Chapitre 131

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Alexis

C'est au cours de cette période de plein hiver, alors que Layla se trouve avec moi, que nous nous rendons aussi sur le plateau, lors du week-end suivant. Il a neigé en altitude, jusque sur les sommets alentours d'Antraigues et d'Aizac, mais les routes sont bien dégagées. Nous partons donc pour une balade, Layla n'étant pas remontée sur le plateau depuis la fin de l'été, avant l'inauguration des usines.

Nous nous y rendons en passant par Mézilhac. Même s'il m'est arrivé de traverser la Haute-Loire et de descendre la Chavade en plein hiver, je reste admiratif devant la beauté des paysages enneigés. Certes, il n'est pas rare d'avoir un peu de neige à Aizac et Antraigues, de voir la neige sur les volcans et montagnes, mais elle tombe rarement en abondance. Là, la couche est bien épaisse.

C'est moi qui conduis, car mine de rien, à emprunter les petites routes du coin en hiver, avec parfois du verglas, j'ai plus l'habitude que Layla de la conduite en cette saison. Je roule cependant prudemment : après tout, nous sommes venus pour profiter des paysages, nous promener. Pas pour faire la course et aller vite.

Nous nous rendons bien entendu jusqu'au Mont Gerbier de Jonc. Le temps est assez dégagé, mais la brume est en train de s'étendre en venant du nord. Prudemment, nous renonçons à nous rendre jusqu'au Mont Mezenc.

- On va rentrer par Burzet, dit Layla. On pourra faire un arrêt au Ray-Pic, éventuellement. J'aimerais bien voir la cascade prise dans la glace. Il y en a une très belle aussi, sur la route du Mezenc, mais je préfère qu'on ne s'y engage pas.

- Tu crains qu'on ne soit pris dans la brume ?

- Oui. Brume et surtout le vent, la burle. A l'occasion, tu en parleras avec les anciens ou les champions, lors d'une partie de pétanque. C'est le vent typique du plateau. Il peut rendre les températures très froides, accumuler la neige sous forme de congères. J'ai entendu quelques histoires à t'en glacer le sang de gens qui se sont perdus entre leur maison et leur grange, car pris dans la brume et la poudreuse soulevée par le vent. Ils ne savaient plus où ils étaient, ne pouvaient pas retrouver leur chemin. Et certains sont morts, gelés, à quelques pas de leur maison...

- Brrr... fais-je. Pas très réjouissant en effet. On va rentrer.

Depuis le Gerbier, j'oblique rapidement sur notre droite pour prendre la route de Burzet. Dès que nous commençons la descente vers la vallée, le temps redevient plus clair. Nous nous arrêtons au point de vue pour regarder le Ray-Pic, mais sans emprunter le petit chemin de randonnée : à cause de la neige et du verglas, il est de toute façon fermé.

Puis nous rentrons à la maison.

**

Je suis peu les actualités quand Layla est là, me contentant souvent de laisser la radio de la voiture sur France Info que j'écoute lorsque je descends au cabinet médical ou en reviens. Mais je reconnais que l'épidémie de coronavirus qui s'étend en Asie commence à m'alerter sérieusement.

C'est à cette époque que nous apprenons que les premiers cas commencent à être recensés hors de Chine et du sous-continent asiatique : aux Etats-Unis aussi et en Europe. Pour la plupart, des gens ayant voyagé en Chine ou des touristes chinois. Les propos des autorités se veulent rassurants, affirmant être prêts à faire face et que tout est sous contrôle.

Après avoir écouté le bulletin d'information ce matin-là, je coupe la radio et dis à Layla :

- Je suis bien content que tu ne voyages pas dans les prochaines semaines, que tu n'aies pas prévu de déplacement à l'étranger.

- C'est Laurent qui va s'en charger cette année, me répond-elle. Du moins pour le premier, qui est prévu au Canada. Mais ce sera au printemps.

