La Présentation

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Les samedis après-midi sont devenus une habitude sacrée pour Claude et Monique. Chaque semaine, à la même heure, ils se retrouvent dans leur petit bistrot de l’île Saint-Louis. Ni l’un ni l’autre n’aurait manqué ce rendez-vous pour rien au monde. Ces moments leur sont précieux : une parenthèse dans le tumulte de leurs vies d’étudiants.

Pourtant, ces instants volés ne suffisent parfois pas à combler leur envie d’être ensemble. Quand leurs emplois du temps le permettent, ils s’organisent pour partager un bout de chemin après les cours en semaine. Tantôt ils marchent jusqu’à un arrêt de métro, tantôt ils s’attardent dans une ruelle près de la Sorbonne. Chaque minute supplémentaire passée ensemble semble nourrir cette connexion qui grandit entre eux.

Un samedi, après leur café habituel, ils décident de descendre sur les quais de la Seine. L’après-midi est douce et lumineuse, l’air chargé du parfum des marronniers en bordure du fleuve. La Seine reflète le ciel bleu, et quelques péniches passent lentement, laissant derrière elles de légères ondulations.

Leur promenade les mène jusqu’au pont Marie, l’un des plus vieux de Paris. Les pavés des quais renvoient la chaleur du soleil automnal, et des artistes de rue jouent des mélodies nostalgiques sur leurs instruments. Les rires des passants et le clapotis de l’eau forment un fond sonore presque hypnotique.

Monique s’arrête un instant, observant une scène anodine mais poétique : une petite famille nourrissant des canards au bord de l’eau.

— Tu sais, Paris a une façon particulière de rendre tout… beau, dit-elle, rêveuse.

Claude acquiesce, mais son regard n’était pas tourné vers la Seine. Il était rivé sur elle. Monique, avec sa passion pour les choses simples et sa manière d’en parler comme si elles étaient uniques, le fascine toujours un peu plus.

— Je crois que c’est toi qui rends tout beau, souffle-t-il presque malgré lui.

Monique rougit légèrement, mais ne se détourne pas. Elle lui sourit, un sourire discret mais chargé de tendresse. Ils continuent à marcher côte à côte, s’arrêtant parfois pour admirer les bouquinistes ou un détail architectural.

Sous une arche du pont Marie, Claude ralentit et finit par s’arrêter. Monique fait de même, se retournant vers lui.

— Monique… commence-t-il, hésitant. J’ai l’impression que tout ça… toi, nous… c’est différent de tout ce que j’ai connu.

Elle reste silencieuse, attendant qu’il poursuive. Il cherche ses mots, mais c’est inutile. Il la regarde, et tout ce qu’il veut dire est là, dans ses yeux. Doucement, il s’approche, hésitant, lui laissant la possibilité de reculer. Mais elle ne bouge pas. Au contraire, elle ferme les yeux.

Leur premier baiser, doux et timide, scelle cet après-midi magique. Quand ils se séparent, c'est avec un éclat de lumière dorée qui semble illuminer tout autour d’eux.

Ils restent un moment en silence, leurs mains entrelacées, avant de reprendre leur marche. Aucun mot n’est nécessaire. Ils savent tous les deux que quelque chose vient de changer. Ils continuent leur chemin, bercés par la Seine et leurs battements de cœur accordés.

Monique rentre chez ses parents adoptifs avec une lueur particulière dans les yeux. Sa mère est dans la cuisine, terminant la vaisselle du dîner, et son père lit le journal au salon.

— Alors, ma chérie, bonne journée ? demande sa mère en lui lançant un regard curieux.

Monique hésite un instant avant de répondre, mais la complicité qu’elle entretient avec ses parents l’incite à se confier.

— Oui… très bonne. J’ai vu Claude aujourd’hui, comme d’habitude.

Elle s’approche, s’appuyant contre le dossier de la chaise où son père est assis.

— On a pris notre café habituel, et puis on s’est promenés le long des quais. C’était magnifique, vraiment.

Son père baisse son journal et la regarde avec intérêt.

— Et ? Que s’est-il passé de si spécial aujourd’hui ? Tu sembles plus émue qu’à l’accoutumée.

Monique sent qu'elle rougit légèrement ce qui trahit son émotion.

— Il m’a embrassée… sous le pont Marie.

Sa mère pose une main affectueuse sur son épaule, son sourire empreint de tendresse.

— Et comment l’as-tu ressenti ? demande-t-elle doucement.

