Une rencontre... inattendue.
Ce dimanche matin, Monique frappe doucement à la porte de la chambre des garçons.
— Il est l'heure de se réveiller, les croissants chauds sont sur la table… annonce-t-elle avec bienveillance.
Mathis, encore ensommeillé, répond d’une voix étouffée.
— Ok, Maman ... on s'habille ... on arrive.
Il se tourne vers Yohan, qui dort encore paisiblement, le visage détendu par le sommeil. Avec une tendresse infinie, Mathis glisse ses doigts dans les cheveux de son amant et dépose un doux baiser sur sa joue.
— Réveille-toi, mon bébé, murmure-t-il à son oreille. Tout le monde nous attend pour le petit-déjeuner.
Yohan ouvre doucement les yeux, un léger sourire effleurant ses lèvres, encore pris entre le rêve et la réalité. Il passe une main sur son visage, chassant la douceur engourdie du sommeil. À côté de lui, Mathis se lève avec précaution, veillant à ne pas rompre la quiétude de l’instant.
D’un geste calme, il se dirige vers les volets et commence à tourner la manivelle. À chaque rotation, les lames s’écartent lentement, laissant filtrer des filets de lumière dorée. Ils dansent sur les murs et le plafond, projetant une mosaïque d’éclats lumineux dans la pièce encore teintée de pénombre. Yohan observe cette scène à demi éveillé, ses yeux suivant le mouvement fluide de Mathis. La lumière semble entourer ce dernier comme une aura, et Yohan ne peut s’empêcher de sourire un peu plus largement, empli d’un sentiment de paix.
Ils prennent leur temps pour s’habiller, échangeant quelques regards complices et rires discrets. Yohan, faute de vêtements propres, se glisse naturellement dans un short et un T-shirt de Mathis, qui lui vont parfaitement.
Quelques instants plus tard, ils se dirigent ensemble vers le salon, où l’odeur des viennoiseries fraîches emplit l’air.
— Asseyez-vous, les inséparables, lance Tom avec un sourire malicieux, son regard plein de connivence.
— Bonjour, Papa, Maman, Tom, dit Mathis, tirant une chaise pour Yohan avant de s’asseoir lui-même.
— Bonjour Monsieur et Madame Durieux. Salut Tom, ajoute Yohan avec une pointe de timidité mais une sincérité évidente.
— Bonjour les garçons, bien dormi ? répondent en chœur Claude, Monique et Tom, visiblement de bonne humeur.
Le petit-déjeuner commence dans une ambiance chaleureuse, rythmée par les discussions légères et les rires. Monique veille avec douceur à ce que chacun ait un croissant encore tiède et une tasse fumante de café ou de chocolat chaud. Pendant ce temps, Tom ne manque pas une occasion de taquiner son frère, lançant des piques pleines d’affection qui font sourire tout le monde.
Yohan, bien qu’encore légèrement intimidé par la situation, sent un poids sur ses épaules. Le secret de sa relation avec Mathis rend chaque moment à la table chargé d’un mélange de bonheur et de tension discrète. Pourtant, l’atmosphère chaleureuse et l’accueil sincère de cette famille, qu’il connaît maintenant depuis un moment, lui permettent de se détendre peu à peu. Chaque sourire, chaque regard complice de Mathis lui rappelle qu’il n’est pas seul dans cette histoire.
En savourant un croissant doré et croustillant, il laisse le plaisir simple de ce moment dissiper ses appréhensions. Entre les éclats de rire et les conversations anodines sur la journée à venir, Yohan réalise combien il se sent bien ici, presque comme un membre à part entière de cette famille. Cette pensée réchauffe son cœur, rendant les viennoiseries et le chocolat chaud encore plus délicieux.
Le petit déjeuner terminé, Yohan et Mathis s’occupent de débarrasser la table, décidés à participer à leur tour aux tâches familiales. Monique et Claude quittent le salon pour se rendre dans la salle de bain. Restés seuls dans la cuisine, les garçons sont bientôt rejoints par Tom, qui apparaît à l’embrasure de la porte, les bras croisés et un sourire en coin.
— Au fait, félicitations les mecs pour vos brillants résultats. Vous avez fêté ça avec vos potes ? demande-t-il, l’air détendu.
— Merci, Tom. On s'est fait un latin en tête à tête. Puis, on s’est un peu promenés avant de rentrer ici vers minuit. D’ailleurs, toi, t'étais pas encore rentré, répond Mathis en rangeant les bols.
— Oui, c’est vrai, acquiesce Tom en s’appuyant sur le chambranle. Et, quand j'suis rentré, j’ai voulu passer vous voir pour discuter un peu... mais derrière votre porte, j’ai vite compris que le moment était mal choisi. Alors je vous ai laissés... à vos occupations.
Yohan, rougissant instantanément, baisse légèrement les yeux, visiblement gêné. Mathis, lui, fronce les sourcils avec une moue mi-amusée, mi-exaspérée.
— T'exagères, franchement Tom. Regarde, tu mets Yohan mal à l’aise...
— Mais non, c’est adorable ! Sérieusement, vous êtes trop mignons. Et pour être honnête, vous formez un super duo. Franchement, je suis fier de mon p’tit beauf’, lance-t-il avec une pointe de malice, un sourire qui trahit autant son amusement que sa sincérité.
Mathis soupire, posant une main sur l’épaule de Yohan en signe de réconfort.
— Allez, arrête de nous charrier, Tom. T'es relou ! Les parents pourraient revenir d’un moment à l’autre, et tu m'stresses. T’as promis...
— T’inquiète, je gère, répond Tom, levant les mains en signe d’innocence avant de se redresser et de s’éclipser vers le salon.
Yohan jette un regard un peu perdu à Mathis, qui lui offre un sourire rassurant.
— Fais pas attention à lui… c’est sa manière de montrer qu’il nous aime.
— C'est juste qu'il m'a surpris, mais franchement, c'est réconfortant de voir qu'il nous traite si … normalement. J'n'aime pas ce mot mais j'en ai pas d'autre là...
Yohan est encore un peu rouge, mais visiblement il apprécie cet attention de Tom. Ensemble, ils terminent de ranger la cuisine, partageant un petit sourire complice, comme pour sceller ce moment dans leur mémoire.
Depuis l’entrée de l’appartement, Monique et Claude, déjà prêts à partir, interpellent les garçons depuis le seuil :
— Les garçons, on vous laisse. On va faire un tour au marché Sainte-Anne pour les provisions du déjeuner. Une envie de quelque chose en particulier ?
Mathis, en train d’essuyer un verre dans la cuisine, jette un coup d’œil à Yohan et répond avec assurance :
— Non, prenez ce que vous voulez. On vous fait confiance.
Yohan, debout à ses côtés, acquiesce discrètement :
— Oui, ça ira très bien. Bon marché à vous.
Tom, assis sur le tabouret de la cuisine, ne manque pas d’ajouter avec son habituel air taquin :
— Et surtout, ramenez un dessert sympa, hein ! Faut fêter leur "brillante réussite" à leurs bacs !
Monique sourit en secouant légèrement la tête :
— On verra ce qu’on trouve. À tout à l’heure, bisous mes anges !
Claude ajoute alors avec un clin d'oeil chargé d'humour :
— Tom, on compte sur toi pour veiller au grain.
