43. Ghost sous tension.

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De l’autre côté de la rue, Yohan traverse les mêmes réflexions. Il tourne en rond dans sa chambre, change de chemise une deuxième fois, ajuste son parfum, comme si ces détails anodins portaient une lourde responsabilité, vitale. Sans se parler, sans même s’en rendre compte, ils franchissent une étape silencieuse, une frontière invisible, ensemble.

Quand Mathis arrive chez Yohan, l’air frais de la soirée ne parvient pas à calmer la fièvre qui l’habite. Une excitation nerveuse monte en lui, mêlée d’une appréhension qu’il ne parvient pas à nommer. Ce n’est pas le film qui l’intrigue. C’est cet instant, ce moment qu’ils vont partager, à deux dans l'intimité du salon familial.

Yohan ouvre la porte avec un sourire, et Mathis, sans vraiment le vouloir, lui rend un sourire éclatant. Tout semble simple et léger, mais sous la surface, quelque chose bouillonne.

Dans le salon, ils s’installent sur le canapé, leurs corps proches mais soigneusement éloignés d’un souffle, d’un geste. Une distance infime, mais infranchissable, semble les séparer. La lumière tamisée adoucit les contours de la pièce, créant une pénombre inquiétante, trop intime.

Le film commence. Ghost, avec sa romance déchirante, son mystère, et son amour transcendant la mort. Les scènes s’enchaînent, chargées d’émotions et de regards pleins de non-dits.

Mathis ne regarde presque pas l’écran. Il sent la présence de Yohan à ses côtés comme une chaleur constante, impossible à ignorer. Le bruit léger de sa respiration, les mouvements imperceptibles de son corps lorsqu’il se tourne légèrement.

L’écran s’illumine d’une scène tendre, les personnages échangeant des regards intenses et des gestes hésitants. Mathis déglutit. Tout lui semble terriblement proche, étrangement familier. Ses doigts se crispent sur le coussin qu’il tient, et il se surprend à se demander : Et si ?

Un geste. Un mot. Et tout pourrait changer.

Au fur et à mesure que les personnages du film se rapprochent dans des instants d’une tendresse désarmante, les gestes de Mathis et Yohan deviennent eux aussi plus naturels, presque inconscients. Les mains se frôlent, légères comme des plumes, ces contacts anodins éveillent des sensations inattendues. Mathis laisse sa main traîner un instant de trop sur celle de Yohan, un instant fragile, qui semble durer une éternité.

Le frisson qui parcourt le dos de Mathis est incontrôlable. Il détourne légèrement le regard, mais l’intensité de la présence de Yohan le ramène inexorablement. Le film continue de dérouler son histoire sur l’écran, mais dans l’esprit de Mathis, c’est Yohan qui occupe toute la place. Il ne sait plus si c’est l’amour déchirant raconté par le film ou le lien silencieux qui s’installe entre eux deux qui lui coupe le souffle.

Chaque scène à l’écran semble leur parler directement, un miroir troublant de ce qui se passe sur ce canapé. Les dialogues empreints de romance, les silences pleins de sous-entendus, les regards chargés d’émotion… Tout cela résonne comme un écho intime, un dialogue parallèle qu’ils n’osent pas entamer.

La distance physique entre eux s’amenuise imperceptiblement. Leurs épaules se touchent presque, leurs genoux se frôlent parfois dans un mouvement discret. Mathis sent son cœur battre à un rythme nouveau, désordonné. La tendresse du film agit comme un catalyseur, confondant ses pensées et ses émotions. Chaque seconde qui passe alourdit l’atmosphère d’une tension douce, diffuse, mais écrasante.

Quand les derniers accords de Unchained Melody résonnent dans la pièce, les deux garçons restent immobiles. L’écran devient noir, mais ils ne bougent pas. Le générique a fini de défiler, mais leurs regards restent fixés droit devant eux, absorbés par ce qu’ils viennent de vivre – non seulement à travers le film, mais aussi dans ce non-dit, cette envie chargée d’une émotion qu’ils ne savent pas nommer.

Finalement, Mathis rompt le silence, sa voix plus rauque qu’il ne l’aurait voulu :

— C’est… c’était vraiment intense, non ? Toute cette histoire, cet amour au-delà de tout…

Yohan tourne légèrement la tête vers lui, un sourire discret étirant ses lèvres.

— Oui, c’est dingue, dit-il doucement. Tu penses vraiment que l’amour peut… durer comme ça ? Même après tout ce qu’on traverse ?

Ses mots flottent dans l’air comme une question sans réponse. Mathis hésite, cherchant ses propres mots.

— Je… je ne sais pas. Mais ça donne l’impression que, même quand tout semble perdu, il y a toujours quelque chose… de plus fort, qui reste.

Le silence revient, mais cette fois, il est encore plus dense, presque étouffant. Pourtant, ce n’est pas un silence inconfortable. C’est un silence qui dit tout ce qu’ils n’osent pas verbaliser. Mathis sent les battements de son cœur dans ses tempes, dans sa poitrine, dans le bout de ses doigts qui effleurent toujours le canapé.

Finalement, Yohan se redresse un peu, jetant un coup d’œil à l’horloge murale.

— Il commence à se faire tard, non ? Si on veut être en forme pour notre balade à vélo demain, il faudrait p'têt' songer à dormir un peu.

Mathis acquiesce, soulagé par cette échappatoire, mais aussi étrangement déçu que le moment soit rompu.

— Oui, t'as raison. Bonne idée.

Ils se lèvent ensemble et se dirigent vers la salle de bain. Le brossage de dents se fait presque en silence, les mouvements mécaniques, les regards fuyants dans le miroir. Une routine banale qui semble, ce soir-là, chargée d’une signification nouvelle pourtant, cette situation ne l'est pas. Quel changement est en train se s'opérer ?

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