— C’était… comment dire… agréable, répond Monique en souriant. Ni trop, ni pas assez. Juste parfait.

Son père hoche la tête, un sourire approbateur sur les lèvres.

— C’est bon signe, alors. Vous semblez bien vous comprendre. Il te respecte, et c’est l’essentiel.

— Oui, papa, il est tellement différent. Il n’est ni pressé ni calculateur, et surtout, il est sincère. Je crois qu’il n’est pas du genre à jouer avec les sentiments.

— Tu sais que nous faisons confiance à ton jugement, ma fille, intervient sa mère, mais il faut toujours prendre le temps de connaître quelqu’un. Même les meilleurs peuvent décevoir parfois.

Monique acquiesce. Elle sait que leurs conseils sont pleins de sagesse, mais elle ne peut réprimer l’intuition qui lui dit que Claude est différent.

Elle sent que ses parents écoutent chaque mot avec une attention bienveillante. Sa mère, qui a posé son torchon, croise les bras, visiblement ravie de voir sa fille heureuse. Son père, toujours assis avec son journal à demi replié sur ses genoux, pose une question qui fait légèrement rougir Monique.

— Alors, ma fille, maintenant que vous avez franchi ce cap, ne serait-il pas temps de nous le présenter ? Après tout, si ce jeune homme est sérieux, il devra aussi savoir que nous veillons sur toi.

Monique esquisse un sourire, un peu nerveuse mais surtout heureuse de cette confiance.

— Vous voulez le rencontrer ? Mais… déjà ?

Sa mère pose une main rassurante sur son bras.

— Ne t’inquiète pas, ma chérie. Ce n’est pas pour le mettre mal à l’aise. On voudrait simplement le connaître, échanger quelques mots avec lui. Pourquoi pas samedi prochain ? Vous avez votre rendez-vous habituel, non ? Tu pourrais aller le chercher comme d’habitude et nous rejoindre à la terrasse d’un café tout proche. Nous serons là, tranquilles.

— Oui, c’est une bonne idée, ajoute son père. Cela lui laissera le temps de se préparer un peu. Pas question de prendre ce garçon au dépourvu.

Monique réfléchit un instant, son cœur battant légèrement plus vite. Elle imagine déjà le visage de Claude lorsqu’elle lui annoncera cette proposition. Elle sait qu’il a un caractère posé, mais cela représente une étape importante pour eux deux.

— D’accord, dit-elle enfin. Je lui en parlerai samedi. Je pense qu’il sera d’accord… enfin, j’espère.

Sa mère l’embrasse sur la joue, ravie de ce pas supplémentaire dans la relation de sa fille.

— Ne t’en fais pas. Si c’est quelqu’un de bien, il saura apprécier cette initiative. Et sinon, eh bien… ce serait un bon test, conclut son père avec un sourire amusé.

Dans leur chambre de bonne, Claude dépose son manteau soigneusement sur une chaise et retire ses chaussures, l’air encore flottant dans ses pensées. Michel, qui est en train de découper une miche de pain pour leur modeste repas, lève les yeux en remarquant l’expression de son ami.

— Eh bien, tu as l’air de quelqu’un qui marche sur un nuage, lance-t-il avec un sourire en coin. Dis-moi tout.

Claude attrape un bol pour se servir un peu de soupe et s’assied en face de Michel.

— Michel, c’était incroyable. On a pris un café comme toujours, mais aujourd’hui, après, on a décidé d’aller marcher le long des quais. On a parlé de tout, comme d’habitude… mais il y avait une ambiance différente.

Michel lui tend un morceau de pain, le regard taquin.

— Et alors, où est-ce que ça devient intéressant ?

Claude pose son bol et croise les bras, un sourire nostalgique apparaissant sur ses lèvres.

— Sous le pont Marie. On s’est arrêtés. Il y avait ce silence… et je l’ai embrassée.

Michel éclate de rire, un rire chaleureux et amical.

— Je savais bien que ça arriverait ! Alors ? Qu’est-ce qu’elle a fait ?

— Elle m’a embrassé en retour, murmure Claude. Ce n’était pas comme dans les livres, avec des déclarations ou des gestes grandioses, mais c’était… vrai.

Michel hoche la tête, tout en mordant dans son pain.

— Tu sais, Claude, je te vois changer. Tu es un peu moins dans ta tête, un peu plus dans ton cœur. Et ça te va bien.

Claude sourit, touché par les paroles de son ami.