Ils referment doucement la porte derrière eux, laissant un bref silence dans l’appartement. Mathis pose le verre qu’il tenait, se tournant vers Tom avec une moue amusée mais une part d'inquiétude quand même:
— Veiller au grain, hein ? Ça veut dire quoi ? Que tu vas nous surveiller ?
Tom hausse les épaules avec une exagération décontractée :
— Moi, surveiller ? Pas besoin. Vous êtes des grands garçons...
— T'es sûr que t'as rien lâché au parents, hein ?
Yohan ne peut retenir un léger rire, mais détourne les yeux, toujours un peu gêné par les sous-entendus bienveillants mais insistants de Tom. Mathis, quant à lui, s’appuie contre le meuble de l'entrée, et le martèle d'un doigt qui trahit son impatience :
— Tom, tu m'réponds, t'as pas trahi, hein ? bien, amuse-toi, mais fais attention à ce qu’on ne trouve pas une revanche à la hauteur.
— Mathis, non là dessus tu dois avoir confiance. Promis, c'est ta vie alors c'est toi qui décide.
— Ouf, tu m'as foutu les boules un moment, c'est malin !
— Mais si tu veux, je peux vous embêter. Ça, c’est dans mon contrat de grand frère.
— Très bien, amuse-toi, mais fais attention à ce qu’on ne trouve pas une revanche à la hauteur.
Tom éclate de rire, levant les mains en signe d’innocence :
— OK, OK, je me calme. Allez, profitez de votre matinée. Moi, je vais lire un peu dans le salon. Si vous avez besoin de conseils, je n'suis pas loin.
Il quitte la cuisine avec un clin d’œil, laissant Mathis et Yohan seuls. Mathis, amusé, passe une main dans ses cheveux avant de poser son regard sur son compagnon.
— Alors, qu’est-ce qu’on fait ? On le laisse vraiment tranquille ou on trouve une petite vengeance sympa ?
Yohan rit doucement, relâchant la tension avec une complicité désormais bien installée :
— On verra... Mais pour l’instant, c’est nous deux, rien d’autre. Je propose qu'on prenne une douche d'abord.
Mathis sourit, un éclat malicieux dans les yeux.
— Une douche ? Bonne idée. Mais tu veux dire chacun son tour… ou ensemble ?
Yohan hausse un sourcil, son sourire s’étirant davantage.
— Tu poses vraiment la question ?
Mathis rit doucement en secouant la tête. Il attrape la main de Yohan et l’entraîne vers la salle de bain.
— Allez, viens, monsieur l’économiseur d’eau.
Ils referment discrètement la porte derrière eux pour ne pas attirer l’attention de Tom. Une fois dans la salle de bain, Mathis tourne les robinets, ajustant la température de l’eau qui commence à couler en un jet chaud et enveloppant.
Yohan, debout derrière lui, passe un bras autour de sa taille, dépose un baiser léger sur sa nuque, et murmure :
— Tu sais, j’aime ces moments simples avec toi. Pas besoin de plus pour être heureux.
Mathis se retourne, capturant le regard tendre de Yohan malgré la faible lumière de la pièce.
— Moi aussi, j’aime tout ça… mais tu sais quoi ? Je t’aime surtout toi.
Le visage de Yohan s'éclaire, et il dépose un baiser doux sur les lèvres de Mathis. La chaleur de la douche les enveloppe bientôt, effaçant les derniers restes de la nuit.
Sous l’eau, leurs éclats de rire et leurs échanges se mêlent aux bruits du jet, un instant de bonheur simple arraché dans le temps. Yohan, en rinçant doucement le visage de Mathis, glisse dans un murmure :
— Je pourrais passer ma vie … comme ça … avec toi.
Mathis sourit, une main posée sur le torse de Yohan, le cœur léger :
— Moi aussi. On verra où la vie nous mènera, mais tant qu’on est ensemble, ça ira.
Quand la douche prend fin, ils s’enroulent dans des serviettes moelleuses, se séchant tranquillement. Devant le miroir, ils se regardent un instant, se taquinant doucement et se déposant des baisers furtifs sur la joue, comme des gestes spontanés remplis de tendresse.
— Regarde ces deux-là, tu ne trouves pas qu'ils sont mignons ? Ils dégagent une telle harmonie, c’est presque irréel, chuchote Mathis avec un sourire.
Yohan, essuyant quelques gouttes d’eau encore accrochées à ses cheveux, est touché par cette remarque. Il joue le jeu en prenant une voix plus grave :
— Ah oui, ces deux-là sont parfaits. On dirait qu’ils sont faits l’un pour l’autre… Une telle alchimie, c’est magique. Ça n'existe que dans les rêves !
Mathis fait semblant de prendre un air faussement vantard, bombant légèrement le torse tout en passant une main dans ses cheveux mouillés :
— Je suis presque jaloux… mais franchement, qui pourrait leur en vouloir d’être si irrésistibles ?
Yohan éclate de rire et lui donne une légère tape sur l’épaule avant de se rapprocher pour murmurer :
— Moi, je n’envie personne. J’ai déjà tout ce dont j’ai besoin, dit Yohan en posant sa main sur la fesse de Mathis avec une tendresse malicieuse.
Il dépose un baiser léger sur son front, leurs reflets dans le miroir se fondant en une image de complicité et d'affection. Mathis baisse doucement la tête. Son visage affiche une satisfaction qui l'illumine. Il murmure à son tour :
— Moi aussi. Je n'ai vraiment pas de meilleur endroit que celui où je suis avec toi...
Ils continuent de se préparer, leurs regards se croisant de temps à autre. Ils font durer l'instant comme s'ils avaient peur que cela ne soit qu'un rêve et qu'il prenne fin au réveil. Une fois prêts, Mathis fixe Yohan, les yeux rempli de malice et lance alors :
— Bon, on va voir Tom. Je n'voudrais pas qu’il s'mette à penser qu’on est coincés sous la douche depuis des heures ?
Yohan éclate de rire et secoue la tête, amusé :
— Oui, et cette fois, on lui donne une bonne leçon s’il recommence avec ses blagues douteuses !
Mathis roule des yeux, un sourire amusé sur les lèvres, avant d'approuver d'un signe de tête. Ensemble, ils quittent la salle de bain, leur complicité toujours aussi palpable, prêts à rejoindre le salon.
Tom est installé confortablement sur le canapé, plongé dans sa lecture. En les voyant entrer, il lève à peine les yeux et, d’un ton malicieux, les salue :
— Eh ben, les gars, vous avez fait vite ce matin ! Pas de désir brûlant à satisfaire ? Hier soir vous a suffi ?
Les deux amoureux se regardent et en un clin d'oiel, ils se comprennent sans un mot. En un éclair, ils se jettent sur Tom, l’immobilisant sur le canapé. Mathis et Yohan, avec une aisance parfaite, se retrouvent assis à califourchon sur lui, ses bras bien fixés derrière son dos pour l’empêcher de bouger.
Ils attaquent aussitôt, par le supplice des chatouilles, leurs mains se dirigeant vers ses hanches, là où il est le plus sensible. Tom éclate de rire, se tordant sous leurs doigts et tentant de se dégager en vain.
— Arrêtez, arrêtez ! Vous allez me faire mourir de rire, suppliant à moitié, les larmes aux yeux. C’est trop, c’est trop !
