Chapitre 36

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Layla

- Bien, Maïwenn, vous êtes prête ?

- Oui, Mademoiselle.

- Parfait, alors, allons-y.

Maïwenn m'a rejointe dans mon bureau en milieu de matinée. Nous avons fait le point sur son étude et nous sommes maintenant prêtes à partir. Serge va nous conduire jusqu'à la Gare de Lyon où nous prendrons le train. Nous allons voyager tout l'après-midi, pour arriver à Montélimar vers 17h30. Lisa nous a réservé une voiture que je laisserai à Maïwenn, qu'elle puisse visiter la région au cours du week-end. Alexis va venir me récupérer à Vals-les-Bains.

Nous quittons mon bureau, chacune avec nos affaires : ma valise est restée dans la voiture, mais j'emporte mon ordinateur portable, mes téléphones et un dossier dans lequel Lisa m'a préparé divers documents pour le voyage : billets de train, document pour la réservation de la voiture, et les documents pour Maïwenn pour sa réservation d'hôtel.

Lisa nous souhaite un bon voyage, puis nous nous retrouvons dans l'ascenseur pour rejoindre le parking en sous-sol. Serge est fidèle au poste, debout près de la voiture. Il nous ouvre les portes, puis range le bagage de Maïwenn dans le coffre, à côté de ma valise.

- Tout va bien, Mademoiselle, me dit-il en démarrant. La circulation est assez fluide, vous allez arriver à la gare avec un peu d'avance, normalement, une bonne vingtaine de minutes.

- C'est parfait, Serge.

- J'ai étudié les conditions de circulation à Montélimar. Cela ira aussi.

- Nous n'avons pas de col à franchir, dis-je en souriant, me souvenant de ce qu'il m'avait appris concernant le trajet retour d'Alexis, quelques semaines plus tôt.

- Tout à fait. En cette saison, c'est aussi bien pour vous d'aller par le train et de passer par la vallée du Rhône. Mais j'espère que vous n'aurez pas à subir un épisode cévenol en fin de semaine prochaine. Il est annoncé une remontée d'air chaud de la Méditerranée...

- Cela fait un peu tard dans la saison, mais l'automne a été doux. C'est possible. Je serai vigilante.

- Qu'est-ce qu'un épisode cévenol ? demande Maïwenn.

- De très fortes précipitations, parfois causées par des orages, sur les montagnes des Cévennes. Le phénomène touche essentiellement la Lozère, le Gard, l'Hérault et l'Ardèche. C'est un phénomène similaire qui a été à l'origine de la catastrophe de Vaison-la-Romaine.

- Ah oui... fait-elle en ouvrant de grands yeux.

- Dans les Cévennes, les cours d'eau sont nombreux et alimentent les rivières principales. Quand tout cela se rejoint, le niveau des eaux peut monter très vite et très haut. Le débit est alors impressionnant et les dégâts parfois conséquents : il arrive que des ponts soient coupés, des zones inondées. Et hélas, parfois, il y a des victimes.

- Vous ne risquez pas grand-chose à Aizac, Mademoiselle, dit Serge. Et l'hôtel que vous avez choisi, Mademoiselle Maïwenn, est situé un peu en hauteur. Si vous vous promenez dans la ville, un des parkings qui se trouve le long de la rive de la Volane est régulièrement inondé lors des crues. Parfois l'eau monte très haut.

- Quand j'étais enfant, dis-je, à Antraigues, j'ai vu la rive être emportée près du pont de l'Huile. Des petits ruisseaux tranquilles en été se mettent à charrier d'énormes blocs de pierre, des troncs d'arbres... En général, cela ne dure pas au-delà de deux-trois jours, maximum. J'espère donc que ce ne sera pas trop violent s'il doit y en avoir un.

- Les usines sont situées en bord de rivière, est-ce que cela représente un souci ? me demande Maïwenn.

- Non. Mon grand-père connaissait les caprices de la rivière et quand il a fait bâtir celle d'Ucel, il a veillé à ce qu'elle soit plus haute que le niveau le plus élevé connu d'une crue. Et elle se trouve assez en retrait de la rivière. En revanche, celle de Labégude, la plus grande, est construite à proximité. C'était une ancienne usine de moulinage et l'eau était nécessaire pour la faire tourner.

- Pensez-vous que nous pourrions utiliser la force de l'eau à nouveau ? Pour produire de l'électricité ?

- Hum... fais-je en réfléchissant un peu. Ce serait sans doute possible, mais un rien archaïque. Et surtout, ce ne serait pas une source d'approvisionnement régulière. En revanche, on peut envisager de pomper de l'eau pour certains usages, à condition d'avoir une mini-station d'épuration aux normes pour la rejeter ensuite dans la rivière. Mais cela se négocie aussi avec les autorités. Il faudra être irréprochable en matière d'empreinte environnementale. Nous n'avons pas le choix. C'est un des points que j'ai bien à l'esprit et pour tout développement ou agrandissement à venir, cela devra être pris en compte. C'est d'ailleurs un des points sur lequel deux de vos collègues travaillent pour l'usine de Libourne.

