57. Quand les mots brisent le silence.

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Elle tend la lettre à Monique, ses mains tremblantes, mais déterminées. La lettre porte la mention : À ma fille Monique…

Monique reste figée un instant, l’émotion envahissant son visage. Elle hésite à prendre la lettre, puis, lentement, avec une main tremblante, elle l'attrape. Ses yeux se remplissent de larmes tandis qu'elle regarde la lettre, comme si ce simple morceau de papier pouvait contenir toutes les réponses qu’elle a attendues pendant des années.

L'ambiance devient à nouveau lourde dans le salon, tandis que la tristesse la submerge, le passé jusque-là refoulé refaisant surface, et des secrets longtemps enfouis semblant prêts à être dévoilés.

Monique, les mains tremblantes, continue de lire la lettre, mais au fur et à mesure des mots, les larmes qui coulaient silencieusement sur ses joues se transforment en sanglots. Elle serre la lettre contre son cœur comme si elle cherchait à capter chaque mot, chaque émotion, chaque souffle d'amour qui se dégage de ces lignes. L’emprise de la douleur et de l'incompréhension se relâche peu à peu, mais la souffrance du passé, elle, ne disparaît pas.

Claude, le cœur lourd mais solidaire, reste là à ses côtés, lui tenant la main d’une manière qui ne demande pas de mots. La souffrance de Monique devient la sienne, et il se fait fort pour lui apporter un peu de réconfort.

Lorsque Monique relève la tête, son visage est baigné de larmes, mais dans ses yeux, on voit aussi un éclat différent, un éclat fragile mais porteur d’une forme de paix naissante. Elle regarde Claude, et dans une voix tremblante, mais pleine d’émotion, elle s’exclame :

— Il m'aimait, cet imbécile m'aimait… il a pourtant tout gâché… Papa… Elle ferme les yeux un instant, et le silence se fait lourd autour d’eux. Puis, d’une voix plus calme, mais pleine de sincérité, elle ajoute, les mots traversant un torrent de sentiments contrariés : Je te pardonne…

Claude la serre dans ses bras, sa sœur restant silencieuse dans le salon, respectueuse de ce moment intime et profond. Monique garde la lettre serrée contre son cœur, le chagrin s’estompant lentement, remplacé par un sentiment confus mais réconfortant.

Les mots de son père, bien que tardifs, laissent place à un apaisement timide, un début de guérison pour Monique.

Le contenu de la lettre, simple mais bouleversant, résonne dans l'air, chargé de tous les non-dits et des remords d’un homme qui, après tout, n’a fait que se perdre dans la douleur.

Monique,

Cela fait quelque temps que tu es partie. Je reçois tes lettres et les cache du reste de la famille. Peut-être que je fais erreur, mais tu sembles si bien tombée dans cette famille qui t’entoure et t’offre une éducation bien au-delà de ce que je pourrais… En plus, je t'ai fait tant de mal, je n'ai pas le droit de te priver de cette chance qui s'offre à toi… Je préfère donc taire au reste de la famille ton devenir… Je suis un monstre avec toi… Je ne mérite pas une fille si aimante… Je te présente mes excuses…

Le temps m'a permis de comprendre… La perte d'Yvonne m'a fait glisser dans ce comportement maladif, sache que tu n’y étais pour rien, mon tendre enfant. Ma folie m’a emprisonné, me rendant cruel envers toi malgré l’amour que je te porte… Mon chagrin est ma peine… Je te promets de me rendre un père aimant pour le reste de tes frères et sœurs… Pardonne-moi mon petit bébé pour tout ce mal que je t'ai infligé…

Si tu lis ces mots, c'est que je ne suis plus… J’ai pensé à toi chaque jour, je t’aime…

Papa

Monique se laisse emporter par ces derniers mots, les larmes ayant cessé de couler, mais la douleur se transformant en un mélange complexe de pardon, de compréhension et d'amour enfoui pendant trop longtemps. Le poids du passé, bien que toujours présent, semble plus léger à cet instant.

Claude la garde dans ses bras, sans un mot mais présent, et les deux femmes, Thérèse et Monique, se regardent avec un mélange de tristesse et de tendresse, un peu comme deux âmes perdues qui, enfin, trouvent un chemin vers la guérison.

Monique, toujours émue mais sentant peu à peu la chaleur de la réconciliation envahir son cœur, serre sa sœur dans ses bras avec une force tendre, reconnaissante. Ses larmes, bien que moins nombreuses, continuent de glisser sur ses joues, témoignant de la profondeur des sentiments qui l'habitent. En se reculant légèrement, elle prend un instant pour observer Thérèse, ses yeux brillants de gratitude.

— Merci, merci, merci... murmure-t-elle, d'une voix chargée d'émotion.