Les garçons savourent la scène, leurs éclats de rires trahissant le plaisir de cette douce vengeance. Ils suspendent leur attaque un instant, et Mathis, tout en maintenant Tom en place, lui exprime avec malice :
— Alors, t’en penses quoi, maintenant ?
Avant même que Tom ait eu le temps de répondre, ils reprennent de plus belle, intensifiant les chatouilles. Tom est tellement secoué qu’il peine à articuler des mots, les éclats de rire étouffant sa voix.
— D’ac...cord, d’accord ! Vous avez ... gagné ! Pitié… par… pitié... arrêtez, je vais... mourir ici !
Tom se débat sur le canapé, éclatant de rire alors qu’il tente, en vain, de se libérer de l’étreinte des deux garçons. Les éclats de rires résonnent dans la pièce, et ses yeux se remplissent de larmes de joie. Haletant, il finit par crier, presque hors d'haleine :
— D'accord, d'accord ! Vous avez gagné ! Vous êtes pires que des gamins !
Les deux garçons échangent un dernier regard complice et, dans un rire éclatant, relâchent enfin leur prise. Mathis, tout sourire, se penche légèrement en avant, épuisé par l'intensité du moment.
— Alors, Tom, tu dis quoi maintenant ? Toujours aussi sûr de toi avec tes petites taquineries ?
Tom, essoufflé et tout sourire, tente de se redresser sur le canapé, sa main essuyant ses larmes puis se posant sur son ventre comme pour apaiser la douleur des éclats de rire. Il secoue la tête, encore sous l’effet des chatouilles.
— Vous êtes des fous ! J'vous jure, vous m’avez presque fait mourir de rire ! Vous voulez vraiment que j'm'entraîne à supporter vos attaques ?
Yohan, toujours amusé, se laisse tomber à côté de lui, un sourire moqueur sur les lèvres.
— T’inquiète, Tom, tu vas pouvoir t’entraîner à nous embêter. On s'ra là pour te rappeler qui mène, à chaque fois, réplique-t-il, un clin d’œil en prime.
Mathis, la tête penchée, s’approche et tapote affectueusement la tête de son grand frère.
— Mais avoue, on est plutôt bons pour te faire lâcher prise, hein ? Tu veux bien admettre que tu n'fais pas le poids contre nous ?
Tom, encore à moitié étouffé par ses rires, se redresse enfin, avec une mine faussement vexée mais pleine de tendresse.
— Bon, d’accord, vous êtes les champions aujourd’hui. Mais croyez-moi, j'vais m'venger, vous allez voir !
Les trois garçons éclatent de rire à l’unisson, dans une complicité fraternelle belle à voir. Tom se redresse, s’étire comme un chat, et se tourne vers eux avec un sourire en coin.
— Bon, assez de bêtises pour le moment. On fait quoi maintenant, hein ? Vous avez encore des plans secrets à me dévoiler, ou bien ?
Mathis et Yohan échangent un regard furtif avant de répondre d’une même voix, comme un clin d’œil complice :
— On va profiter de cette journée, comme ça vient. Pas de plan, juste l’instant.
Et sur ces mots, les trois jeunes hommes se lèvent, le rire se dissipant peu à peu, laissant place à une tranquillité apaisante. Mathis, Yohan et Tom se dirigent vers la chambre, où la lumière douce du matin inonde la pièce d’une lueur chaleureuse. Ils s’installent en tailleur sur le sol, les pieds repliés sous eux, entourés des boîtes de jeu et des armées en plastique de Risk. Sur la carte du monde, chaque territoire attend d’être conquis.
Un instant de silence s’installe, une légère tension s’épanouit dans l’air, juste avant le début de la compétition amicale. Mathis prend les dés dans ses mains avec une concentration exagérée, comme s’il s’apprêtait à accomplir un exploit, tandis que Yohan, amusé, lui lance un regard malicieux.
— J'prends les bleus, lance Mathis
— Pour moi les rouge, ajoute Tom
— Bon alors je s'rais l'équipe noire. Alors, prêt à perdre, mes chers ? s'amuse Yohan, un sourire taquin aux lèvres.
— C’est toi qui vas perdre, réplique Mathis, défiant, un éclat de challenge dans les yeux. Tom, déjà en position de jouer, les regarde en souriant, visiblement ravi par cette ambiance décontractée.
Le jeu commence, l’atmosphère légère et détendue emplit la pièce. Les pions se déplacent sur la carte, les stratégies se forment et se défont. Les rires, les taquineries et les blagues fusent, créant un joyeux tumulte tout autour d'eux. Mais au fond, c’est l’amitié qui lie ce moment, une sorte de bulle douce et intemporelle, à l’abri des préoccupations du monde extérieur. Un instant volé dans le temps, où chaque mouvement sur la carte n’est qu’un prétexte pour partager un peu plus de fraternité et d’humour….
Tom, les yeux pétillants de sincérité, se tourne vers Yohan, son sourire se faisant plus doux :
— Sans vous embêter, plus je vous regarde, plus je suis empli d’une joie immense pour mon petit frère... Merci, Yohan, d’éclairer si radieusement sa vie...
Le ton est léger, mais les mots résonnent avec une profondeur inattendue. Mathis, un peu gêné mais touché par l'attention de son frère, baisse légèrement la tête, un sourire timide flottant sur ses lèvres. Yohan, visiblement ému mais conservant cette fois ce regard malicieux qui lui est propre, répond d’une voix calme et pleine de chaleur :
— C’est un plaisir, Tom. Mathis me rend plus heureux que je n’aurais jamais cru pouvoir l’être.
Les deux garçons se regardent, les yeux rempli de gratitude et d'affection. Tom, dissimulant une certaine contemplation, reprend alors d’un ton plus léger :
— Eh bien, je crois que tout est dit. Si vous êtes heureux, alors je l'suis aussi. Allez, on joue ou quoi ?
Le moment, subtil mais puissant, passe rapidement, mais il laisse derrière lui une sensation douce, un peu comme une caresse discrète qui lève le voile sur une complicité bien plus grande qu’un simple jeu de société et tout a été dit dans ces quelques mots. La légèreté du moment reprend le dessus. Les trois amis, un sourire complice aux lèvres, se plongent dans leur partie avec une énergie nouvelle. Leurs mains se saisissent des dés et des pions avec enthousiasme, l'esprit de compétition ravivé. Les attaques stratégiques se multiplient, les alliances se forment puis se défont au fil des tours, créant une atmosphère de jeu intense et pleine de rebondissements.
Mathis, déterminé à défendre son territoire, se lance dans une offensive audacieuse, tandis que Yohan ne tarde pas à contrer ses mouvements avec une précision implacable. Tom, assis tranquillement entre ses deux là, observe avec amusement, ne manquant aucune occasion de glisser une remarque taquine.
Les rires fusent à chaque nouvel échec, à chaque petite victoire ou petite défaite. Les enjeux deviennent importants au fur et à mesure qu'ils rentrent dans la partie, mais l’ambiance reste joyeuse.
La partie s’étire, le jeu s’intensifie, et au fil du temps, l’atmosphère devient de plus en plus animée. Les stratégies se peaufinent et un sentiment de suspense s’installe peu à peu. Chaque mouvement devient crucial, et les pions semblent s'animer sur la carte, témoins des batailles invisibles qui se livrent dans l’esprit des trois joueurs.
