La Naissance de MATHIS.
Dans la charmante ville de Reims, en ce jour de printemps, le 21 mars 1982, Monique et Claude se trouvent à la clinique de l'université, dans le service de maternité. Les couloirs de l’hôpital sont baignés d’une lumière pâle qui filtre à travers les hautes fenêtres, éclairant par endroits les murs aux couleurs neutres, dans des tons de beige et de vert pâle. L’odeur du désinfectant flotte dans l’air, familière et un peu piquante. Alertés par un coup de fil, Claude a pu se dégager un moment pour rejoindre Monique. Mais, il ne peut entrer dans la chambre, car le travail est déjà bien trop entamé. Claude, nerveux, fait les cent pas, le regard tantôt posé sur l’horloge, tantôt sur la porte fermée de la chambre de Monique, espérant être appelé d’un instant à l’autre.
À l’intérieur de la chambre, Monique est épuisée, sa main crispée sur les barreaux métalliques du lit tandis qu’elle traverse les derniers moments de douleur. Autour d’elle, la chambre est simple, mais propre et lumineuse : une grande fenêtre offre une vue sur un parc en contrebas, où les premières fleurs de printemps commencent tout juste à éclore. Quelques rayons de soleil passent entre les rideaux, illuminant la pièce d’une douce lueur réconfortante. Sur la table de chevet, un petit vase en plastique, renfermant un bouquet de jonquilles jaunes, semble célébrer silencieusement l’arrivée imminente d’une nouvelle vie.
Il est exactement 8h52 lorsque Claude, à l'extérieur, entend enfin le premier cri de son bébé. Ce son perçant, qu’il attendait depuis son arrivée, le fait se figer, son cœur battant plus fort. Quelques minutes plus tard, une sage-femme en blouse blanche ouvre la porte et lui fait signe d’entrer. Claude ne perd pas une seconde, il entre dans la chambre, les yeux rivés sur le petit être qui vient de naître.
Là, enveloppé dans un linge blanc et blotti contre la poitrine de Monique, repose Mathis. Sa peau est rose et délicate, ses minuscules traits légèrement plissés comme s’il fronçait les sourcils en découvrant le monde pour la première fois. Ses paupières sont encore mi-closes, révélant à peine un regard curieux et incertain. Sa bouche minuscule s’agite, et il émet de petits gémissements, puis se calme sous le contact rassurant de sa mère. Son nez est minuscule, ses cheveux d’un doux duvet brun encadrent son front plissé. Claude observe chaque détail, fasciné par ce visage nouveau et fragile, conscient qu'il n'oubliera jamais cet instant de rencontre.
Monique et Claude, les yeux encore brillants d'émotion, se félicitent en silence d'avoir réussi ce petit prodige. Ils se regardent tendrement, presque incrédules, comme s'ils n'en revenaient pas d'avoir donné vie, une fois encore, à un être aussi parfait. Pendant un long moment, ils savourent simplement la contemplation de ce petit être paisible, lové contre sa mère. Claude caresse doucement la main minuscule de Mathis, ses doigts à peine plus gros que des pétales, et il sent son cœur se serrer sous l’intensité de ce bonheur.
Au bout de quelques instants, Claude se penche vers Monique et murmure avec tendresse :
— Repose-toi, mon amour. Je vais chercher Tom chez la nounou. Il est surexcité, impatient de faire la connaissance de son petit frère.
Monique approuve, ses yeux déjà mi-clos sous l’effet de la fatigue et des heures d’efforts passées. Elle sourit faiblement, émue par l’attention de Claude et impatiente elle aussi de voir la réaction de leur aîné face à ce nouveau membre de la famille. Claude dépose un baiser sur son front et se redresse, jetant un dernier regard attendri à Mathis avant de quitter la chambre, le cœur empli de fierté et de bonheur.
Dans les couloirs de la clinique, alors qu’il se dirige vers la sortie, il ne peut s’empêcher de sourire en imaginant le visage de Tom lorsqu’il découvrira son petit frère. Il sait combien cet instant est important, et il a hâte de voir la complicité se nouer entre ses deux enfants, tout comme celle qui unit déjà leurs parents.
Claude sort de la clinique, le cœur empli de ce bonheur, et inspire profondément l’air frais de ce matin de printemps. Le soleil commence à réchauffer l'atmosphère, et il aperçoit quelques passants souriants, un peu comme si tout le monde partageait silencieusement la joie de ce jour spécial. En chemin vers la nounou, il ne peut s’empêcher de penser à Tom et à la rencontre qui l’attend avec son petit frère. Comment va-t-il réagir ? Sera-t-il curieux, ou peut-être un peu jaloux de ce nouvel arrivant ?