Elle s'essuie une nouvelle larme, et un sourire, timide mais sincère, éclaire son visage. Puis, avec une légère tension dans la voix, elle lui demande, pleine de curiosité :

Mais comment m'as-tu retrouvée alors ?

Thérèse, elle aussi émue mais soulagée de voir la scène prendre ce tournant, lui répond avec un léger sourire, son regard rassurant.

— C’est simple... Dans une de tes lettres, tu donnais ton adresse et le nom de tes parents adoptifs. Elle marque une petite pause, comme pour laisser à Monique le temps de digérer la réponse, avant de continuer : J'ai fait une recherche dans l'annuaire et j'ai appelé Mme Deschamps. Je lui ai expliqué l'objet de mon appel, et elle m'a transmis tes coordonnées sans hésiter. Je lui ai fait promettre de me laisser le temps de te contacter avant de dire quoi que ce soit... Je mesure à ta surprise qu’elle est bien une femme de parole.

Monique, les yeux écarquillés de surprise, hoche lentement la tête, encore sous l’effet de la révélation. Elle se tourne alors vers Claude, un regard mêlé de gratitude et d’étonnement, avant de revenir à sa sœur.

— Alors tout cela, toutes ces années où je croyais tout perdu, tout effacé…

Elle ferme les yeux un instant, et une bouffée d’émotion la prend de nouveau. Claude, qui était resté silencieux mais attentif à toute la scène, dépose un baiser furtif sur le front de Monique. Tout ce qu’il souhaite, à ce moment-là, c'est que les blessures du passé commencent enfin à se cicatriser. Dans la pièce, un lourd silence pèse, mais il est empreint de la douceur d’un moment que chacun sait désormais précieux, comme un acte de résilience familiale.

Puis, d’un ton plus léger mais non moins intense, Monique ajoute :

Tout ça a été possible grâce à elle. Merci à vous deux…

Soudain un inquiétude la gagne :

Mais, j'y pense, elle doit … je vous laisse… il faut que je l'appelle.

Monique se précipite sur le téléphone de l'entrée pour appeler Madeleine.

Maman, merci…. Elle éclate en sanglots…

Alors, ça y est… les fantômes du passé…

Oui maman, mais ne t'inquiète surtout pas, tout va bien. Je te rappelle ce soir. Ma sœur est là. Mais je tenais à te remercier d'avoir agi comme tu l'as fait et surtout te dire que cela ne change rien… je t'aime maman…

Moi aussi, merci ma chérie… à ce soir, profite de ta sœur. Bisous

Le pardon s'installe peu à peu, comme une douce brise effleurant les âmes, et l'atmosphère devient plus calme, presque solennelle. Le lourd secret se dissipe, et les échos de la douleur passée semblent peu à peu se transformer en une nouvelle forme de paix.

Claude, d’une voix chaleureuse mais ferme, appelle les enfants :

— Les garçons, venez ! Nous avons des choses importantes à partager avec vous.

Les pas précipités de Mathis, Tom et Yohan résonnent dans le couloir, témoins de leur curiosité mêlée à une pointe d’appréhension. Lorsqu’ils entrent dans le salon, Monique est assise près de Thérèse, leurs mains entrelacées, leurs visages marqués par les émotions. Claude reste debout, ses bras croisés avec un mélange de sérieux et de douceur dans le regard.

Claude, toujours debout, se tourne vers les garçons et les accueille d'un geste de la main. Monique, souriante mais émue, les présente tour à tour, sa voix tremblant légèrement sous l’émotion.

— Voici Tom, mon aîné, 20 ans. Un jeune homme fiable et solide, toujours présent pour sa famille. Puis Mathis, mon cadet, 17 ans, un garçon sensible, réfléchi et passionné, un vrai cœur de famille. Et enfin, Yohan, le meilleur ami de Mathis, une âme belle et bien élevée, qui fait aussi partie de notre cercle très proche.

Les enfants échangent des sourires timides, comprenant l'importance de la situation, mais ils ressentent aussi la chaleur qui émane de leurs parents.

Monique, se tournant alors vers Thérèse, poursuit avec un regard bienveillant.

— Et voici ma sœur, Thérèse. Après tant d'années séparées, après tant de silence, nous nous retrouvons enfin. L’histoire entre elle et moi est un peu compliquée, mais aujourd’hui nous avons la chance de réécrire notre histoire, de nous retrouver…

Elle se tourne alors vers Thérèse, les larmes aux yeux, mais la voix pleine de gratitude.

— Merci, merci de m’avoir cherchée, de m’avoir permis de réparer en moi ce qui semblait ne pouvoir l'être.

Monique invite ses fils et Yohan à s’asseoir, puis prend une profonde inspiration. Elle semble chercher ses mots, ses yeux humides de larmes retenues se posant sur chacun d’eux.