Finalement, c’est Tom qui prend le dessus. Avec une série de mouvements habiles et une chance inouïe, il parvient à chasser tour à tour les armées de Mathis et de Yohan. À chaque déploiement, son empire s’étend, et ses adversaires, bien que déterminés, doivent céder face à l'inévitable progression de son attaque.
Mathis et Yohan, bien que mordus par l'envie de gagner ont conscience que la victoire de Tom n’est pas seulement un signe de sa stratégie fine, mais aussi le fruit de cette compétition amicale et chaleureuse qui les lie tous les trois.
Alors que Tom place son dernier pion sur la carte, annonçant sans cérémonie sa victoire, Mathis et Yohan éclatent de rire, saluant sa performance.
— Félicitations, vieux, tu as gagné, dit Mathis en levant les mains en signe de reddition.
— Tu nous as bien eu, rajoute Yohan en souriant, un peu amusé, mais sincèrement impressionné.
Tom, fier de sa conquête mais toujours aussi taquin, se laisse tomber en arrière, les bras en croix.
— C’est comme ça qu’on fait, les gars, dit-il avec un grand sourire. Mais j'vous préviens, la revanche, ça s'ra pour bientôt.
Les trois se laissent envahir par un dernier éclat de rire, savourant la fin d’une partie qui, bien plus qu’un jeu, a renforcé leur complicité et leur amitié.
Les parents rentrent dans l’appartement, les bras chargés de sacs de courses, et interpellent les garçons avec énergie.
— On est de retour, les garçons ! Venez nous aider, s'il vous plaît !
Sans perdre une seconde, Mathis, Yohan et Tom accourent vers eux, empoignant les sacs et les déposant sur la table de la cuisine. Monique, avec un regard satisfait, les guide et leur donne des instructions précises pour ranger les provisions, laissant de côté celles qui vont immédiatement servir.
— Alors, qu'est-ce que tu as choisi pour ce midi ? demande Mathis, curieux.
— De savoureuses tomates avec de la mozzarella en entrée, suivies d’un délicieux poulet rôti accompagné de frites. Et, en revenant, on a fait un détour par l’hôtel de ville pour ramener un gâteau tout frais de la boulangerie de la rue du Tambour, répond Monique, toute joyeuse. Tom, tu vas dresser la table avec papa, et pendant ce temps, Yohan et toi, vous allez m’aider à préparer.
— Bien sûr, Madame, avec plaisir, répond Yohan, ravi de participer.
Les garçons se mettent aussitôt au travail sous la direction de Monique. Ils lavent les tomates, préchauffent le four, épluchent les pommes de terre, puis les coupent soigneusement en frites, avant de les laver à l’eau froide et de les essuyer délicatement avec un torchon.
Pendant ce temps, Monique allume la friteuse, laissant fondre doucement les pains de végétaline. Puis, concentrée, elle s'attaque au poulet : elle le fait passer sous la flamme vive du grand brûleur de la plaque de gaz pour éliminer les derniers restes de plumes. Lorsqu’il est parfaitement préparé, elle l’embroche avec soin, l'assaisonne généreusement, le saupoudre d’herbes aromatiques et le place dans le four à rôtir. La lèche-frite recueille les précieux jus de cuisson, et Monique veille méticuleusement à ce que le poulet soit parfaitement doré à l’extérieur tout en restant tendre et juteux à l’intérieur.
Elle demande alors aux garçons de couper les tomates et la mozzarella en fines tranches. Une fois cela fait, ils les disposent harmonieusement dans un plat, alternant les couleurs. Monique leur indique d’assaisonner le tout avec une pointe de sel de Guérande, un tour de moulin de poivre de Sichuan, puis de verser un filet délicat d'huile d'olive et un trait de vinaigre balsamique. Pour la touche finale, elle leur indique de ciseler du basilic frais et de garnir le plat avec ces délicieux éclats verts.
Les bruits de la cuisine, entre le cliquetis des couteaux et les petites discussions, se mélangent dans une ambiance joyeuse et décontractée. L’atmosphère est chaleureuse, un vrai moment de famille où chacun prend plaisir à contribuer à ce repas simple, mais délicieux. Les arômes du déjeuner flottent déjà dans l’air, et la promesse d'un repas savoureux se dessine, prêt à être partagé avec bonheur.
Plop ! Le bouchon de champagne jaillit dans les airs avec un éclat sonore, frappant brièvement le plafond avant de retomber dans le salon, où il roule sur la moquette rase pour s'arrêter près du canapé. Claude, tenant la bouteille entre ses mains, laisse échapper un petit cri amusé en voyant le bouchon filer à toute vitesse. Son sourire radieux illumine la pièce tandis qu’il se tourne vers sa famille et les invite à se rassembler autour de lui :
— Eh bien, venez tous, c’est l'heure de trinquer à la réussite de nos deux champions !
Mathis, Yohan et Tom s’approchent, et Monique, affichant un large sourire empreint d'une grande affection, les rejoint à son tour. Claude verse délicatement le champagne dans les flûtes, les bulles pétillant sous la lumière douce de la pièce. Il lève son verre avec un regard brillant de fierté.
— À vos réussites, à l’avenir qui vous attend, et à cette belle complicité qui vous lie. Que vos rêves se réalisent et que la joie et l'amour inondent vos vies !
Les autres, complices et souriants, l'imitent, levant leurs verres en un chœur joyeux :
— À nous, à la réussite, aux amis et à la famille !
Mathis et Yohan échangent un regard appuyé, un sourire furtif sur les lèvres, pris dans cette douce vague de bonheur et d'anticipation. Un regard qui en dit long, mais qui laisse leurs pensées et leurs rêves encore inaccessibles, loin des yeux de Claude.
Les verres s’entrechoquent dans un tintement léger mais significatif. Le champagne pétille et mousse, la lumière dansant sur ses bulles, tandis que l’ambiance devient encore plus chaleureuse. Un instant de fête, où l'amitié, la famille et les rêves se mêlent, et où chaque moment partagé promet de nouveaux souvenirs aussi précieux que celui-ci.
Le repas touche à sa fin, Monique arrive, portant un gâteau somptueux sur un plateau.
— C'est un mousseux aux fruits frais, une création irrésistible de citrons, cassis et mûres m'a dit la vendeuse.
Les fruits, d'un jaune éclatant et d'un violet profond, brillent sous un glaçage impeccablement appliqué, comme un chef-d'œuvre culinaire. Les couleurs vives du gâteau font saliver toute la famille, qui le contemple avec émerveillement.
Claude, un éclat de gourmandise dans les yeux, verse le reste du champagne, dont les bulles effervescentes s'ajoutent à la scène, comme pour mieux souligner la magie de l'instant.
En voyant la pâtisserie, tout le monde s'exclame en chœur :
— Waouh… !
— Tu vas voir, c'est la meilleure pâtisserie au monde. Leurs gâteaux se dévorent d'abord avec les yeux avant de régaler nos papilles ajoute Mathis en direction de Yohan.
Chacun admire la beauté du dessert, avant que la première bouchée ne vienne confirmer ce qui était déjà évident : un délice à la hauteur des attentes.
— Qui prendra un café ? demande Monique, un sourire aux lèvres.
Tout le monde répond par l'affirmative, et Monique se tourne alors vers Mathis.
