilles tressaillant d’une aversion difficile à dissimuler.
— Je veux vous voir immédiatement dans mon bureau. Pas de discussion.


Kachina avait du mal à comprendre ce qu’elle voyait. Le lien mental qui la reliait à son père était étonnamment actif, et ce qu’elle recevait était difficile à analyser. De la colère, du mépris, de l’agacement se déversaient de son côté du lien. Les accompagnaient des images étranges : La responsable des objets perdus debout sur une table, le docteur Mendoza buvant une boisson pétillante, des officiers ivres, Un homme avec le nez en sang.
Pour sûr, ce n’était pas l’expérience qu’elle attendait d’une introspection méditative. Ce n’était pas très agréable. Elle devrait sans doute se réveiller – mais comment ?


Absorbé par ses pensées, le capitaine Tulik percuta l’enseigne Dättwyler. Najak pouffa de rire. Elle n’avait pas les idées très claires.
— Oh, capitaine, je suis… vraiment désolée ! bafouilla Hazel. Est-ce que vous savez ce qui s’est passé au réfectoire ?
Elle avait passé la journée à réfléchir à quel repas de Saint-Valentin aurait fait plaisir à Najak, mais sa t’hy’la mangeait la même chose tous les jours, presque sans exception. Comment lui faire plaisir ? Un imprévu aurait enrayé sa routine, et faire la même chose que d’habitude n’aurait rien de très festif. Elle s’était finalement décidée à aller demander dans les cuisines une soupe de plomeek fraîche. Le sous-lieutenant Watson avait été ravie de lui faire cette faveur.

— Vous voyez, répondit le capitaine Tulik, un enseigne en état d’ébriété avancé a causé beaucoup de grabuge au réfectoire, causant même une bagarre entre le capitaine Olsen et les inspecteurs, messieurs Whitaker et Sanders. Et, avant que vous ne posiez la question, l’enseigne en question n’est autre que T’nai L’kei Najak Davis.
Hazel ne remarqua Najak qu’à ce moment. La demi-Vulcaine avait l’air complètement à l’ouest, le regard vide, le visage verdâtre.
— Qu’est-ce qui l’a mis dans cet état ?
— Indéterminé.
— Vous allez à l’infirmerie pour faire des tests ?
— En effet, dit Tulik.
Même s’il n’en laissait rien paraître, il s’impatientait.
— Je peux venir avec vous ?
— Accordé.
Hazel était du genre pipelette quand elle se promenait dans les couloirs de l’Adventure. On s’ennuyait rapidement dans les allées presque vides, et faire la conversation aidait. Le capitaine Tulik n’était pas du genre à discuter, et Najak n’était plus en état de parler. Elle marmonnait pour elle-même un discours désarticulé dans un mélange de Standard de la Fédération, de Vulcain et de mauvais anglais.


Le docteur Mendoza fronça les sourcils. Najak gesticulait sans cesse, l’empêchant de piquer.
— Mais comment voulez-vous que je réussisse à prélever quoi que ce soit si elle bouge comme ça ?
Elle prit une gorgée de sa boisson pétillante qui, à y voir de près, n’était sans doute pas une solution de vitamines.
— J’y donnerais bien un sédatif mais ça risquerait de fausser les tests !
Le médecin-chef revint à l’assaut, agitant son hypospray de gauche à droite comme un moustique hystérique. Dans un autre contexte, Hazel aurait trouvé la situation plutôt drôle – mais Najak était apparemment très malade et le temps n’était pas au rire.
— Vous permettez, docteur ? proposa Tulik.
Il posa sa main sur l’épaule de l’hybride défoncée et administra une prise Vulcaine impeccable. Najak laissa échapper un petit cri aigu, puis perdit connaissance.
— Très bien, très bien, grogna Mendoza, en aspirant une gouttelette de sang avec son hypospray.

Une rapide analyse sur son tricordeur médical révéla la composition du sang de Najak.
— Un antitussif, quantités négligeables. Alcool, quantités négligeables. Glycémie élevée, mmmh, intéressant, et… Bingo ! J’ai trouvé ! Théobromine, quantités importantes !
Le médecin-chef échangea un regard entendu avec le capitaine.
— Je vois.
— Eh bien moi, je ne comprends pas, dit Hazel.
— Vous voyez, Dättwyler, le chocolat fait aux Vulcains le même effet que l’alcool pour nous. Il va lui falloir du repos, de l’eau et un bon bol de soupe. Et, si personne ne s’y oppose, je vais la mettre aux arrêts pour un jour ou deux le temps d’éliminer toute cette merde.
Hazel avait les joues brûlantes.
— Docteur… Capitaine… je dois vous dire quelque chose. Les chocolats que Najak a mangés… C’est moi qui les lui ai offerts.

Silence interminable. Puis le capitaine Tulik demanda :
— Étiez-vous au courant de l’effet que ces friandises auraient sur son organisme ?
— Non, bien sûr !
— Dans ce cas, déclara le Vulcain, votre punition consistera à réparer tous les dégâts matériels et veiller au bon rétablissement de l’enseigne T’nai L’kei. Vous devrez également aider le capitaine Olsen à préparer sa défense – elle risque de passer en cour martiale. Je vous aurais volontiers fait rétrograder mais, malheureusement, nous ne pouvons pas nous permettre ne nous passer d’un membre important de l’équipe de service et, de toute façon, l’Adventure va sans doute devoir revenir au Spatiodock, et puis-

Oh, mince, il avait oublié Kachina !!!
— Vous m’excuserez, je crois qu’une urgence m’attend.
Et il se précipita hors de l’infirmerie.


Il trouva sa fille à l’endroit où il l’avait laissée, totalement calme et éveillée. Elle sirotait une tasse de thé, non plus assise en tailleur mais à genoux.
— Kachina, tout va bien ? s’inquiéta-t-il.
Oui, il était inquiet. Sa négligence aurait pu lui coûter son poste de capitaine, son vaisseau mais aussi – et ç’aurait été encore bien plus grave – sa fille. Le seul lien qui le rattachait encore à T’Lanika. Même en se concentrant, il ne put faire disparaître les tremblements qui agitaient ses membres.
Mais Kachina releva la tête et, les yeux brillants, un léger sourire éclairant son visage rond et pâle comme la lune, déclara non sans fierté :
— Tu as vu, j’ai fait toute seule !
Un petit bruit aigu et nerveux échappa au capitaine Tulik, et Kachina mit quelques secondes à réaliser qu’il s’agissait d’une rire.—

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