- Oui, j'ai échangé un peu avec eux à ce sujet. Je crois qu'il est question d'isolation, voire de bâtiment autonome en énergie ?

- Exact.

- J'aurai bien ce point à l'esprit aussi pour l'Ardèche, m'assure Maïwenn.

Nous ne tardons pas à arriver Gare de Lyon. Serge nous dépose et nous souhaite bon voyage, assurant de venir nous rechercher dimanche dans dix jours. Et qu'il pourra déposer Maïwenn chez elle également, ce dont elle le remercie chaudement. De toute façon, je ne l'aurais pas laissée partir toute seule un dimanche soir, par le métro. Elle aurait pris un taxi.

**

Notre voyage se déroule sans souci. Après un changement à Lyon, nous nous retrouvons en route pour notre dernière étape, jusqu'à Montélimar. Nous parlons beaucoup du projet, mais en fin de voyage, je mentionne à Maïwenn quelques visites à faire et alors que je conduis pour nous rendre à Vals-les-Bains, je lui indique différents lieux à voir. Elle aura un choix à faire, mais je lui conseille pour la journée du samedi de revenir par ici, de visiter le site romain d'Alba, le village de Saint-Thomé, puis de prendre une petite route à travers le causse pour rejoindre Vallon-Pont-d'Arc et de faire la visite de la Grotte Chauvet.

Alors que je patientais chez le loueur de voitures pour récupérer la nôtre, j'ai appelé rapidement Alexis pour lui dire que nous allions quitter Montélimar. Il me donne rendez-vous à Vals, sur le parking de la place Galimard. C'est à deux pas de l'hôtel de Maïwenn. Je donne aussi à cette dernière quelques adresses de restaurants sur Vals, mais en lui conseillant de dîner ce soir à l'hôtel, c'est bon et ce sera plus facile pour elle. Nous convenons de nous retrouver lundi matin à 9h. Je passerai la chercher et nous commencerons par une première visite à Ucel.

Je descends la ruelle en tirant ma valise derrière moi. J'aperçois la silhouette d'Alexis, appuyé contre sa voiture. Dès qu'il me voit, il abandonne son poste de guet et se dirige d'un pas rapide jusqu'à moi. Ses bras m'enlacent, ses lèvres m'embrassent. Je me blottis contre lui, savourant nos retrouvailles.

Puis il attrape ma valise d'une main, glisse son autre bras derrière ma taille et m'entraîne jusqu'à la voiture. Il fait nuit et humide, il a dû pleuvoir dans la journée.

- Ca va ? me demande-t-il en chemin. Le voyage s'est bien passé ?

- Oui, très bien. Maïwenn est une personne agréable, très cultivée et intéressante. Elle n'est jamais venue en Ardèche, mais je suis certaine qu'elle va bien occuper son temps libre, car elle était très contente de pouvoir profiter de quelques journées pour se promener.

- Je suis sûr que tu lui as concocté un bon programme, me sourit-il en arrivant près de la voiture et en glissant ma valise dans le coffre.

- Oui, tout en essayant de ne pas la noyer avec trop de suggestions !

Il sourit, nous prenons place et en route pour Antraigues. Même s'il fait sombre, je suis très heureuse de retrouver la route en lacets qui mène jusqu'au village. A peine quittés les faubourgs de Vals et franchi le premier pont sur la Volane, le pont de Bridou, je sens la détente m'envahir. La semaine a été chargée, mais la perspective de venir passer plus de huit jours ici me l'avait fait oublier. Alors que nous traversons le hameau du Rigaudel, la main d'Alexis glisse sur ma cuisse. J'y noue aussitôt mes doigts, mais pas pour longtemps : avec les virages, il vaut mieux avoir les deux mains sur le volant.

- Quelles sont les nouvelles, ici ?

- Et bien, le petit train-train, me répond-il. Tout le monde va bien. Mais on ne fait des parties de pétanque que lorsqu'il fait beau et que le terrain est bien sec. Ca fait deux jours qu'on n'a pas joué. Il est annoncé meilleur pour ce week-end et le début de semaine, on verra. Sinon, j'ai avancé pour le choix du matériel pour le cabinet. Mais j'attends évidemment d'avoir l'assurance de pouvoir m'installer. J'en ai parlé avec Bruno aussi. A l'ARS, il y a une personne qui peut m'aider à évaluer les quantités dont je peux avoir besoin, au moins au démarrage. Car tu sais, j'ignore combien de boîtes de compresses il me faut pour commencer. Et c'est juste un exemple.

- Hum, je vois. C'est bien qu'il y ait quelqu'un pour te conseiller à l'ARS. Ils servent au moins à quelque chose. Je veux dire, pas seulement à imposer des fermetures d'établissements de santé. Et encore, il m'arrive de me dire qu'on a de la chance d'avoir plusieurs petites villes de cures, Vals, Neyrac... Cela maintient des hôpitaux, même si ce sont seulement des services d'appoint et que tout est regroupé à Aubenas. Il y a des gens, sur le plateau, ils vont même au Puy-en-Velay, plutôt qu'à Aubenas.