— Mes chéris, cet après midi, une partie de mon passé que je pensais enterrée est revenue à la surface. Je vous dois des explications, car ce que vous avez vu et entendu est aussi lié à votre histoire.

Elle serre la main de Thérèse, comme pour puiser la force de continuer.

— Quand j’étais jeune, j’ai grandi dans une famille très nombreuse, dix enfants en tout. Nous vivions dans une petite maison à Florange, avec très peu de moyens, mais ce n’était pas ce qui rendait la vie insupportable. Ce qui la rendait vraiment dure, c’était notre père, Georges. C’était un homme autoritaire, dur et… violent. Surtout après un événement terrible qui a marqué notre famille à jamais.

Sa voix s’étrangle légèrement, mais elle poursuit, les yeux brillants de souvenirs douloureux.

— Il y avait une petite fille dans la famille, Yvonne. C’était la dernière, un bébé joyeux, plein de vie. Mais à l’approche de son premier anniversaire, elle a attrapé la scarlatine. À l’époque, c’était une maladie redoutable, et malgré les efforts de maman, Yvonne n’a pas survécu. Elle est partie, et avec elle, une partie de papa aussi. Sa peine s’est transformée en colère, une colère qu’il déversait sur tout le monde… surtout sur moi.

Mathis et Tom échangent un regard inquiet. Yohan, silencieux, écoute attentivement, ses yeux rivés sur Monique.

— Je ne sais pas pourquoi c’était moi qu’il visait le plus. Peut-être que je lui rappelais Yvonne, ou peut-être que c’était simplement parce que j’étais la petite dernière à sa place. Quoi qu’il en soit, la situation devenait insupportable. Les cris, les coups, la peur constante… Je ne pouvais plus le supporter. À 11 ans, j’ai pris la décision de partir. J’ai pris un train pour Paris avec l’espoir de trouver une vie meilleure.

Elle s’arrête un moment, cherchant le soutien dans le regard de Claude, qui pose une main rassurante sur son épaule.

— C’est là que Paul et Madeleine Deschamps m’ont trouvée. Ils m’ont accueillie, m’ont offert un toit, une éducation, et surtout… une chance de recommencer. Mais pour survivre à cette nouvelle vie, j’ai dû fermer la porte au passé. J’ai écrit des lettres à ma famille, à mes frères et sœurs, mais je n’ai jamais reçu de réponse. Je pensais qu’ils m’avaient oubliée, ou pire, que papa avait tout fait pour effacer mon existence. Alors, j’ai fini par croire que tout cela n’avait jamais existé. J’ai décidé que j’étais la fille unique des Deschamps. C’était plus simple, moins douloureux.

Thérèse, émue, murmure doucement :

— On ne t’a jamais oubliée, Monique. Papa cachait tes lettres. Nous pensions que tu étais partie pour toujours.

Monique esquisse un sourire triste et continue :

— J’ai construit une nouvelle vie. J’ai rencontré votre père, je vous ai eus, et vous étes tout pour moi. Mais ce soir, ma sœur Thérèse est là, et avec elle, tous ces souvenirs. Elle m’a ramené ce passé que je pensais enfoui à jamais, mais elle m’a aussi ramené une part de moi-même que je croyais perdue.

Elle regarde ses enfants, cherchant leur compréhension.

— Je ne voulais jamais vous mentir ou vous cacher quoi que ce soit. J’ai simplement cru que ce chapitre de ma vie était clos. Mais aujourd’hui, alors qu'il remonte à la surface, je comprends que ce n’était pas le cas.

Tom, avec sa maturité habituelle, prend la parole en premier.

— Maman… je ne savais pas… Tu as traversé tellement de choses. Je pense que je comprends…

Mathis, plus émotif, se lève pour aller la prendre dans ses bras, murmurant un simple :

— Je t’aime, maman, avant de s'effondrer en larmes à son tour.

Yohan, à son tour, brise le silence avec douceur.

— C’est une histoire difficile, mais elle montre aussi votre force, Monique. Vous avez traversé tout ça et vous avez construit cette belle famille. C’est une preuve d’amour immense.

Il retient ses larmes, et surtout, il retient l'envie de prendre Mathis dans ses bras pour le réconforter.

Monique esquisse un sourire reconnaissant, émue par leurs réactions en demandant à Mathis de sécher ses larmes tandis qu'elle lui adresse une caresse pleine de tendresse sur la joue. Puis elle se tourne vers Thérèse.

— Tout m'est revenu brutalement, un coin de mon âme s'est réveillé. Grâce à toi, je me sens assez forte pour affronter ce passé et renouer avec ma famille.

Thérèse serre toujours sa main avec émotion. La pièce est envahie par un mélange de larmes, de sourires et de soulagement. Pour la première fois depuis longtemps, Monique sent que les pièces éparpillées de son histoire commencent à s’assembler.

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