30. L'annonce, difficile.
Le soir, en rentrant chez lui, Claude retrouve la chaleur familière de son foyer. À peine a-t-il ouvert la porte que Tom, débordant d’enthousiasme, court vers lui.
— Papa !
Le petit garçon se jette dans ses bras. Ce moment, si simple et si pur, suffit à dissiper les lourdeurs de la journée. Monique arrive peu après, le sourire tendre, et l’embrasse. Mais elle perçoit aussitôt quelque chose d’étrange dans son regard, une tension sourde qu’il n’arrive pas à masquer.
— Tu vas bien ? demande-t-elle doucement.
Claude hésite. Il la fixe un instant, puis l’invite à s’asseoir avec lui dans le salon. Il sait que ce qu’il a à dire changera leur vie.
— Ce fameux dîner dont je t’ai parlé... Ce n’est pas anodin.
— Claude, ce n’est pas ton genre de tourner autour du pot. Tu m’inquiètes.
— Désolé. Voilà... La société ouvre une nouvelle succursale à Reims. Et mon patron veut que je la dirige. C’est une opportunité rare, une promotion importante. Je n’ai pas vraiment eu le choix. Si j’avais trop tardé, elle m’aurait échappé. J’ai accepté.
Il marque une pause, les yeux fixés sur ses mains.
— Je suis désolé de te mettre devant le fait accompli.
Monique reste silencieuse quelques instants. Elle comprend l’enjeu, le dilemme. Claude a toujours été honnête. Elle sent son trouble, son hésitation, et aussi son besoin de la savoir à ses côtés.
— Alors on ira à Reims, dit-elle simplement. Je vais demander une mutation.
Claude relève la tête, surpris.
— Tu es sûre ?
— Oui. Reims, ce n’est pas l’autre bout du monde. On pourra revenir souvent. Et pour Tom, ce sera un cadre plus calme. Ce qui compte, c’est qu’on reste ensemble.
Son ton ne laisse place à aucun doute. C’est un choix d’amour, de confiance.
Pour prévenir ses parents, Claude opte pour un simple coup de téléphone. Leur réaction est enthousiaste. La promotion réjouit son père, et Reims les rapproche géographiquement. En revanche, les choses s’annoncent plus délicates avec Paul et Madeleine, les parents de Monique. Ils décident de leur en parler lors d’un déjeuner dominical.
Ce dimanche-là, l’appartement baigne dans une lumière douce. La table est soigneusement dressée, ornée de plats simples et faits maison. Mais sous l’apparente tranquillité, une tension latente flotte dans l’air.
Après quelques banalités, Claude prend la parole.
— Je voulais vous parler de quelque chose d’important. J’ai reçu une proposition : diriger une nouvelle succursale à Reims. C’est une vraie promotion, avec une hausse de salaire, des perspectives intéressantes… C’est une chance qu’on ne pouvait pas refuser.
Un silence suit. Paul pose lentement sa fourchette.
— Je comprends que ce soit une belle opportunité, Claude. Mais pour Monique, c’est un vrai bouleversement. Elle a construit sa vie ici. Elle enseigne à Louis-le-Grand, ce n’est pas rien. Et Tom ? Il est encore si petit…
Monique répond calmement :
— Papa, je sais que ce n’est pas facile à entendre. Mais Reims n’est qu’à une heure de train. Et pour Tom, c’est même une chance. Il grandira dans un cadre plus serein. Quant à mon travail, je trouverai. Ce qui compte, c’est qu’on avance ensemble.
Paul croise les bras, pensif. Son regard va de sa fille à Claude.
— Tu as pris ta décision seule ? demande-t-il à Monique.
Elle soutient son regard sans flancher.
— Non. On a décidé ensemble. Et je te le dis sincèrement : je suis prête.
Claude, en retrait, ajoute :
— On sait que ce ne sera pas simple, mais on fera bloc. Comme toujours.
Paul soupire, puis hoche lentement la tête.
— Je vois bien que vous avez mûrement réfléchi. Ce ne sera pas facile pour nous non plus, mais si c’est ce que vous voulez… alors vous avez mon soutien.
Madeleine lui prend la main. Leurs visages s’adoucissent. L’acceptation, même teintée d’inquiétude, est là.
Le cap est franchi. Reims ne serait plus seulement une ville, mais le théâtre d’un nouveau départ.
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