7. Les papiers éparpillés du destin.

5 minutes de lecture

Nous sommes vers le début des années 1960, Monique Deschamps avance dans les rues pavées de l'Île Saint-Louis, son sac en bandoulière et ses cahiers sous le bras, une jeune femme marquée par son passée mais résolue à conquérir son avenir. Elle se dirige vers le boulevard Saint-Germain, un lieu bouillonnant de créativité, un cœur vibrant de la scène artistique parisienne où les peintres, les écrivains et les musiciens se croisent. Monique, qui a trouvé sa place dans cette ville de lumière, poursuit ses études à l'École Normale pour devenir professeure de lettres. Son parcours d'enfance semble bien loin à ce moment-là, et elle savoure chaque pas qu'elle fait dans cette nouvelle vie, en dépit des cicatrices laissées par son passé.

C’est dans ce cadre pittoresque et animé que le destin de Monique va enfin croiser celui de Claude, qui est devenu un beau jeune homme de 17 ans, étudiant en droit, toujours élégant, même en cette époque de jeunesse débridée. Claude se promène, non loin de là. C'est un quartier qu'il apprécie pour ses cafés et ses galeries, où l'inspiration et la folie douce de la jeunesse semblent se donner rendez-vous.

Au coin de la rue, le hasard a voulu qu'ils se heurtent. Claude, absorbé dans ses pensées, ne remarque pas la jeune femme qui arrive en face de lui. Le choc est soudain et violent. Son bras heurte le sac de Monique, et tout s'effondre. Les cours et les papiers, témoignages de son dur travail à l'école, se mettent à s'éparpiller dans la rue.

— Ah, pardon ! Laissez-moi vous aider, s'empresse Claude, tout de suite en train de ramasser les papiers éparpillés, sans se préoccuper de la confusion de la situation. Il est gêné, mais aussi fasciné par la jeune femme qui se tient devant lui.

Monique, surprise par cet incident, se baisse pour l'aider aussi, mais avant qu'elle ait eu le temps de se redresser, Claude lui tend déjà tous ses cours.

— Je suis vraiment désolé, dit-il, ses yeux se fixant sur elle. Il lui offre un sourire poli, mais ce sourire dissimule une sincérité qui traverse le masque de l'indifférence habituelle de la jeunesse bourgeoise.

— Ce n’est rien, ce n’est rien, répond-elle en ramassant les derniers feuillets qui s’étaient échappés. Elle se redresse, attrapant ses cours en secouant sa tête avec un sourire amusé. Mais elle sent une étrange chaleur en elle. Il y a quelque chose dans son regard, une intensité qui la trouble. Elle prend une profonde inspiration, le remercie et finit de se redresser.

Claude, toujours avec la pile de papiers dans les mains, se sent inexplicablement attiré par elle. Il aurait pu se contenter d'un simple au revoir, mais au lieu de cela, une impulsion soudaine l’amène à lui proposer une invitation.

— Puisque je vous ai fait perdre vos papiers, permettez-moi au moins de vous inviter à partager une boisson. Ce sera l’occasion de me rattraper, propose-t-il, avec un petit sourire, timide mais confiant.

Monique hésite un instant. Elle n’est pas du genre à s’arrêter pour discuter avec un inconnu, surtout un garçon comme lui, au regard si franc. Mais quelque chose en elle se met à hésiter. C'est peut-être juste un instant de répit dans sa vie pleine de doutes.

— Pourquoi pas, dit-elle finalement en esquissant un sourire espiègle. Je vais accepter, mais à condition de ne pas trop vous laisser vous faire des idées.

Claude la guide vers un petit café de la place, une terrasse tranquille où le soleil de fin d’après-midi diffuse une lumière dorée. Ils s’assoient à une petite table. Les années 1960 sont encore marquées par les cafés où les jeunes viennent discuter et observer, et ce jour-là, Paris semble leur offrir une occasion inattendue de se rencontrer.