— Viens m'aider, s'il te plaît, pour débarrasser la table.
Mathis, qui venait de poser sa cuillère, se lève à la demande de sa mère. Ensemble, ils desservent la table et se dirigent vers la cuisine pour préparer les cafés. Monique, en commençant à remplir la cafetière, prend un instant pour parler à son fils, sa voix douce mais chargée d'une tendresse bienveillante.
— Tu sais, mon grand, je te vois t’épanouir chaque jour un peu plus, et c’est une joie immense pour une maman. Tu respires un bonheur qui illumine tout autour de toi… Dis-moi, quand partageras-tu avec moi ce secret qui te comble autant et te rend si rayonnant ?
Mathis, légèrement gêné mais avec une sincérité profonde, sourit et répond tout en aidant à préparer les tasses :
— Maman, je suis … heureux, c’est tout. La réussite au bac … une famille merveilleuse ... des amis sincères… Que veux-tu de plus ? Que vas-tu... t’imaginer ? Je t’assure, cela suffit à mon bonheur…
Monique, le regard rempli de douceur, le regarde un instant en silence, avant de poser une main affectueuse sur son bras.
— Très bien, mon chat, je n’insiste pas. Mais tu sais, une mère voit tout, ressent tout, et t’aime de tout son cœur. Sache que tu peux tout me confier, tout partager, sans crainte, sans gêne… Je serai toujours là pour toi, mon doux chaton.
Touché par ces mots, Mathis lui sourit et, en signe d'affection, lui dépose un baiser léger sur la joue, un geste simple mais empli de reconnaissance et d'amour. C'est alors que Tom, qui entre dans la cuisine avec un sourire, leur lance :
— Un coup de main ?
Monique, ravie de l’initiative de Tom, lui répond :
— Avec plaisir, Tom, emmène les tasses, Mathis emmène le sucrier et les soucoupes et je vous suis avec la cafetière.
À peine le café terminé, la sonnette de l’appartement résonne. Tout le monde se regarde, surpris, et échange des regards perplexes.
— Quelqu'un attend une visite ? demande Claude, les sourcils haussés.
Chacun secoue la tête négativement, indiquant que personne ne les avait prévenus d’une visite.
Claude se lève et se dirige vers l’interphone, curieux. Il appuie sur le bouton et demande d'une voix un peu méfiante :
— Qui est-ce ?
Une voix évasive lui répond, difficile à identifier :
— La famille…
Claude fronce les sourcils, ne comprenant pas vraiment de qui il s’agit. Un peu déconcerté, il répond enfin, après un instant d’hésitation :
— D'accord, je vous ouvre. 6ème et dernier étage à droite en sortant de l’ascenseur.
Il se tourne vers Monique en haussant les épaules.
— Je n’ai pas reconnu la voix, mais il me semble que ça pourrait être l’une de mes sœurs…
Il guette alors par le judas de la porte d’entrée. À travers l’œil du judas, il aperçoit une silhouette qu’il ne reconnaît pas. Une femme qui sort de l’ascenseur et se dirige droit vers leur porte. Elle sonne. Claude, confus, regarde encore une fois par le judas. Il voit les traits d’une femme qu’il ne connaît pas, alors il demande à Monique de regarder.
— Regarde, chérie, est-ce que tu reconnais cette personne ?
Monique, d’abord incrédule, se rapproche lentement de la porte, le cœur battant. Lorsqu’elle aperçoit à travers le judas la silhouette de la femme devant la porte, son visage se fige. Un cri silencieux de choc envahit ses yeux. D’une voix brisée, elle dit à Claude :
— Ouvre… C’est ma sœur…
Claude, visiblement déstabilisé et figé par la scène qui se déroule devant lui, ouvre la porte d'un geste presque machinal. À peine la porte glissée, la tension et la tristesse envahit l’air, et l’atmosphère joyeuse qui régnait jusque-là dans l’appartement semble se dissiper en un instant. La femme en face de lui, en sanglots, entre dans l’appartement, se précipitant directement dans les bras de Monique.
Monique, les yeux remplis de larmes, la serre contre elle sans un mot, mais c’est tout son corps qui tremble de douleur et d’émotion. Elle reconnaît instantanément cette silhouette fragile, ce visage marqué par les années. C'est elle. Thérèse, sa sœur, qu’elle n’avait pas vue depuis presque quarante ans.
Claude, abasourdi, reste sans voix. Il observe la scène sans vraiment comprendre. Monique n'avait jamais mentionné de sœur, et cette révélation le laisse figé, le regard perdu entre la porte ouverte et sa femme qu’il voit dans cette étreinte bouleversante. Il se tourne alors vers Monique, le visage blême, cherchant à comprendre, à saisir l’ampleur de ce qui se joue. Un flot de questions envahit son esprit, mais aucune ne trouve de réponse dans l'instant.
Les enfants, témoins de l’effondrement de leur mère, se précipitent vers elle pour la prendre dans leurs bras. L’atmosphère, jusque-là marquée par la légèreté et les rires, devient soudainement lourde, chargée de chagrin et de questions sans réponse. Une chape de plomb semble s’abattre sur la famille. Mathis et Tom se serrent contre Monique, tandis que Yohan, en dehors du cercle familial immédiat, s’approche d’elle avec une tendresse discrète mais profonde, ressentant l’intensité de l’émotion qui envahit la pièce.
Les deux femmes, toujours dans les bras l’une de l’autre, ne disent presque rien. Les mots ne sont pas nécessaires. C’est l’intensité de l’émotion qui parle. Thérèse, en sanglots, murmure entre deux larmes :
— Ma sœur… Ma chère sœur… C’est si long… Je n’y croyais plus…
Monique, toute tremblante, parvient enfin à articuler quelques mots, sa voix brisée par les larmes :
— C’est toi… C’est toi, Thérèse… Je n’y croyais plus… Je croyais t’avoir perdue à jamais…
Les deux femmes s’étreignent avec force, comme si ces années perdues se dissipaient dans cette étreinte intense et pleine de tendresse. Mathis, serrant sa mère contre lui, jette un regard un peu perdu à Yohan, avant de se laisser emporter par la profondeur de l'instant. Tom, silencieux, perçoit la puissance de ce moment de retrouvailles inattendues. Quant à Yohan, il reste en retrait, son regard attentif et respectueux témoignant de la gravité de la situation, observant discrètement pour ne pas troubler l’émotion de leurs retrouvailles.
Claude, toujours sous le choc, se tourne finalement vers Monique, la main tendue vers elle, cherchant à comprendre. Mais Monique, dans la chaleur des bras de sa sœur, n'a pas encore les mots pour tout expliquer. Elle se contente de serrer Thérèse encore plus fort, comme pour ne jamais la lâcher à nouveau.
Le moment dure, suspendu dans l’émotion, comme si le temps s'était arrêté. Les sanglots de Monique et Thérèse se calment peu à peu, mais le poids de l’histoire reste lourd dans l’air. Claude, qui n'a pas quitté des yeux les deux femmes, prend une grande inspiration. Il sent que ce moment ne peut pas durer éternellement, et il tente de retrouver un peu de calme.
— Les garçons, retournez dans vos chambres, s'il vous plaît, dit-il d’un ton doux mais ferme.