Claude rejoint rapidement son véhicule, une magnifique Peugeot 305 au bleu profond, dont les chromes étincellent sous le soleil de ce matin radieux. En démarrant, il ressent une légère montée d’adrénaline, un sentiment d’allégresse qu’il n’avait encore jamais ressenti en parcourant les rues de Reims. Ce matin, chaque coin de la ville semble vibrer avec lui, comme si les pavés et les façades des bâtiments étaient en fête pour célébrer l’arrivée de Mathis.
Il longe d’abord la majestueuse cathédrale de Reims, ses tours imposantes s’élevant fièrement vers le ciel azur. La lumière du matin éclaire les vitraux qui semblent scintiller dans une palette de couleurs éclatantes. De là, il s’engage sur les boulevards qui bordent le canal, où l’eau reflète la lumière en douces ondulations argentées, apportant une fraîcheur apaisante au paysage. Claude observe les reflets dans l’eau et se surprend à sourire : tout lui semble à la fois familier et neuf, comme si la ville elle-même partageait sa joie.
Claude continue en direction du quartier Saint-Remi, longeant ensuite le parc des Arènes du Sud, un espace verdoyant aux sentiers bien entretenus, où il a souvent promené Tom les dimanches. Ce parc, qu’il connaît par cœur, lui paraît tout à coup plus plus vivant, comme s’il saluait lui aussi l’arrivée de Mathis au sein de la famille. Il y voit quelques joggeurs et parents avec leurs enfants, et il se sent envahi par une profonde sensation de paix et de bonheur.
Puis, il redescend par la rue Tournebonneau, où les cerisiers du Japon sont en pleine floraison, leurs branches croulant sous un manteau de fleurs roses. Le vent léger soulève les pétales qui tourbillonnent autour de la voiture, couvrant la rue d’un tapis rose délicat. Claude, ému, se dit que jamais ces lieux qu’il connaît par cœur ne lui ont paru aussi beaux. C’est comme si la ville toute entière s’était parée de ses plus beaux atours en hommage à la naissance de son fils.
Enfin, il arrive rue Chantereine, où il se gare face au numéro 10 de l’esplanade Fléchambault, un immeuble modeste mais chaleureux. Là, chez la nounou Maryse, l’attend Tom, prêt à rencontrer son petit frère pour la première fois. Claude coupe le moteur et inspire profondément, sentant son cœur s’alléger un peu plus à chaque pas vers la porte d’entrée.
Arrivé chez la nounou, Claude sonne et attend, le cœur battant encore d’émotion après la naissance de Mathis. Maryse, la nounou, lui ouvre avec un sourire chaleureux et l’accueille avec une sincère affection.
— Félicitations, Claude ! Alors ça y est ! Et comment va Monique ?
Claude, un peu ému, la remercie et répond rapidement avant de poser les yeux sur Tom, qui surgit d’une petite pièce en courant, ses bras tendus vers son père. Tom, trois ans, cheveux blonds en bataille et grands yeux verts remplis de curiosité, se jette dans les bras de Claude, ses questions fusant déjà :
— Papa, il est né ? C’est quand que je peux voir mon petit frère ?
Claude rit doucement et passe une main rassurante dans les cheveux de Tom, touché par l’impatience de son aîné, qui semble déjà prêt pour son nouveau rôle de grand frère.
— Oui, Tom, ton petit frère, Mathis, est là. Maman et lui t’attendent à la clinique. Tu es prêt ?
Ils disent au-revoir à Maryse et Tom tire la main de son père, impatient d'aller à la clinique.
Sur le chemin du retour, Claude ralentit légèrement le pas, savourant ce moment unique où il tient Tom par la main. Il réalise combien ce simple contact symbolise tout ce qu’il souhaite offrir à sa famille : amour, sécurité et tendresse. Tom trottine à ses côtés, la main fermement ancrée dans celle de son père, et laisse libre cours à sa curiosité débordante :
— Est-ce qu’il peut marcher ? Est-ce qu’il sait parler ? Comment il est sorti du ventre de maman ?
Amusé, Claude s’efforce de répondre avec des mots simples, réprimant un sourire attendri devant la candeur de Tom :
— Non, mon grand, il est encore tout petit, bien trop pour marcher ou parler, explique Claude avec patience et tendresse. Mais un jour, il apprendra en te regardant. Ce sont les médecins qui ont aidé Mathis à venir au monde, et maintenant, c’est à nous de l’aider à grandir. Toi, tu pourras lui montrer comment être un bon grand frère.
— Oui, Ppa, et même le meilleur du monde !
Avant de retourner à la clinique, Claude décide de faire un détour par la fleuriste. Avec son fils, il choisit un bouquet aux couleurs éclatantes, une attention pleine de gratitude pour Monique, afin de célébrer ensemble ce moment si précieux.