— Un verre d'orangeade, peut-être ? propose-t-il.

— Très bien, acquiesce Monique, encore légèrement déconcertée par l’invitation, mais intriguée par ce garçon qu’elle ne connaît pas. Et ainsi, sous le ciel de Paris, ils échangent quelques mots, se découvrant un peu plus l'un l'autre.

Pour Claude, c'est un moment de curiosité, d’attirance, et peut-être d'une connexion qu'il n'a pas anticipée. Pour Monique, c'est un petit moment de répit, une pause bienvenue dans son quotidien fait d'efforts. Un début de quelque chose, bien que ni l'un ni l'autre ne le savent encore.

Alors que le soleil décline, teintant le ciel d’une douce lueur orangée, Monique se lève lentement, un léger sourire en coin. Elle sait que ce moment agréable touche à sa fin, et l'idée de devoir repartir la plonge dans un sentiment mélangé. Ses yeux se posent une dernière fois sur Claude, qui la fixe d'un regard attentif, une question muette dans ses yeux. Elle hésite un instant, son cœur battant plus vite.

— Je devrais vraiment rentrer, dit-elle, sa voix un peu plus basse, comme une excuse qu’elle n’est pas sûre de vouloir donner. Ce n’est pas que je ne voudrais pas... mais je suis déjà en retard.

Claude se lève à son tour, observant Monique, le regard empreint de curiosité et de douceur. La conversation s'est étendue plus longtemps qu'il ne l'aurait cru, et pourtant, il n'en a pas assez. Il veut en savoir plus, ressent l'envie irrésistible de prolonger ce moment. Le silence s'installe brièvement, comme une pause entre deux âmes, avant qu'il ne fasse un pas en avant, hésitant, cherchant ses mots.

— Puis-je vous raccompagner ? demande-t-il, le ton respectueux mais marqué par une certaine insistance. Ce n’est pas une contrainte, bien sûr, mais... je serais ravi de pouvoir encore un peu discuter.

Monique le regarde, une lueur de doute dans ses yeux. L'invitation était gentille, mais elle ne peut s'empêcher de sentir que c'était un geste un peu trop audacieux pour une première rencontre, aussi agréable fût-elle. Un instant, elle s'imagine accepter, mais l'idée de briser la délicate distance qu'elle a soigneusement entretenue jusqu'alors lui parait prématurée. Elle baisse les yeux, son visage légèrement rougi, avant de répondre d’une voix douce mais ferme.

— C’est gentil, mais je préfère rentrer seule. Je ne voudrais pas... me montrer trop familière. Peut-être une autre fois. Elle sourit légèrement, essayant de paraître plus assurée qu'elle ne l'est vraiment.

Claude sent un léger pincement, mais il le dissimule derrière un sourire charmant, sans insister. Il respecte sa réserve, tout en se promettant de la revoir très bientôt.

— Alors, comment faire pour vous revoir ? Je dois vous avouer que j’ai beaucoup apprécié notre rencontre et j’aimerais bien pouvoir poursuivre notre discussion plus longuement. Ses yeux brillent d’une sincérité qu’il n’a pas l’habitude d’exprimer aussi librement.

Monique hésite, un court instant, puis répond, sa voix légèrement plus basse, comme un secret partagé.

— Vous pourrez me retrouver dans une semaine à la sortie de mes cours, à la bibliothèque Sainte Geneviève, vers 18 heures. Si le cœur vous en dit...

Elle le regarde, un sourire effleurant ses lèvres, avant de se tourner vers la rue, se sentant un peu plus légère mais également un peu nerveuse à l’idée de cette promesse silencieuse.

— À bientôt, Claude.

Claude lui rend son sourire, l'accompagnant d'un regard empreint d'une douceur qu'il ressent intensément.

— À bientôt, Monique. Je serai là.

Annotations

Vous aimez lire Vince black ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0