Chapitre 99

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Layla

Un long crissement aigu, les panneaux d'affichage cessent de défiler devant mes yeux. Le train s'immobilise enfin en gare de Montélimar. Je me lève, pas fâchée de détendre mes jambes, même si je me suis levée à quelques reprises depuis que j'ai quitté Paris. Je m'engage dans le couloir, récupère ma valise, puis descends sur le quai. Moins de quelques secondes plus tard, les bras d'Alexis m'enlacent, sa bouche dévore la mienne et ma fatigue s'envole comme par magie.

- Bonsoir, mon amour, me souffle-t-il, sourire aux lèvres. Tu as fait bon voyage ?

- Oui... Contente d'arriver. Tu vas bien ?

- Très ! Ne traînons pas...

Nous remontons bien vite le quai jusqu'à l'escalier. Quelques instants plus tard, nous traversons le parking jusqu'à sa voiture. Il fait nuit et froid. Le bitume est humide, signe que la pluie est récemment tombée.

A cette heure tardive, nous ne rencontrons pas de difficulté particulière pour quitter Montélimar et la vallée du Rhône et bientôt nous nous engageons le long de la route du Teil. J'arrive en milieu de semaine et je vais passer plusieurs jours ici. Demain et vendredi doivent avoir lieu deux importantes réunions de chantier, en présence des élus à l'urbanisme des deux communes, à Ucel demain et Labégude vendredi. Maïwenn et Alban sont déjà sur place. En début de semaine prochaine, je dois m'entretenir avec des élus d'Aubenas, la députée, les représentants de Pôle Emploi pour engager la phase de recrutement et de formation du personnel. Je ne rentrerai sur Paris que mercredi.

Depuis le début de l'année, je suis constamment en déplacement. A Libourne une fois par mois, pour les réunions mensuelles, en Ardèche deux fois pour suivre le chantier. Je passe rarement une semaine complète à Paris.

Je veille à mon rythme de vie : alimentation, sommeil, activité sportive et relaxante. Alexis m'y aide, Nadine et Lisa y veillent. J'ai commencé une cure de vitamines, en cette fin d'hiver. Le week-end, à Paris, je m'offre deux séances de natation, chaque jour, car le temps ne permet pas vraiment de faire de belles sorties. En revanche, en Ardèche, nous allons marcher. S'il fait beau, c'est une belle randonnée que nous prévoyons, d'au moins quatre heures. Si le temps est plus maussade, nous nous rendons alors dans un village différent et faisons une petite randonnée dans les alentours. Nous avons ainsi refait la petite boucle de Saint-Andéol, bien pratique car peu éloignée d'Antraigues et ne présentant pas de difficulté particulière. De même, nous avons été à Juvinas, Ailhon, Voguë, Balazuc, Saint-Maurice d'Ibie. En cette saison, les sentiers sont assez aisément praticables, la végétation ne les ayant pas encore envahis.

Alexis a commencé à déplacer ses affaires de l'Enfer aux Auches : les week-ends où je ne suis pas avec lui, il passe une à deux heures chaque jour à faire ses cartons, ce qui va assez vite d'après lui puisqu'il n'en avait pas défait beaucoup depuis son déménagement de Paris. Il ne fait pas que cela, mais petit à petit, cela avance. Il a prévenu Monsieur Duras et libèrera le gîte pour la fin du mois de mars.

Normalement, pour ce déplacement, Serge aurait dû m'accompagner et demeurer avec moi pour me conduire à mes divers rendez-vous, mais sa femme doit subir une petite intervention chirurgicale, et je l'ai obligé à rester avec elle. J'ai ma voiture ici, de toute façon, et pour redescendre à Montélimar mercredi, je serai avec Maïwenn et Alban, dans la voiture de location. Lisa fait des merveilles à jongler entre tous nos déplacements et à les organiser au mieux. Elle méritera bien une augmentation avec effet rétroactif.

Alexis

- Layla ?

- Hum ?

- On traverse Vals...

- Oh, déjà... Je me suis endormie...

- Je m'en suis bien rendu compte, souris-je en ralentissant pour m'engager dans les rues à vitesse limitée, près du quartier thermal.

Nous n'avions pas encore rejoint l'embranchement entre la route du Teil et celle de Viviers qu'elle dormait déjà. Il faut dire qu'il est bien tard, près de 23h. Nous en avons encore pour une bonne vingtaine de minutes de route. J'aurais pu la laisser dormir, mais je sais qu'elle veut pouvoir profiter de la vallée de la Volane, même de nuit.

