65. Mathis...

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Les hurlements de désespoirs de Claude et Monique, unis dans la douleur, montent comme un ultime appel au destin, un appel pour qu'on leur rende leur fils. Le vent se lève légèrement, agitant les arbres, mais même la nature semble retenir son souffle, comme si elle savait qu’un moment crucial allait se jouer.

Soudain, comme une apparition, une silhouette se dessine dans l’obscurité. Un bruit de pas précipités, un souffle court. Mathis, les cheveux épars, le visage pâle et marqué par les heures de solitude, surgit de la nuit. Il court vers ses parents, une course frénétique, presque désespérée. Ses jambes tremblent, son cœur bat à tout rompre, mais il ne s’arrête pas. Tout ce qui compte, c’est de les retrouver. De revenir vers eux, pour faire taire leurs cris qui le bouleversent.

— Ne pleurez pas... je suis là... Sa voix tremble, brisée par l’émotion. Il arrive, se jette au sol, dans les bras de ses parents, et la chaleur de leur étreinte, d’un seul coup, semble le faire vaciller. Ses parents, sous le choc, restent un instant figés, ne croyant pas à ce qui se déroule devant leurs yeux.

Les larmes de Mathis s’ajoutent aux leurs, et dans un souffle, il s'excuse, le cœur lourd, les mots trébuchant sur ses lèvres, chargés de honte et de douleur.

— Je suis désolé... je suis désolé de vous faire ça... vous ne méritez pas ça... je suis un poids pour vous, un fardeau...

Sa voix se brise, presque inaudible. Il se recule légèrement, n’osant plus les regarder, perdu dans la honte.

— Je vous ai fait mal, je sais, mais je... je ne peux plus cacher qui je suis… et je ne peux pas être un autre...

Claude, d’abord figé, laisse échapper un cri de soulagement, son corps se détendant sous l’impact du choc. Il prend son fils contre lui, le serrant avec une force qui reflète à la fois la peur d’avoir failli et l’immense soulagement d’avoir retrouvé ce qu’il croyait perdu.

— Mon fils... murmure Claude, sa voix rauque. Tu es tout ce que j’ai... et je t’aime, tu es mon fils... peu importe ce que les autres pensent, tu es mon fils… et je t'aime ainsi.

Monique, encore en larmes, se penche pour prendre Mathis dans ses bras, l’enveloppant d’une tendresse infinie, comme pour effacer toute la douleur accumulée dans cette nuit sans fin. Ses mots sont simples, mais lourds de sens, d’une vérité qu’il avait toujours su au fond de son cœur, même s’il n’avait jamais osé y croire.

— Tu es mon enfant... et je t’aime, Mathis, plus que tout. N'oublie jamais ça... ne te laisse pas emporter par ce qu’ils disent. Ils ne savent rien… L'ignorance rend aveugle … bête … et trop souvent … mauvais...

Mathis reste un instant là, entre leurs bras, leur chaleur se mêlant à la sienne, effaçant la fraîcheur de la nuit et la solitude. Il ferme les yeux, laissant ses émotions l’envahir. Cette douleur, cette honte, se transforment en quelque chose de plus puissant. Un sentiment de sécurité, d’amour, celui qu’il espérerait tant, celui que Madeleine lui avait assuré...

Tout autour d’eux, les autres s’approchent silencieusement. Ils ne savent pas quoi dire, comment réagir face à cette scène émouvante. Les regards sont gênés, parfois pleins de confusion. Mais aucun mot ne s’élève, aucun reproche ne brise le fragile équilibre. Seul le souffle des parents et de l’enfant se fait entendre dans l'immensité de la campagne.

Mathis s’écarte lentement de leurs bras, ses yeux cherchant ceux de ses parents, larmes au bord des cils.

— Je vous aime, je suis désolé…

Claude et Monique, sans un mot, le regardent, leur cœur gonflé d’un amour incommensurable. Peu importe ce qu’il leur a dit, peu importe ce qu’il croyait avoir fait de mal, pour eux, il est leur fils, rien n'a changé. Et l’amour qui les unit est plus fort que tout.