En sortant de la boutique, bouquet en main, il se dirige vers la voiture. Il pose d'abord le bouquet sur le siège avant passager, puis installe Tom dans son siège auto. Le petit garçon serre précieusement contre lui une peluche jaune vif en forme de poussin, le cadeau qu’il a soigneusement choisi pour son petit frère, qu’il imagine déjà devenir le compagnon inséparable de Mathis.
Claude sourit en voyant son fils, touché par son enthousiasme et son désir d’offrir un premier cadeau à son frère. Il regarde la peluche, ému, se disant qu’il est certain que Mathis adorera ce petit poussin.
De retour à la maternité, Claude et Tom montent ensemble jusqu’à la chambre de Monique. Claude pousse doucement la porte, et Tom, impressionné par le calme de l’endroit, s’arrête un instant, observant la pièce avec des yeux écarquillés. Puis, tout doucement, il fait quelques pas vers sa mère, son regard brillant de curiosité et de joie.
Monique, bien que fatiguée, rayonne de bonheur. À la vue de son fils, un sourire apaisant se dessine sur ses lèvres. D’une voix douce, elle l’invite à s’approcher :
— Viens, Tom, approche-toi.
Tom s’avance alors, se précipitant dans les bras de sa maman pour un câlin chaleureux. Puis, elle lui désigne du doigt un petit lit près d’elle, où Mathis repose.
— Voici ton petit frère, Mathis, lui dit-elle avec tendresse.
Tom s’approche timidement du lit de Mathis. Il se hisse sur une chaise puis sur la pointe des pieds, ses yeux brillants d’une curiosité mêlée d’émerveillement. Lentement, il se penche pour mieux voir Mathis, qui dort paisiblement, son visage minuscule encore tout plissé. Ses minuscules poings serrés et ses paupières mi-closes semblent contenir tout le mystère de sa nouvelle vie. Timidement, Tom tend un doigt vers la main minuscule de son frère, et lorsque Mathis referme instinctivement ses doigts autour de celui de Tom, l’aîné laisse échapper un éclat de rire ravi :
— Il m’a attrapé, maman ! Il est fort, mon petit frère !
Claude et Monique échangent un regard ému, leurs cœurs gonflés d’une immense fierté et de bonheur en voyant cette rencontre se dérouler avec tant d'effusion de joie. Dans un geste instinctif, Claude pose une main sur l’épaule de Tom et murmure avec tendresse :
— Oui, il est fort, et il a beaucoup de chance d’avoir un grand frère comme toi, Tom.
Tom est ravi, un grand sourire éclaire son visage. Il ne sera plus seul à la maison, un petit frère prometteur est enfin arrivé. Claude pose une main affectueuse sur son épaule et lui dit :
— Viens, mon grand, nous rentrons à la maison maintenant. Maman et Mathis ont besoin de se reposer.
Sur le trajet du retour, Tom regarde par la fenêtre, les paysages défilant lentement devant lui. Mais, dans son esprit, c’est l’image de ce joli petit frère qui occupe toutes ses pensées. Il repense à ses petites mains, à son minois tout plissé, et à la tendresse qu’il ressent déjà pour lui.
De retour dans leur appartement, situé au sixième et dernier étage de l’immeuble, Claude et Tom se déchaussent soigneusement dans l’entrée, comme un geste respectueux de cet espace qui les accueille. Le sol, recouvert d’une moquette râpeuse à poil extrêmement ras, semble absorbé chaque pas, un peu plus rugueux sous les pieds mais offrant un confort simple et authentique. L'atmosphère ici est calme, comme une transition entre l’agitation du monde extérieur et la douceur de leur intérieur.
À droite de l’entrée, la cuisine, simple et fonctionnelle, déploie un décor typique des années 70. À gauche, le salon est un lieu de lumière et d’ouverture. Une large baie vitrée, occupant tout un pan du mur, permet au soleil de pénétrer généreusement dans la pièce, baignant chaque recoin d’une lumière douce et accueillante. Dès que l’on franchit la porte du salon, on est frappé par la sensation que la ville s’éloigne, qu'elle se dissout doucement derrière cette étendue de verre, laissant place à un décor plus naturel, plus calme. Le salon semble être un havre, un refuge contre l'agitation de l'extérieur.
La baie vitrée s’ouvre sur un balcon spacieux, véritable observatoire privé. Il offre une vue dégagée à couper le souffle, où l'urbanisme et la nature s’entrelacent harmonieusement.
En bas, le parc de l'immeuble, avec ses pelouses verdoyantes et ses arbustes soigneusement taillés, est un écrin de verdure où les enfants jouent en toute sécurité dans un grand bac à sable. C'est un lieu paisible, préservé, où la tranquillité semble régner en maître, et ce, à quelques pas seulement de l'effervescence de la ville. Juste après le parc, une longue piste cyclable s'étend sur toute la largeur du panorama. Bordée de rectangles de pelouse parfaitement entretenus, elle offre un trajet agréable aux cyclistes et promeneurs, qui s'y déplacent dans une quiétude rare.