Mathis et Tom échangent un regard étonné, encore sous le choc de l’apparition de Thérèse, mais ils obéissent, se levant lentement et s’éloignant, laissant les adultes face à ce bouleversement. Mathis prend Yohan par le bras pour l'inviter à les suivre dans sa chambre, inquiet de ce qui se joue entre les adultes.
Claude, une fois les garçons partis, guide Monique et Thérèse vers le salon. Il ferme doucement la porte d'entrée, faisant le vide autour de ce moment qui se charge de sens. Lorsqu'il revient vers elles, il les laisse s’installer sur le canapé. Les deux femmes s’assoient côte à côte, et Thérèse prend doucement la main de Monique, leurs doigts s’entrelacent, un geste simple, mais réconfortant qui leur a tant manqué.
L'air est lourd, mais un calme relatif envahit peu à peu la pièce alors que les sanglots se calment. Thérèse essuie ses larmes d’un geste nerveux, en respirant profondément pour se donner un peu de force. Elle tourne alors son regard vers Claude et lui adresse une excuse, sa voix fragile, mais sincère.
— Je vous prie de m'excuser, Claude, pour cette intrusion soudaine… Je comprends que vous ne connaissiez rien de notre histoire, ni même de ma présence dans la vie de Monique. Il est évident que ce lourd secret a été bien gardé, et je comprends qu’il puisse être difficile à accepter…
Claude, étonné mais calme, se contente de hocher la tête. Il est toujours sous le choc, mais il se sent aussi dans l’obligation d’entendre cette vérité qui se dévoile petit à petit.
Monique, d’un geste apaisant, serre la main de sa sœur et prend la parole, sa voix tremblante mais ferme, comme si chaque mot qu’elle prononçait avait mis des années à sortir.
— Oui, c’est vrai… J’ai caché tout cela. J’ai longtemps vécu avec cette séparation douloureuse, éloignée de ma famille, de mes racines. Quand j’ai été recueillie par les Deschamps, tout ce que j’ai connu de l’enfance a été effacé, et je croyais que c’était la seule vie possible. J’ai écrit des lettres, à mes frères et sœurs, à ma mère… J’ai espéré, mais je n’ai jamais reçu de réponse. Un silence glacé. Et puis, petit à petit, je me suis convaincue que rien de tout cela n’avait existé. J’ai fini par être convaincue que j’étais la fille unique légitime des Deschamps, que c’était ma seule famille. J’ai enterré tout le reste dans mon cœur, comme une protection, une sorte de mécanisme de survie.
Thérèse la regarde avec une tristesse infinie, les yeux emplis de compassion. Elle soupire doucement, comme si, à cet instant, toutes ces années de silence, de non-dits et de souffrance se déversaient en elle.
— C’était la seule chose que tu pouvais faire, Monique. Je comprends, vraiment. Mais voilà, je suis là. Et malgré tout, malgré le temps perdu, je suis là, ma sœur… nous avons toutes les deux eu notre lot de souffrances. Mais on peut peut-être réparer, avancer ensemble.
Monique ferme les yeux un instant, le poids de ces paroles touchant son cœur. Elle serre un peu plus fort la main de Thérèse, avant de répondre doucement.
— Oui… Peut-être qu’on peut enfin rattraper ce temps perdu, Thérèse… Enfin.
Claude, qui les observe silencieusement, comprend la profondeur de ce qu’il vient d’apprendre, et il sait désormais que sa vie et celle de sa femme ne seront plus jamais les mêmes. Il reste silencieux, respectueux, laissant à ces deux femmes le temps de vivre ce moment fragile, tout en sentant, dans la pièce, une sorte de renaissance, lente mais possible.
Pendant ce temps, dans la chambre de Mathis, les garçons tentent de démêler ce à quoi ils viennent d’assister. Mathis, abasourdi, se tourne vers Tom :
— Pince-moi, je rêve… C’est quoi ce délire, maman a une sœur ? Et dire qu'on l’a cru fille unique tout ce temps… Tu comprends quelque chose, toi ?
Tom, lui aussi perplexe, secoue la tête, un air de confusion sur le visage.
— Pas plus que toi, p'tit frère… Pourquoi maman nous a-t-elle caché ça ? Ça ne lui ressemble vraiment pas. Je suis… perdu.
Yohan, qui était resté jusque-là silencieux, intervient enfin, sa voix calme mais posée.
— C’est une femme merveilleuse, ta mère, Mathis. Elle doit avoir une très bonne raison pour ne pas vous en avoir parlé. Je suis sûr qu'elle vous expliquera tout ça le temps voulu…
Mathis, toujours sur le qui-vive, fait un geste de silence, un doigt posé sur ses lèvres. Il se lève furtivement, se dirigeant vers la porte, espérant entendre quelques bribes de la conversation qui se tient dans le salon.
Monique, émue et les yeux brillants de larmes, commence à se remémorer les épreuves de son passé. Comme si les souvenirs enfouis refaisaient surface après des années d’amnésie protectrice, elle raconte la dureté de son enfance à Florange, son père cruel, et son départ précipité pour Paris. Chaque mot semble être une libération, mais aussi une douleur profonde.
— Je me souviens… La vie à Florange, c'était… intenable. Georges, mon père… il m’a battue sans cesse, encore et encore… Je n'ai pas pu supporter plus longtemps … je suis partie, seule, tout quitter, tout fuir... Paris a été mon refuge … une famille sans enfant m'a recueilli comme le sien ... J'ai pu me reconstruire seule.
Ses yeux se tournent alors vers Thérèse, sa sœur, comme si elle attendait des réponses aux questions qui surviennent dans son esprit.
— Pierre, André, Roger, René, Maurice, Louis et Odette… Qu'est-il advenu d’eux, Thérèse ? Et toi, as-tu fondé une famille ? Maman, qu’est-elle devenue ? Et Georges… ce père qui m'a fait tant de mal, qu’est-il devenu ?
Les questions tombent une à une, lourdes de sens, emplies de cette recherche désespérée de réponses à un passé brisé. Monique attend, le cœur battant, son regard fixé sur Thérèse, qui semble chercher les mots pour répondre à toutes ces interrogations.
Thérèse, les yeux humides, commence à parler, sa voix tremblante mais assurée.
— Les garçons, tu te souviens de ces garnements, ils passaient leur temps à se battre alors ils ont fini par se déchirer pour des pacotilles, ils se sont éclatés aux quatre coins du pays et ne donne quasi plus signe de vie mis à part à Noël où je reçois un coup de fil. Ils vont bien et ont chacun fondé une famille mais la brouille entre eux est toujours restée. Odette va très bien, elle a épousé un fermier des Ardennes et a 3 beaux enfants. Quant à maman… Elle a toujours espéré te retrouver, Moniqu e… je crois qu’elle n’a jamais cessé de t’attendre, d’espérer. Georges… Après ton départ a semblé porté un lourd fardeau, il n'a jamais expliqué ses gestes, mais il a tout fait pour se faire pardonner.
Le silence qui suit est lourd de tristesse. Monique ferme les yeux, assimilant cette vérité douloureuse. Une partie d’elle avait espéré que tout cela n'était qu'un cauchemar, un mauvais souvenir qu'elle pourrait oublier. Mais maintenant, elle se confronte à la réalité de son histoire.
— Je n'aurais jamais imaginé tout ça, dit Monique, la voix serrée. Je pensais que tout était fini, que je n'avais plus rien à chercher… Mais maintenant, je comprends. Je suis prête à accepter tout cela. Et toi, Thérèse, que veux-tu maintenant ?