Claude glisse alors doucement dans l'oreille de son fils :

— Tu sais, tu devrais rentrer… Je connais deux personnes qui seront ravis de te revoir…

Mathis, encore pris dans l'émotion de la scène et tout juste sorti de l’angoisse, regarde son père, son cœur battant la chamade. Un éclat de compréhension traverse son regard.

— Tom… et Yohan… ? murmure-t-il, l’incertitude dans la voix.

Claude acquiesce, son sourire se faisant plus large et plein de chaleur.

— Oui, mon fils. Yohan s'est effondré après ton départ, alors Tom l'a éloigné pour le réconforter.

Mathis laisse les mots s’imprégner en lui. Une vague de soulagement l’envahit alors qu’il se rend compte qu'il n’est pas seul dans ce combat. Ses yeux se brouillent de larmes, mais cette fois, ce sont des larmes d’espoir, de réconfort. Il hoche lentement la tête, puis, sans dire un mot de plus, il se tourne et se précipite vers la maison. Le cœur battant, il sait maintenant que ses parents l’accepteront et l’aimeront pour ce qu’il est, sans condition. Claude et Monique l’observent partir, un mélange de fierté et d’anxiété dans le regard. Mais au fond de leurs âmes, un sentiment d’apaisement s’installe. Tom et Yohan l’attendent, et c’est tout ce qui compte.

Mathis court dans la nuit, ses pas précipités résonnant dans le silence de la campagne. La lueur des lampions qu'il aperçoit semble l’appeler, un phare dans l’obscurité de son esprit encore troublé. Ses parents, eux, restent là, immobiles, comme suspendus dans l'attente. Ils savent qu'il va retrouver sa place parmi ceux qui l’aiment, parmi ceux qui l'ont toujours accepté tel qu'il est.

Dans le fond de la maison, Tom et Yohan l'attendent, chacun plongé dans ses pensées. Yohan, encore secoué par l'incident, se tient près de la fenêtre, observant les ombres qui dansent sous la lumière vacillante des lanternes que le vent met en mouvement. Tom, lui, fait les cent pas, nerveux, mais un espoir commence à poindre au fond de son cœur.

Enfin, la silhouette de Mathis apparaît dans la lumière douce des lampions. Ses yeux sont rougis, mais son visage est marqué par une détermination nouvelle. Lorsqu’il entre dans la maison, la chaleur de l’accueil est immédiate.

— Mathis ! s’écrie Yohan en se précipitant vers lui. Il le serre dans ses bras, et, pour la première fois de la soirée, le cœur de Mathis se calme.

Tom les rejoint, il les prend dans ses bras, arborant un sourire plein de soulagement.

— Tu es là, c’est tout ce qui compte. dit-il, sa voix tremblante de reconnaissance.

Mathis, dans un souffle, leur répond simplement :

— Je suis là… je suis avec vous.

Les trois jeunes hommes se tiennent là, Mathis au centre, entouré de Tom et de Yohan. C’est un mélange de fraternité et d’amour passionnel, une complicité qui n’a besoin de mots pour s’exprimer. Ils se comprennent dans les silences, dans la chaleur de leurs regards, et dans l’intensité du moment vécu. Un amour pur et indéfinissable, qui dépasse tout ce que l’on pourrait tenter de verbaliser. Et dans ce petit cocon de réconfort, tout semble enfin se résoudre.

Claude et Monique, restés dans le jardin, observent par la fenêtre, leurs regards emplis de douceur et d'espoir. Claude laisse échapper un léger sourire, un sourire empli de fierté et de soulagement, tandis que Monique, les mains jointes, ferme les yeux un instant, un souffle de gratitude s'échappant d'elle. La nuit s'estompe, mais il y a une lumière nouvelle dans leurs cœurs.

Le chemin n’a pas été facile, mais désormais, l’essentiel est là : leur fils est rentré, et avec lui, l’amour qu’ils n’ont jamais cessé de lui offrir. Cette paix qu’ils cherchaient désespérément semble maintenant se poser sur leur foyer. Le lien est intact, plus solide que jamais.