Au-delà de cette piste, le boulevard animé de la ville se dessine, mais tout semble plus doux, plus lointain depuis ce balcon, comme si la nature avait trouvé un moyen d'effacer l'agitation urbaine. Ensuite, un talus de gazon vert sépare le boulevard du canal, dont les eaux reflètent les péniches et quelques bateaux de plaisance qui passent lentement, apportant une touche de mouvement à la scène. De part et d'autres, ses berges offrent des chemins aux promeneurs, qui semblent eux-mêmes partie intégrante de ce paysage apaisant.
De l'autre côté du canal, la berge est plus large, constituée d’un sentier de calcaire concassé, dont les pierres, de couleur beige et blanche, captent la lumière et créent un effet de douceur qui contraste avec le vert sombre du canal. Ensuite, on découvre une zone boisée, où le murmure tranquille de la rivière Vesle se fait parfois entendre à travers les arbres. Ces derniers forment un rideau végétal d’une grande densité, apportant une ombre bienfaisante et un parfum de nature qui parfume l'air.
En remontant le regard, on aperçoit le quartier Saint-Anne avec son église Sainte-Clotilde, coiffée majestueusement de sa coupole néo-byzantine. Sa présence constitue un repère visuel indéniable dans ce paysage urbain où se mêlent harmonieusement modernité et héritage.
Mais c’est surtout au coucher du soleil, lorsque les teintes dorées et rosées du ciel viennent se refléter sur le canal, que cette vue prend toute son ampleur. Le spectacle est saisissant : un crépuscule enflammé qui embrase les toits et l’eau du canal, apportant à cet ensemble une beauté éphémère mais inoubliable. Le contraste entre la vie urbaine qui vibre en bas et la tranquillité de ce décor naturel fait de cet appartement un véritable havre de paix, un privilège rare en plein cœur de la ville.
Enfin, dans cette entrée, une troisième porte se trouve en face. Derrière un couloir où on trouve des WC mène à un vestibule qui dessert la partie nuit constituée de quatre chambres ainsi qu'une salle de bain exiguë et une salle de douche qui l'est encore plus. Mais l'ensemble est très fonctionnel.
Dans le salon, Tom saute de joie en repensant à la figure de son frère et surtout au moment où il a serré son doigt de sa petite main. Son père est ravi de voir la joie manifeste de son fils. Il s'installe dans le canapé pour savourer le plaisir de ce jour merveilleux.
Le salon de l'appartement est simple, mais chaleureux, et il incarne parfaitement l'esprit de son époque. Un canapé trois places en velours marron, avec ses coussins imposants, fait office de coin de confort. En face, un meuble laqué, sobre et pratique, qui soutient une télévision Radiola à écran cathodique noir et blanc.
À côté du canapé, une table ovale et ses quatre chaises complètent le coin repas, typique de l’époque. Les formes sont simples, sans fioritures inutiles, et l’accent est mis sur l’utilisation pratique de l’espace. La table est un lieu de repas quotidiens, mais aussi de discussions familiales, d’instantanés de vie qui marquent cette époque.
Le principal atout de la pièce, cependant, reste cette vue. C’est cet espace ouvert, cet accès à la lumière naturelle, qui donne tout son cachet au salon. Ce qui importe, c’est de vivre dans un cadre qui respire la tranquillité, l’intimité, et la chaleur familiale.
En attendant que la famille soit enfin réunie à la maison, c’est à la maternité que tout bouillonne. L’arrivée du bébé est un événement joyeux et émouvant, entouré d’un tourbillon d’émotions et de sourires. Dès que Monique a donné naissance, la maternité devient un lieu de passage où se pressent les proches, hâte de découvrir ce petit être, rempli de promesses et de bonheur.
Les visites se succèdent, chacune apportant un vent de félicitations et de tendresse. La famille et les amis, tous impatients, viennent admirer le bébé et partager ce moment d’intimité et d’amour. Tom, tout excité, observe avec curiosité ce nouvel ajout à la famille, même si, à son âge, il ne perçoit pas encore pleinement l’importance de ce changement dans leur quotidien.
Les échanges sont chaleureux et joyeux. Des cadeaux, des mots tendres, des câlins se partagent avec une grande simplicité. Chaque visite, chaque sourire, chaque parole échangée vient renforcer l’idée que ce bébé est un symbole d’un avenir plein de lumière et de nouvelles opportunités pour toute la famille. Ce moment devient ainsi bien plus qu’une simple naissance ; il est un point de convergence, un instant où les liens familiaux se renforcent et où chacun se projette dans l'avenir avec un espoir renouvelé.
Annotations