Thérèse serre la main de sa sœur, un sourire mélancolique sur les lèvres.
— Je veux qu’on répare ce qui peut l’être. Nous avons perdu tant d’années, mais il n’est jamais trop tard pour recommencer, pour reconstruire ce qu’on peut.
Dans la chambre, Mathis, visiblement bouleversé par ce qu'il vient de comprendre, se tourne vers Tom et Yohan pour leur partager ce qu'il a réussi à capter de la conversation dans le salon.
— Maman… dit-il d’une voix basse, presque tremblante. Elle était battue, elle a fui… Ses parents, Paul et Madeleine, ne sont pas ses vrais parents… apparemment, maman a beaucoup de frères et sœurs… Voilà ce que j'ai compris.
Tom et Yohan échangent un regard lourd, silencieux, comme s'ils cherchaient eux aussi à digérer l'ampleur de ces révélations. Ils n’ont jamais imaginé que la famille de Monique pourrait être aussi complexe, ni que les secrets qui la concernaient étaient aussi profonds.
Dans le salon, la discussion continue, le ton plus calme mais toujours empli d’émotion. Monique, visiblement en proie à une multitude de questions, prend une grande inspiration avant de demander :
— Pourquoi maintenant ? Pourquoi si longtemps ?
Thérèse, d’un air fatigué mais empreint de douceur, se prépare à répondre, ses yeux fixés sur sa sœur, comme si elle cherchait les mots justes, les mots qui pourraient expliquer l’inexplicable.
— Papa est décédé le mois dernier, commence-t-elle, une tristesse palpable dans sa voix. En fouillant dans ses affaires pour conserver des souvenirs et jeter l’inutile, maman est tombée sur une petite boîte en cèdre, joliment gravée de sa main : « Monique ». À l'intérieur, il y avait des lettres… des lettres que tu avais écrites, Monique… Elle marque une pause, comme pour se donner du temps avant de révéler ce qui a véritablement bouleversé la situation. Papa les avait soigneusement conservées, sans jamais nous en parler… Mais il y avait aussi une autre lettre, non décachetée, cette fois-ci adressée spécifiquement à toi…
Elle tend la lettre à Monique, ses mains tremblantes, mais déterminées. La lettre porte la mention : À ma fille Monique…
Monique reste figée un instant, l’émotion envahissant son visage. Elle hésite à prendre la lettre, puis, lentement, avec une main tremblante, elle l'attrape. Ses yeux se remplissent de larmes tandis qu'elle regarde la lettre, comme si ce simple morceau de papier pouvait contenir toutes les réponses qu’elle a attendues pendant des années.
L'ambiance devient à nouveau lourde dans le salon, tandis que la tristesse la submerge, le passé jusque-là refoulé refaisant surface, et des secrets longtemps enfouis semblant prêts à être dévoilés.
Monique, les mains tremblantes, continue de lire la lettre, mais au fur et à mesure des mots, les larmes qui coulaient silencieusement sur ses joues se transforment en sanglots. Elle serre la lettre contre son cœur comme si elle cherchait à capter chaque mot, chaque émotion, chaque souffle d'amour qui se dégage de ces lignes. L’emprise de la douleur et de l'incompréhension se relâche peu à peu, mais la souffrance du passé, elle, ne disparaît pas.
Claude, le cœur lourd mais solidaire, reste là à ses côtés, lui tenant la main d’une manière qui ne demande pas de mots. La souffrance de Monique devient la sienne, et il se fait fort pour lui apporter un peu de réconfort.
Lorsque Monique relève la tête, son visage est baigné de larmes, mais dans ses yeux, on voit aussi un éclat différent, un éclat fragile mais porteur d’une forme de paix naissante. Elle regarde Claude, et dans une voix tremblante, mais pleine d’émotion, elle s’exclame :
— Il m'aimait, cet imbécile m'aimait… il a pourtant tout gâché… Papa… Elle ferme les yeux un instant, et le silence se fait lourd autour d’eux. Puis, d’une voix plus calme, mais pleine de sincérité, elle ajoute, les mots traversant un torrent de sentiments contrariés : Je te pardonne…
Claude la serre dans ses bras, sa sœur restant silencieuse dans le salon, respectueuse de ce moment intime et profond. Monique garde la lettre serrée contre son cœur, le chagrin s’estompant lentement, remplacé par un sentiment confus mais réconfortant.
Les mots de son père, bien que tardifs, laissent place à un apaisement timide, un début de guérison pour Monique.
Le contenu de la lettre, simple mais bouleversant, résonne dans l'air, chargé de tous les non-dits et des remords d’un homme qui, après tout, n’a fait que se perdre dans la douleur.
Monique,
Cela fait quelque temps que tu es partie. Je reçois tes lettres et les cache du reste de la famille. Peut-être que je fais erreur, mais tu sembles si bien tombée dans cette famille qui t’entoure et t’offre une éducation bien au-delà de ce que je pourrais… En plus, je t'ai fait tant de mal, je n'ai pas le droit de te priver de cette chance qui s'offre à toi… Je préfère donc taire au reste de la famille ton devenir… Je suis un monstre avec toi… Je ne mérite pas une fille si aimante… Je te présente mes excuses…
Le temps m'a permis de comprendre… La perte d'Yvonne m'a fait glisser dans ce comportement maladif, sache que tu n’y étais pour rien, mon tendre enfant. Ma folie m’a emprisonné, me rendant cruel envers toi malgré l’amour que je te porte… Mon chagrin est ma peine… Je te promets de me rendre un père aimant pour le reste de tes frères et sœurs… Pardonne-moi mon petit bébé pour tout ce mal que je t'ai infligé…
Si tu lis ces mots, c'est que je ne suis plus… J’ai pensé à toi chaque jour, je t’aime…
Papa
Monique se laisse emporter par ces derniers mots, les larmes ayant cessé de couler, mais la douleur se transformant en un mélange complexe de pardon, de compréhension et d'amour enfoui pendant trop longtemps. Le poids du passé, bien que toujours présent, semble plus léger à cet instant.
Claude la garde dans ses bras, sans un mot mais présent, et les deux femmes, Thérèse et Monique, se regardent avec un mélange de tristesse et de tendresse, un peu comme deux âmes perdues qui, enfin, trouvent un chemin vers la guérison.
Monique, toujours émue mais sentant peu à peu la chaleur de la réconciliation envahir son cœur, serre sa sœur dans ses bras avec une force tendre, reconnaissante. Ses larmes, bien que moins nombreuses, continuent de glisser sur ses joues, témoignant de la profondeur des sentiments qui l'habitent. En se reculant légèrement, elle prend un instant pour observer Thérèse, ses yeux brillants de gratitude.
— Merci, merci, merci... murmure-t-elle, d'une voix chargée d'émotion.
Elle s'essuie une nouvelle larme, et un sourire, timide mais sincère, éclaire son visage. Puis, avec une légère tension dans la voix, elle lui demande, pleine de curiosité :
— Mais comment m'as-tu retrouvée alors ?
Thérèse, elle aussi émue mais soulagée de voir la scène prendre ce tournant, lui répond avec un léger sourire, son regard rassurant.