Tom, dans un geste plein de douceur, regarde Mathis et Yohan et leur dit, sa voix calme et assurée :

— Ne vous en faites pas pour demain. Ce soir, tout est bien. Reposez-vous. Ne cherchez pas à ajouter quoi que ce soit à ce moment. Le reste pourra attendre. Ce qui compte, c’est que vous soyez là, en sécurité avec nous.

Mathis, touché par la sagesse de son frère, hoche doucement la tête. Il prend la main de Yohan et, ensemble, ils se dirigent vers le lit, le cœur plus léger qu’il ne l’a été depuis longtemps. Dans leurs esprits, les tourments de la soirée semblent s’effacer lentement, remplacés par un sentiment de sécurité et d’amour, un amour que rien ne pourra plus ébranler.

Tom referme doucement la porte derrière lui. Il descend les escaliers et reste, seul, un instant dans le salon, les yeux dans le vide, pensif, mais en paix. Il sait que les choses, bien qu’encore fragiles, se sont redressées. Il se sent fier de son frères et de la force silencieuse de l'amour qui l'unit à son compagnon, Yohan. Puis il rejoint Juliette pour se reposer lui aussi, le cœur apaisé par la certitude que, même après tant d’épreuves, ils sont tous ensemble, toujours plus forts.

Monique et Claude, eux, dans le jardin, se regardent en silence, les mains liées, et pour la première fois depuis longtemps, ils laissent le silence parler pour eux. Leurs cœurs, après tant de tourments, ont trouvé un peu de répit. Ils savent que, malgré les épreuves qui se dresseront encore sur leur chemin, l’essentiel est là : leur famille est unie, l’amour est là, et, ce soir, tout va bien.

La soirée animée est terminée. Les rires se sont dissipés dans la nuit, et les invités, fatigués mais soulagés, se retirent peu à peu. La maison est à présent calme, et tout le monde se repose, le cœur serein, en attendant l’aube d’un nouveau jour.

Dans le lit de leur chambre, à l’écart des autres, Mathis et Yohan se retrouvent enfin, loin des regards et des tourments de la soirée. La pièce est baignée d’une douce obscurité, seulement éclairée par la lumière argentée de la lune qui filtre à travers les rideaux. Le calme, après le tumulte, est bien appréciable.

Yohan, allongé derrière Mathis, se rapproche doucement. Il glisse un bras autour de sa taille, son corps se moulant au sien dans une étreinte à la fois douce et protectrice. Il respire profondément, son souffle caressant la nuque de Mathis. Ses lèvres se rapprochent de son oreille, et dans un murmure à peine audible, il lui susurre :

— Tu m’as fait une de ces peurs. J’étais si perdu sans toi. Je me torturais l’esprit en t’imaginant, seul, perdu dans la campagne et dans tes pensées…

Sa voix tremble légèrement, trahissant l’émotion qu’il a contenue toute la fin de cette soirée. Il resserre son étreinte, comme s’il avait peur que Mathis ne disparaisse à nouveau. Mathis ferme les yeux, écoutant ces mots empreints d’amour et de douleur. Un soupir profond échappe à ses lèvres, et il couvre la main de Yohan de la sienne, entrelaçant leurs doigts.

— Je suis désolé, Yohan, murmure-t-il à son tour. Je ne voulais pas te faire de mal, ni te laisser comme ça… mais j’avais tellement honte, tellement peur. Notre amour ainsi exposé, ainsi bafoué. Je me suis senti … c'est dur… sale… si sale ... J’ai cru que… que tu serais mieux sans moi, que je n’avais pas à t'imposer ça, ni à toi, ni à mes parents, ni à Tom...

Yohan se redresse légèrement, ses bras toujours autour de lui, et dépose un baiser doux dans ses cheveux.

