58. Les retrouvailles.

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Dans l’appartement baigné de lumière, l’atmosphère est à la fois fébrile et chargée d’anticipation. Monique, habituellement si calme et posée, est méconnaissable : elle tourne en rond, ajuste les coussins du canapé, vérifie pour la troisième fois que les verres sont bien alignés sur la table, puis revient vers Claude, les mains tremblantes.

— Et si elle ne me reconnaissait pas ? souffle-t-elle, les yeux brillants d’anxiété. Et si elle me voyait comme une étrangère, Claude ? Elle marque une pause avant d’ajouter, d’une voix presque enfantine : Suis-je présentable ? Est-ce qu’elle sera fière de moi ?

Claude, debout à ses côtés, attrape doucement ses mains pour l’immobiliser et plante son regard réconfortant dans le sien.

— Voyons, Monique, c’est ta mère. Bien sûr qu’elle te reconnaîtra. Tu as bien reconnu ta sœur Thérèse au premier coup d’œil, non ? Il lui adresse un sourire chaleureux et ajoute en gonflant légèrement le torse : Comment pourrait-elle ne pas être fière ? Tu es magnifique, épanouie, et tu as construit une famille formidable.

Monique esquisse un sourire timide, mais son regard trahit encore une part d’inquiétude.

Dans la chambre, les garçons, habillés sobrement mais élégamment, tentent de détendre l’atmosphère. Mathis plaisante en mimant la nervosité de sa mère, ce qui déclenche les rires de Tom et Yohan. Ce dernier, toujours attentif et présent, pose discrètement sa main sur l’épaule de Mathis. Visiblement tendu par l’intensité de la journée, celui-ci avait demandé à Yohan de l’accompagner, conscient que ce moment ne serait pas seulement un bouleversement pour sa mère, mais pour toute la famille. Yohan lui murmure doucement :

— Ça va aller, Mathis. Ta mère est forte, et elle est entourée de vous tous.

Mathis hoche la tête, reconnaissant pour cette présence familière qui lui donne un semblant d’ancrage dans ce tourbillon émotionnel. Tom, de son côté, observe la scène avec une sagesse presque protectrice. Voyant son frère encore troublé, il s’avance légèrement, croisant les bras dans une posture rassurante, et déclare d’un ton calme et apaisant :

— Mathis, on n’a rien à craindre. Maman est sur le point de retrouver une partie d’elle-même qu’elle pensait perdue à jamais. C’est un moment fort, oui, mais c’est surtout un moment heureux.

Il marque une pause, cherchant les mots justes, avant d’ajouter avec un sourire encourageant :

— Regarde notre famille, elle est unie. Aujourd’hui, ce n’est qu’une étape de plus. Et toi, moi, être là pour elle, c'est tout ce que maman attend.

Mathis inspire profondément, les paroles de son frère apaisant ses angoisses. Il jette un regard vers Yohan, qui lui sourit en retour, puis vers la porte du salon où il entend les murmures de Monique et Claude en train de s’assurer que tout est parfait pour l’arrivée de Suzanne.

— Merci, murmure-t-il simplement à l’attention de ses deux soutiens. Vous avez raison. Aujourd’hui, c’est un jour important, et je veux en faire un beau souvenir pour elle.

Yohan, fidèle à son habitude, répond avec un sourire malicieux qui détend l’atmosphère :

— Avec une famille comme la tienne, c’est sûr que ce sera mémorable.

Les trois jeunes hommes échangent un regard complice avant de se préparer à rejoindre le salon, leur présence devenant un soutien important pour Monique en ce jour où les émotions se déploient à chaque instant.

— Maman, tu n’as rien à craindre. Ce moment, tu l’attends depuis des décennies. Elle aussi, certainement lui dit Tom.

C’est alors qu’un bruit résonne : la sonnette de l’interphone de l’immeuble. Monique s’immobilise, retenant son souffle, ses mains se crispant légèrement sur le dossier d’une chaise. Claude pose alors une main rassurante sur son épaule avant de murmurer doucement :

— C’est le moment, mon amour.

Il se dirige vers la porte et active l’interphone. Une voix familière résonne, brève mais empreinte d’émotion. Claude appuie sur le bouton pour déverrouiller l’entrée, et pour tous ce court instant semble durer une éternité. L’ascenseur commence à monter, son léger bourdonnement se mêlant au silence chargé d’impatience.