Je n'ajoute rien, mais je ne suis pas certain que Laurent pourra voyager aussi facilement qu'ils l'imaginent, Layla et lui. Au moins, me dis-je, ce ne sera pas en Asie...

Layla

Je suis de retour à Paris pour une semaine. J'ai profité de ce déplacement pour reprendre rendez-vous avec la gynécologue qui me suivait jusqu'à présent. A Vals, le premier rendez-vous de libre était pour la fin mars... Dans deux mois. J'ai néanmoins accepté cette date, ne serait-ce que pour entamer un suivi sur place.

A cette occasion, elle me retire mon stérilet et préconise quelques examens de contrôle : échographies et prise de sang. Pour les premières, j'obtiens un rendez-vous au cabinet de radiologie de Vals-les-Bains pour dans dix jours, quant à la prise de sang, je la ferai dès lundi prochain, avant de me rendre aux usines. Le laboratoire est sur ma route. Et comme il me faudra être à jeun, de toute façon...

La docteure me conseille cependant d'attendre mon prochain cycle pour entamer toute tentative de grossesse, afin d'avoir un repère fiable avec mes règles. Nous prendrons donc quelques précautions, Alexis et moi.

A côté de ces considérations bien personnelles, ma semaine parisienne est comme toujours bien remplie. Réunions chaque jour, avec Laurent comme avec les chefs de service. A chaque fois, nous consacrons un point de l'ordre du jour aux usines ardéchoises, pour faire connaître aux élus la situation et la façon dont les choses s'organisent et se mettent en place.

C'est Laurent qui, ce mois-ci, se rendra à Libourne la semaine prochaine. Comme il me l'avait proposé, j'ai finalement accepté ce système d'alternance. J'avoue qu'en cette nouvelle année, je dois bien donner raison à Alexis : ces derniers mois, j'ai tenu avec la dynamique du projet, du chantier des usines, de la relance de la production. Désormais, je ressens le besoin de me poser. Et suivre la montée en puissance des usines ardéchoises est passionnant.

A chacune de mes visites à Libourne, j'ai toujours trouvé très intéressant de visiter l'atelier, de voir la chaîne en fonctionnement, d'échanger avec les ouvriers. Mais c'était une visite ponctuelle, de quelques heures, une demi-journée tout au plus. A Ucel comme à Labégude, je peux me rendre à l'atelier comme à l'entrepôt chaque jour. Soit parce que j'en ai le temps, l'envie, voire le besoin, soit parce qu'un des responsables ou même un des contremaîtres m'a alertée sur un point précis. Nous pouvons ajuster les décisions et les adaptations de poste au fur et à mesure.

Je trouve cela bien plus intéressant, sur le plan du travail en lui-même, que rester dans mon bureau parisien à échanger avec les chefs de service et à envisager des réunions. Même si ce travail est nécessaire, j'avoue sans honte être bien contente que Laurent ait pris le relais sur ce point-là. Ce qui ne nous empêche pas de rester en contact tous les deux au moins une fois par jour. En général, en milieu de matinée, nous tenons une petite réunion d'une demi-heure maximum tous les deux pour faire le point. Et nous restons bien sûr disponibles l'un pour l'autre en cas de besoin dans la journée.

Au fil des semaines, des mois puis-je même dire désormais, j'apprends à travailler avec les équipes ardéchoises, et eux avec moi. Globalement, l'entente est cordiale et respectueuse. Les ouvriers ont vite compris que je serais à leur écoute, que je tiendrais compte de leurs remarques. A Ucel, la production n'est pas encore optimale, mais presque. Cependant, tout le processus fonctionne bien : livraison des ingrédients et des emballages, approvisionnement en eau. Les premiers produits estampillés "Fabriqué en Ardèche" se vendent bien. Nous n'avons pas noté de baisse des ventes, même un léger intérêt de la part des consommateurs pour les produits "haut de gamme". Nous pouvons donc être optimistes.

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