- Hum... fait-elle en s'étirant. Ca m'a fait du bien, cette petite sieste !

- Tu n'as pas dormi dans le train ?

- Non, je n'avais pas vraiment sommeil. Et j'ai travaillé.

Je retiens un soupir. Je sais que Layla est à fond dans son projet, qu'elle doit en même temps suivre la bonne marche de son entreprise, régler beaucoup de questions, même si elle a délégué une partie de sa charge à Laurent : c'est lui désormais qui dirige la plupart des réunions de direction à Paris, Layla n'est présente que pour les comités centraux d'entreprise, une fois par mois. Elle ne peut y couper. Néanmoins, même si elle n'assiste pas aux réunions, elle reçoit tous les comptes-rendus, échange beaucoup avec ses collaborateurs et notamment les chefs de service.

Je suis vigilant quand elle est ici, je sais que je peux compter sur Nadine, Lisa et Serge quand elle est à Paris et même son adjoint, Laurent, pour qu'elle ne se retrouve pas en surmenage. Et quand elle va à Libourne, c'est Liliane qui veille. Elle accorde une demi-heure, pas plus (et chronomètre en main m'a-t-elle promis !), à son mari pour qu'il puisse poser diverses questions à Layla et se tenir au courant, tant du projet que de la vie de l'entreprise. Il a bien compris qu'il fallait ménager sa fille. Et se ménager lui aussi.

Nous quittons Vals, les lumières s'éloignent. La vallée est plongée dans le noir, seulement éclairée par les phares de la voiture et, parfois, par quelques lumières aux fenêtres des maisons des différents hameaux. A cette heure, beaucoup sont déjà éteintes. Nous arrivons au pied d'Antraigues juste avant que l'éclairage public ne s'éteigne, puis nous partons à l'assaut de la montagne. Une bonne dizaine de minutes plus tard, nous sommes aux Auches. J'y ai passé la soirée, avant de prendre la route pour aller chercher Layla. Un bon feu brûle encore dans la cheminée et dans le poêle en bas, mais elle a à peine le temps d'en profiter.

- As-tu faim ?

- Un peu. Mais ne réchauffe rien pour moi. Ou juste une tisane.

- Ok.

Elle prend place dans le canapé, les mains tendues vers la cheminée. Je lui apporte l'assiette de fromage, un peu de pâté de campagne, une part de salade de fruits frais que j'ai confectionnée ce soir. Et sa tisane.

- A quelle heure as-tu rendez-vous demain matin ?

- Dix heures, me répond-elle. Ca va. A Ucel. On y passera aussi une partie de l'après-midi. Il y a beaucoup à voir, car les ouvriers ont bien avancé. Normalement, les maçons en ont terminé. Maintenant, on va pouvoir passer aux fluides : électricité, eau, et l'isolation bien sûr. Encore deux mois de chantier environ, puis on pourra envisager l'arrivée des machines. A Labégude, ça va prendre un peu plus de temps, même si la partie atelier et entrepôts est bien avancée. C'est du côté des bureaux qu'il reste beaucoup à faire. Ils n'ont pas encore commencé. C'était prévu. Par rapport au plan d'intervention des différents corps de métier, on est dans les temps.

- Ce sont de bonnes nouvelles, dis-je.

- Oui, reconnaît-elle. Cela avance bien et Maïwenn et Alban font aussi du bon travail. J'apprécie leurs comptes-rendus réguliers.

- Ils vivent presque à demeure ici !

- Surtout Maïwenn. D'ailleurs, elle est d'accord pour prendre ta suite au gîte de Duras. Comme le chantier va courir jusqu'en septembre...

- Bonne nouvelle. Il sera content d'avoir quelqu'un sur la durée. Même si c'est juste pour six mois.

Layla porte sa tasse à ses lèvres, puis termine sa salade de fruits. Elle s'étire, ferme les yeux, appuie sa tête contre mon épaule. Je l'entoure de mes bras avec tendresse, l'embrasse dans les cheveux et murmure :

- Au lit.

Layla

Au lit.

Au lit avec Alexis.

Au lit avec mon amour.

Même si nous nous retrouvons beaucoup plus souvent et plus régulièrement qu'avant l'été, j'apprécie toujours autant nos retrouvailles. Même à une heure tardive, il nous reste toujours un peu d'énergie pour un câlin. En plus, c'est un très bon moyen pour m'endormir ensuite.

Je ne fais pas que plonger dans les bras de Morphée, je m'endors surtout dans ceux d'Alexis et il n'y a pas meilleur endroit au monde, pour moi.

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