Lorsque les portes coulissent, une lumière douce se répand sur le palier, révélant la silhouette tant espérée. Là, dans l’encadrement, une femme âgée mais majestueuse se tient droite. Son visage, gravé par les années, exprime un mélange poignant de joie, d’appréhension, et d’amour. Suzanne.

À ses côtés, Thérèse, attentive et sereine, pose une main réconfortante sur le bras de leur mère. Derrière elles, Francis, l’époux de Thérèse, porte un sourire discret et bienveillant, tandis que Quentin, leur plus jeune fils, observe avec curiosité et émotion, témoin de cet instant hors du commun.

Monique reste figée un instant, comme si le temps s’était arrêté. Suzanne la regarde avec intensité, et soudain, dans une voix chargée d’émotion, murmure :

— Monique… ma petite Monique… c’est toi.

Ce simple appel brise la barrière invisible. Monique se précipite vers sa mère, les larmes coulant sur son visage. Suzanne ouvre grand les bras, et elles s’enlacent avec une force presque désespérée, comme pour rattraper des décennies perdues.

— Maman… maman… je suis là, sanglote Monique.

Autour d’elles, le silence est poignant. Même les garçons, d’habitude bavards, regardent la scène avec un respect presque sacré. Claude, debout près de la porte, échange un regard avec Thérèse, partageant un simple sourire avec elle.

Quand enfin l’étreinte se relâche, Suzanne caresse tendrement le visage de sa fille, comme pour s’assurer qu’elle est bien réelle.

— Tu es devenue une femme magnifique, dit-elle doucement. Je t’ai tellement cherchée, tellement espérée… Et maintenant, tu es là.

Monique, à nouveau en larmes, serre les mains de sa mère et murmure :

— J’ai tant rêvé de ce jour. J’avais peur… peur que tu m’aies oubliée.

— Oubliée ? réplique Suzanne, presque outrée, mais avec un sourire. Comment aurais-je pu ? Tu es et tu as toujours été ma fille. Rien n’a jamais pu changer cela.

La famille entière s’approche doucement, donnant à Suzanne l’occasion de découvrir ceux qui entourent Monique aujourd’hui. Les présentations sont pleines de tendresse, et l’atmosphère se transforme rapidement en une chaleur réconfortante, mêlant larmes et sourires.

Pour la première fois depuis des décennies, Monique se sent complète. Sa famille retrouvée, son passé et son présent réunis, tout semble à sa place.

Le moment est gravé dans chaque mémoire. Après l’étreinte poignante entre Monique et Suzanne, la pièce semble contenir une énergie douce mais bouleversante, chaque membre de la famille mesurant la portée de cet instant si unique.

Suzanne, en se redressant légèrement, essuie une larme avec le coin de son mouchoir en tissu et regarde autour d’elle. Son regard s’attarde sur Claude, les garçons et Yohan. Elle esquisse un sourire, mélange de curiosité et de bienveillance.

— Alors, Monique, dis-moi tout… Qui sont ces jeunes hommes magnifiques ? s’enquiert-elle avec une pointe de curiosité, même si Thérèse l'en a déjà informée.

Monique, retrouvant un peu de contenance malgré ses joues encore humides, se tourne vers sa famille avec fierté.

— Maman, je te présente ma famille. Voici Claude, mon mari. Nous sommes mariés depuis de vingt-cinq ans. Et nos fils… Tom, l’aîné, qui a 20 ans, et Mathis, notre cadet de 17 ans. Elle marque une pause et, avec un sourire tendre, ajoute : Et voici Yohan, le meilleur ami de Mathis, qui est pratiquement un membre de la famille.

Suzanne hoche la tête, observant chaque visage avec attention. Ses yeux brillent d’une émotion qu’elle peine à contenir.

— Vous êtes merveilleux, dit-elle doucement, sa voix teintée de bonheur. Et toi, Monique… Quelle femme incroyable tu es devenue. Une épouse, une mère… Elle s’arrête un instant, le regard perdu dans des souvenirs lointains. Si seulement j’avais pu te voir grandir…

Thérèse s’approche alors, posant une main légère sur l’épaule de leur mère.