— Elle m’a donné rendez-vous samedi prochain, au même endroit. Je crois que… je suis en train de tomber amoureux, Michel.

Michel lève son verre d’eau pour trinquer.

— À Monique, alors. Et à toi, l’homme qui a enfin trouvé ce qu’il cherchait.

Ils boivent et mangent en silence, l’un empli d’espoir, l’autre d’une sincère admiration pour son ami.

Le samedi tant attendu est enfin arrivé. Pour Claude, la semaine avait été interminable, chaque cours semblant durer une éternité. Monique de son côté a passé chaque jour à imaginer comment les présentations se dérouleraient. Leurs cœurs battent à l’unisson d’excitation et d’appréhension.

Claude et Monique se retrouvent comme toujours à leur café habituel, leurs regards s’illuminant dès qu’ils se croisent. Une fois assis, Monique pose doucement sa main sur celle de Claude, un geste qui trahit à la fois sa tendresse et une légère nervosité.

— Claude… mes parents voudraient te rencontrer, dit-elle enfin. Ils m’ont demandé de te proposer de venir à leur table, dans un autre café, un peu plus loin. Ils veulent juste faire connaissance, rien de trop formel.

Claude sent une chaleur envahir son visage. La perspective de rencontrer les parents de Monique est à la fois un honneur et une source d’angoisse. Pourtant, il sait que refuser serait mal vu, et au fond de lui, il souhaite faire bonne impression.

— Bien sûr, Monique. Je serais heureux de les rencontrer, répondit-il en essayant de masquer sa nervosité. C’est important pour toi… donc pour moi aussi.

Monique serre sa main avec un sourire rassurant. Ils quittent leur table et prennent ensemble le chemin du café où les attendent ses parents.

En arrivant, Monique guide Claude vers une petite table en terrasse où ses parents sirotent des boissons chaudes. Sa mère se lève pour accueillir Claude, un sourire chaleureux éclairant son visage. Son père, toujours sobre dans ses gestes, lui tend une poignée de main ferme mais cordiale.

— Claude, voici mes parents. Ma mère, Madeleine et mon père, Paul. Maman, Papa, voici Claude.

Claude s’incline légèrement, la politesse de son éducation modeste prenant le dessus.

— Monsieur, Madame, c’est un plaisir de vous rencontrer.

Madeleine invite les jeunes à s’asseoir. La conversation débute sur des banalités rassurantes : les études de Claude, ses origines, ses ambitions. Il répond avec une sincérité qui touche les parents de Monique, son ton révélant une profonde gratitude pour les opportunités que la vie lui a offertes malgré ses origines modestes.

Paul, un homme pragmatique, observe :

— C’est une qualité rare, aujourd’hui, de savoir où l’on veut aller tout en restant humble. Je vois que vous avez de beaux projets, Claude.

La mère, plus attentive aux détails, ajoute avec un sourire :

— Et votre écriture, Claude… Monique nous a montré votre lettre. Vous avez une très belle plume. Pas besoin de parler beaucoup pour exprimer des choses sincères.

Claude rougit légèrement mais répond calmement, en remerciant modestement. Les échanges se poursuivent sur un ton léger et agréable, et une heure passe sans qu’aucun des quatre n’y prête attention.

Finalement, Madeleine se tourne vers Paul et lui murmure quelque chose à l’oreille. Il acquiesce. Puis elle se lève, en posant une main affectueuse sur l’épaule de sa fille.

— Il se fait tard, et nous avons, avec ton père, à faire à la maison. Monique, nous te laissons profiter de la fin d’après-midi avec Claude. Merci, jeune homme, pour ce moment agréable. Nous espérons vous revoir bientôt.

Claude se lève pour leur dire au revoir, serrant une nouvelle fois la main de Paul et inclinant légèrement la tête devant Madeleine. Monique leur fait un signe de la main, un sourire tendre illuminant son visage.

Lorsque les parents sont partis, Monique et Claude se retrouvent seuls. Ils échangent un regard complice, conscients que cette rencontre représente une étape importante dans leur relation. Claude soupire, à la fois soulagé et ravi.

— Tes parents sont adorables, confie-t-il à Monique. Merci de m’avoir donné l’occasion de les rencontrer.

— Ils t’apprécient déjà, j’en suis sûre, répond-elle en glissant sa main dans la sienne. Maintenant, profitons de notre moment, juste toi et moi.

Ils partent alors pour une promenade le long des quais, savourant cette complicité renforcée.