- C'est un gros souci. Il faut espérer que nous n'ayons jamais de grande catastrophe sanitaire à traverser. Cela pourrait être le point de rupture.

Je hoche la tête. Cela le préoccupe beaucoup, nous en avons parlé plusieurs fois. Et je sais qu'à sa façon, en s'installant à Antraigues, il va lutter contre cette désertification médicale qu'on ose encore à peine appeler ainsi.

Alexis

Je retrouve Layla avec joie et nous rentrons sur Antraigues. Ce soir, nous dormons chez moi, car aux Auches, rien n'est prêt pour l'accueillir. La maison doit être froide, le lit n'est pas fait. Bref, en arrivant un peu tard ce vendredi, le mieux est de rester à l'Enfer. Au moins, ma maison est chauffée et une bonne soupe nous attend.

Son doux sourire lorsque nous arrivons à hauteur du pont de la Tourasse et qu'elle découvre les lumières d'Antraigues est une pure joie pour moi. Et une certitude aussi : Layla n'est pleinement heureuse, épanouie, qu'ici. Et déjà je m'interroge sur l'avenir : pourra-t-elle tenir à Paris ? Surtout si notre histoire s'installe dans la durée ? Ce dont j'ai bien l'intention... Tant que je ne suis pas en activité, je compte bien retourner la voir au moins une fois par mois. Après, ce sera difficile de quitter Antraigues, au moins les premiers temps, même pour quelques jours. Il faudra un peu d'organisation. Mais si je peux ouvrir le cabinet au printemps, elle viendra durant l'été et une fois la saison touristique passée, j'aurai pris le rythme, je mesurerai mieux ma charge de travail et je pourrai peut-être m'absenter. Pas aussi longtemps qu'en octobre, c'est certain, mais si je peux la rejoindre pour trois ou quatre jours, ce sera toujours cela de pris. Et si l'étude que Maïwenn entame pour la relocalisation donne de bons résultats, Layla aura certainement à se déplacer à plusieurs reprises. Les mois qui s'annoncent ne m'effraient pas trop. Ensuite... On verra.

Nous arrivons rapidement au gîte, elle se glisse bien vite à l'intérieur et je la suis en portant sa valise. Elle est à peine entrée qu'elle a déjà abandonné ses bottes, son manteau, son écharpe. Elle se plante devant le poêle, étend ses mains pour les réchauffer et en ferme les yeux de volupté. Je laisse la valise dans un coin, me débarrasse aussi de mon blouson et je vais l'enlacer.

Elle se tourne aussitôt vers moi, m'embrasse, puis me murmure :

- Fais-moi l'amour, tout de suite. La soupe peut bien attendre.

**

La soupe a attendu. Pas nous. Et nous ne tempérons nullement nos ardeurs, ni Layla, ni moi. Je suis trop heureux de la retrouver et je perçois la même joie pour elle. Nous prenons cependant le temps de nous dévêtir l'un l'autre, puis je l'étends sur le lit et j'entreprends de la caresser, de la réchauffer aussi, et de célébrer cette première soirée, ces premières heures ensemble, à nouveau.

Tout son corps est un appel au plaisir, à l'amour. Ses seins délicieux, aux pointes tendues, ses mains qui courent sur ma peau, son ventre chaud, ses jambes magnifiques. Elles n'ont rien perdu de leur tonicité avec le retour à Paris, Layla m'ayant confié qu'elle s'adonne à une bonne séance hebdomadaire de natation et qu'elle marche aussi le plus possible, même quand le temps est gris. Et bien que le quartier de la Défense n'y soit pas particulièrement propice, elle s'offre souvent, le midi, une petite marche autour de quelques immeubles et places.

Alors que mes lèvres s'aventurent dans son cou, mordillent, savourent, que mes mains caressent ses seins, elle gémit et m'appelle :

- Viens... Alexis... Viens...

Je n'attends pas plus. Moi aussi, je veux être en elle, moi aussi, je veux notre union, notre réunion. Notre osmose et notre plaisir partagé. J'abandonne son cou pour prendre ses lèvres, l'embrasser d'un baiser profond et passionné, sans arrêter mes caresses sur sa poitrine et sur ses seins impatients. Puis je viens en elle, dans un moment de joie absolue, de tendresse et de chaleur. Sous mes lèvres, sa langue joue plus vite avec la mienne, son pouls s'accélère, je sens monter sa plainte que notre baiser étouffe. Puis elle le rompt, se cambre, crie et tout s'accélère. Cette tension insoutenable, ce désir brûlant. Sa peau, la mienne se couvrent de sueur. Nos cœurs se mettent à battre comme des fous, trop heureux de répondre à l'écho l'un de l'autre. Et la vague nous submerge alors que je plante mon regard dans le sien et je succombe en me perdant dans l'onde mauve qui y jaillit.

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