— Maman, dis-leur ce que tu m’as confié. Dis à Monique ce que tu as ressenti toutes ces années…

Suzanne inspire profondément, puis commence d’une voix tremblante mais déterminée :

— Monique, lorsque tu as disparu de notre vie… Je n’ai jamais cessé de penser à toi, de prier pour toi. Mais ton père, Georges, nous avait convaincus que tu étais perdue à jamais. Il nous disait qu’il était impossible de te retrouver, qu’il avait essayé… mais c’était un mensonge. Dans son cœur, il portait cette culpabilité. Et nous, nous l’avons cru, aveuglés par notre propre douleur.

Elle marque une pause, l’émotion pesant dans sa voix.

— Mais je ne t’ai jamais oubliée. Chaque anniversaire, chaque Noël… je regardais la table, et il manquait quelqu’un. Toi. Et maintenant que je te vois ici, entourée de tant d’amour… C’est comme si une partie de moi-même revenait enfin à la maison.

Monique, bouleversée, attrape de nouveau la main de sa mère.

— Maman, tout cela est derrière nous, dit-elle doucement. Nous avons une seconde chance, et ne la ratons pas.

Claude intervient alors, sa voix posée et réconfortante :

— Vous êtes ici chez vous. Ce moment, c’est le début d’une nouvelle histoire pour nous tous. Une histoire où rien ne pourra plus vous séparer.

L’atmosphère se détend peu à peu. Les garçons, touchés par la scène mais un peu intimidés, s’approchent de Suzanne. Mathis, toujours audacieux, tend la main avant de se raviser et lui offre une bise timide, suivi par Tom. Yohan, en retrait, esquisse un sourire respectueux.

— Tu as une belle famille, Monique, reprend Suzanne, un sourire radieux sur les lèvres. Je suis tellement fière de toi…

Monique, le cœur apaisé pour la première fois depuis des décennies, sent les pièces de son passé s’assembler harmonieusement avec son présent. Elle n’est plus cette enfant perdue. Elle est une femme, une mère, une sœur, et désormais, à nouveau une fille.

Ce jour marque le début d’une renaissance, une promesse d’amour et de réconciliation pour des âmes longtemps séparées.

L’atmosphère dans l’appartement se remplit peu à peu d’une chaleur nouvelle, un mélange de tendresse et de libération après tant d’années d’incertitude et de douleur. Monique, debout à côté de Suzanne, ne peut s’empêcher de contempler sa mère, gravant dans sa mémoire chaque ride, chaque regard, chaque geste.

Claude, observant cette scène, pose une main affectueuse sur l’épaule de Monique, comme pour lui rappeler qu’il est là, à ses côtés, dans ce moment aussi fragile qu’intense.

— Suzanne, dit-il avec un sourire doux, vous avez beaucoup manqué à Monique, mais je crois qu’à travers elle, une part de vous a toujours été présente dans notre maison. Aujourd’hui, cette part devient complète.

Suzanne le regarde avec reconnaissance, son sourire illuminé par des larmes de joie.

— Merci, Claude, murmure-t-elle. Merci d’avoir pris soin d’elle, de lui avoir offert cette vie. Vous êtes un homme bon.

Elle tend une main tremblante et la pose doucement sur celle de Claude. Les garçons, intrigués par cet échange, observent en silence. Puis, Mathis, qui n’a jamais été du genre à se taire longtemps, s’avance avec un sourire malicieux :

— Et maintenant, grand-mère Suzanne, on peut dire que vous avez deux petits-fils officiels et… un invité permanent.

Les rires fusent, brisant la tension qui régnait encore. Suzanne, amusée, regarde Yohan avec curiosité. Il rougit légèrement, mais esquisse un sourire sincère.

— Invité permanent ? reprend-elle avec une lueur taquine dans les yeux. Je vois qu’il y a ici une place spéciale pour toi, jeune homme.

— Oui, dit Yohan avec modestie. Mathis et sa famille m’ont toujours fait me sentir chez moi. C’est… précieux.

Avec un geste tendre de la tête, Suzanne mesure la valeur de ce lien. Son attention se reporte ensuite vers Monique, quand tout à coup Claude semble fort embarrassé...

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