Monique franchit le seuil de la maison, rayonnante, le cœur encore empli de l’instant passé avec Claude. Ses parents, attablés au salon, lèvent les yeux à son arrivée, curieux de connaître ses impressions.

— Alors ? demande sa mère avec un sourire. Comment ça s’est passé ?

Monique s’installe près d’eux, les joues légèrement rosies par l’excitation.

— C’était parfait, Maman, répond-elle. Claude était un peu intimidé au début, mais il a été tellement gentil et respectueux. Il était vraiment heureux de vous rencontrer.

Son père, toujours pragmatique, hoche la tête en réfléchissant.

— Il a l’air sincère, ce garçon, dit-il. Pas un beau parleur, et c’est tant mieux. Il ne cherche pas à impressionner, il montre simplement qui il est.

— Et il a de la conversation, ajoute la mère. On sent qu’il est intelligent, et il a du respect pour nous, pour toi surtout.

Monique ne peut s’empêcher de sourire, soulagée et heureuse de leur approbation.

— Vous croyez qu’il pourrait venir un jour à la maison pour le café ? demande-t-elle timidement.

— Bien sûr, répondit son père. Mais la prochaine fois, qu’il reste dîner. Ce sera encore plus convivial.

— Et en attendant, sois prudente, ma chérie, ajoute sa mère en posant une main sur son épaule. Prenez votre temps, mais si vous êtes heureux, nous le sommes aussi pour vous.

Monique les remercie d’un sourire radieux, avant de monter dans sa chambre, le cœur léger.

Claude referme doucement la porte de la chambre de bonne, son visage partagé entre un sourire nerveux et une mine songeuse. Michel, installé sur son lit avec un livre de cours ouvert devant lui, remarque immédiatement l’air inhabituel de son ami.

— Eh bien, Claude, on dirait que t’as vu un fantôme… ou quelque chose d’encore plus marquant ! Qu’est-ce qui se passe ?

Claude pose sa veste et tire une chaise, toujours sous le choc.

— Michel, tu ne vas pas le croire. Cet après-midi, au rendez-vous avec Monique, elle m’a annoncé… que ses parents voulaient me rencontrer.

— Quoi ? s’écrie Michel, à la fois surpris et amusé. Attends, tu veux dire que t’as rencontré ses parents aujourd’hui ? Aie, ça sent le mariage !

Claude acquiesce avec un sourire nerveux.

— Oui, totalement à l’improviste. Je n’avais aucune idée que c’était prévu.

Michel laisse échapper un sifflement impressionné.

— Et alors, raconte ! Ils t’ont fait passer un interrogatoire, ou quoi ?

Claude rit doucement, prenant une profonde inspiration avant de répondre.

— Un peu, oui. Enfin, au début, c’était formel… Ils m’ont posé des questions sur mes études, mes projets… Mais tu sais quoi ? Ils ont été incroyablement gentils. Ces gens ont une classe incroyable. Je ne viens pas de leur monde, et pourtant, ils m’ont mis à l’aise. J’ai vraiment eu l’impression que ça se passait bien.

Michel croise les bras, un sourire complice aux lèvres.

— Pas mal du tout. Ça veut dire qu’ils te prennent vraiment au sérieux, non ?

Claude hoche la tête, les mains croisées sur la table.

— Oui, c’est ce qui m’impressionne le plus. J’ai senti que c’était important, qu’ils voulaient vraiment me connaître. Ça rend tout… tellement plus réel.

Michel le fixe un instant, sérieux.

— Alors, c’est officiel, hein ? Toi et Monique, c’est du solide. Bientôt, on célébrera votre union ! Plus sérieusement, tu es épris de Monique ?

Claude éclate de rire, légèrement gêné.

— Oui, on dirait bien. Mais tu sais, ça me fait aussi un peu peur… Tout ça est tellement nouveau pour moi.

Michel pose une main amicale sur l’épaule de son ami.

— Hé, c’est normal d’avoir un peu la trouille. Mais honnêtement, c’est génial de te voir aussi heureux.

Claude sourit, reconnaissant.

— Merci, Michel. Je ne sais pas où tout ça va nous mener, mais pour la première fois de ma vie, j’ai l’impression que je suis exactement là où je dois être.

Ils partagent ensuite un simple repas, discutant de tout et de rien, mais l’esprit de Claude reste absorbé par cette journée particulière. Avant d’aller se coucher, il jette un coup d’œil vers ses affaires, soigneusement rangées sur son bureau, et se sent empli d’un mélange d’excitation et de sérénité.

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