— Ne dis jamais ça, plus jamais, chuchote-t-il, sa voix pleine de gravité. Tu es tout pour moi, Mathis. Toi, tes sourires, tes silences, même tes moments de doute… tout ça, c’est toi, et je t’aime, c'est tout, ça ne s'explique pas, c'est … notre vie... Rien d’autre n’a d’importance.

Les mots semblent apaiser Mathis, dont les épaules se relâchent peu à peu. Il se tourne enfin vers Yohan, son regard brillant dans la pénombre, un mélange de gratitude et de tendresse. Il caresse doucement la joue de son compagnon, puis pose son front contre le sien.

— Merci, souffle-t-il. Merci d’être là, d’être toi.

Un silence s’installe, mais ce n’est pas un silence vide ; c’est un silence rempli, rempli d’amour, d’un amour pur, pur et sincère, de cette sincérité qui survit à tout, survivant même aux nuits les plus sombres. Yohan sourit et embrasse Mathis, doucement, avant de le serrer dans ses bras, contre lui. Ensemble, ils se laissent enfin glisser dans le sommeil, leurs cœurs battant à l’unisson, prêts à affronter le lendemain, quoi qu’il apporte.

— Une dernière question avant de nous reposer, murmure Yohan, ses doigts caressant doucement la main de Mathis. Où étais-tu tout ce temps ?

Mathis inspire profondément, cherchant ses mots dans le silence de la nuit.

— J’ai couru, commence-t-il, toujours tout droit, sans réfléchir. Je trébuchais sur des racines, des cailloux, mais à chaque fois, je me relevais et je repartais, comme si fuir pouvait effacer ce que je ressentais. Heureusement, le ciel était clair, et la lune éclairait un peu ma route, mais…

Il marque une pause, ses yeux brillant dans la pénombre.

— Tout à coup, j’ai entendu le cri déchirant de Tom à la sono. Je me suis arrêté net, comme si ses mots avaient traversé la nuit pour me trouver. Ils m’ont apaisé, tu sais ... Ces mots, ceux d’un frère si prévenant, si… vrai.

Il ferme un instant les yeux, ses souvenirs le submergeant.

— Ma peur, celle qui jusque-là me donnait des ailes pour fuir, a changé. Elle s’est transformée en une peur plus sourde, plus terrifiante : celle d’être seul, au milieu de nulle part, loin de vous. Alors, j’ai décidé de rebrousser chemin, mais…

Sa voix se brise légèrement, et Yohan resserre son étreinte, l’encourageant à continuer.

— Je n’étais pas prêt à affronter les regards. Pas encore. Alors je me suis caché, là où mamie Madeleine nous a surpris… au milieu des ballots de paille. J’ai sangloté, pleuré toute la tristesse qui m’étouffait. Et puis, épuisé, je me suis assoupi, peut-être une heure, peut-être plus, je ne sais pas…

Il avale difficilement sa salive, poursuivant avec une émotion palpable.

— Ce sont les pleurs de mes parents qui m’ont réveillé. Ces sanglots déchirants… Je ne pouvais plus les supporter. Ça m’a brisé, Yohan. Alors j’ai couru, cette fois pour les rejoindre, pour les rassurer.

Il tourne son regard vers son compagnon, les yeux emplis d’amour et de gratitude.

— Papa m’a pris dans ses bras. Il m’a dit où vous étiez, toi et Tom. Il m’a pressé de venir vous retrouver, et je n’ai pas hésité une seconde. La suite, tu la connais…

Mathis glisse une main sur la joue de Yohan, son regard plongé dans le sien.

— Je t’aime, conclut-il dans un souffle. Dans tes bras, je me sens tellement bien. Bonne nuit, mon cœur. À demain … reste … comme ça … contre moi.

Yohan dépose un baiser léger sur le front de Mathis, un sourire tendre éclairant son visage.

— Bonne nuit, mon petit fou, murmure-t-il. Je t’aime. Repose-toi dans mes bras, autant que tu le veux…

Dans le silence de leur étreinte, la nuit reprend ses droits, berçant les deux amants qui, pour la première fois depuis des heures, trouvent enfin un semblant de sérénité.

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