— C’est simple... Dans une de tes lettres, tu donnais ton adresse et le nom de tes parents adoptifs. Elle marque une petite pause, comme pour laisser à Monique le temps de digérer la réponse, avant de continuer : J'ai fait une recherche dans l'annuaire et j'ai appelé Mme Deschamps. Je lui ai expliqué l'objet de mon appel, et elle m'a transmis tes coordonnées sans hésiter. Je lui ai fait promettre de me laisser le temps de te contacter avant de dire quoi que ce soit... Je mesure à ta surprise qu’elle est bien une femme de parole.
Monique, les yeux écarquillés de surprise, hoche lentement la tête, encore sous l’effet de la révélation. Elle se tourne alors vers Claude, un regard mêlé de gratitude et d’étonnement, avant de revenir à sa sœur.
— Alors tout cela, toutes ces années où je croyais tout perdu, tout effacé…
Elle ferme les yeux un instant, et une bouffée d’émotion la prend de nouveau. Claude, qui était resté silencieux mais attentif à toute la scène, dépose un baiser furtif sur le front de Monique. Tout ce qu’il souhaite, à ce moment-là, c'est que les blessures du passé commencent enfin à se cicatriser. Dans la pièce, un lourd silence pèse, mais il est empreint de la douceur d’un moment que chacun sait désormais précieux, comme un acte de résilience familiale.
Puis, d’un ton plus léger mais non moins intense, Monique ajoute :
— Tout ça a été possible grâce à elle. Merci à vous deux…
Soudain un inquiétude la gagne :
— Mais, j'y pense, elle doit … je vous laisse… il faut que je l'appelle.
Monique se précipite sur le téléphone de l'entrée pour appeler Madeleine.
— Maman, merci…. Elle éclate en sanglots…
— Alors, ça y est… les fantômes du passé…
— Oui maman, mais ne t'inquiète surtout pas, tout va bien. Je te rappelle ce soir. Ma sœur est là. Mais je tenais à te remercier d'avoir agi comme tu l'as fait et surtout te dire que cela ne change rien… je t'aime maman…
— Moi aussi, merci ma chérie… à ce soir, profite de ta sœur. Bisous
Le pardon s'installe peu à peu, comme une douce brise effleurant les âmes, et l'atmosphère devient plus calme, presque solennelle. Le lourd secret se dissipe, et les échos de la douleur passée semblent peu à peu se transformer en une nouvelle forme de paix.
Claude, d’une voix chaleureuse mais ferme, appelle les enfants :
— Les garçons, venez ! Nous avons des choses importantes à partager avec vous.
Les pas précipités de Mathis, Tom et Yohan résonnent dans le couloir, témoins de leur curiosité mêlée à une pointe d’appréhension. Lorsqu’ils entrent dans le salon, Monique est assise près de Thérèse, leurs mains entrelacées, leurs visages marqués par les émotions. Claude reste debout, ses bras croisés avec un mélange de sérieux et de douceur dans le regard.
Claude, toujours debout, se tourne vers les garçons et les accueille d'un geste de la main. Monique, souriante mais émue, les présente tour à tour, sa voix tremblant légèrement sous l’émotion.
— Voici Tom, mon aîné, 20 ans. Un jeune homme fiable et solide, toujours présent pour sa famille. Puis Mathis, mon cadet, 17 ans, un garçon sensible, réfléchi et passionné, un vrai cœur de famille. Et enfin, Yohan, le meilleur ami de Mathis, une âme belle et bien élevée, qui fait aussi partie de notre cercle très proche.
Les enfants échangent des sourires timides, comprenant l'importance de la situation, mais ils ressentent aussi la chaleur qui émane de leurs parents.
Monique, se tournant alors vers Thérèse, poursuit avec un regard bienveillant.
— Et voici ma sœur, Thérèse. Après tant d'années séparées, après tant de silence, nous nous retrouvons enfin. L’histoire entre elle et moi est un peu compliquée, mais aujourd’hui nous avons la chance de réécrire notre histoire, de nous retrouver…
Elle se tourne alors vers Thérèse, les larmes aux yeux, mais la voix pleine de gratitude.
— Merci, merci de m’avoir cherchée, de m’avoir permis de réparer en moi ce qui semblait ne pouvoir l'être.
Monique invite ses fils et Yohan à s’asseoir, puis prend une profonde inspiration. Elle semble chercher ses mots, ses yeux humides de larmes retenues se posant sur chacun d’eux.
— Mes chéris, cet après midi, une partie de mon passé que je pensais enterrée est revenue à la surface. Je vous dois des explications, car ce que vous avez vu et entendu est aussi lié à votre histoire.
Elle serre la main de Thérèse, comme pour puiser la force de continuer.
— Quand j’étais jeune, j’ai grandi dans une famille très nombreuse, dix enfants en tout. Nous vivions dans une petite maison à Florange, avec très peu de moyens, mais ce n’était pas ce qui rendait la vie insupportable. Ce qui la rendait vraiment dure, c’était notre père, Georges. C’était un homme autoritaire, dur et… violent. Surtout après un événement terrible qui a marqué notre famille à jamais.
Sa voix s’étrangle légèrement, mais elle poursuit, les yeux brillants de souvenirs douloureux.
— Il y avait une petite fille dans la famille, Yvonne. C’était la dernière, un bébé joyeux, plein de vie. Mais à l’approche de son premier anniversaire, elle a attrapé la scarlatine. À l’époque, c’était une maladie redoutable, et malgré les efforts de maman, Yvonne n’a pas survécu. Elle est partie, et avec elle, une partie de papa aussi. Sa peine s’est transformée en colère, une colère qu’il déversait sur tout le monde… surtout sur moi.
Mathis et Tom échangent un regard inquiet. Yohan, silencieux, écoute attentivement, ses yeux rivés sur Monique.
— Je ne sais pas pourquoi c’était moi qu’il visait le plus. Peut-être que je lui rappelais Yvonne, ou peut-être que c’était simplement parce que j’étais la petite dernière à sa place. Quoi qu’il en soit, la situation devenait insupportable. Les cris, les coups, la peur constante… Je ne pouvais plus le supporter. À 11 ans, j’ai pris la décision de partir. J’ai pris un train pour Paris avec l’espoir de trouver une vie meilleure.
Elle s’arrête un moment, cherchant le soutien dans le regard de Claude, qui pose une main rassurante sur son épaule.
— C’est là que Paul et Madeleine Deschamps m’ont trouvée. Ils m’ont accueillie, m’ont offert un toit, une éducation, et surtout… une chance de recommencer. Mais pour survivre à cette nouvelle vie, j’ai dû fermer la porte au passé. J’ai écrit des lettres à ma famille, à mes frères et sœurs, mais je n’ai jamais reçu de réponse. Je pensais qu’ils m’avaient oubliée, ou pire, que papa avait tout fait pour effacer mon existence. Alors, j’ai fini par croire que tout cela n’avait jamais existé. J’ai décidé que j’étais la fille unique des Deschamps. C’était plus simple, moins douloureux.
Thérèse, émue, murmure doucement :
— On ne t’a jamais oubliée, Monique. Papa cachait tes lettres. Nous pensions que tu étais partie pour toujours.
Monique esquisse un sourire triste et continue :
— J’ai construit une nouvelle vie. J’ai rencontré votre père, je vous ai eus, et vous étes tout pour moi. Mais ce soir, ma sœur Thérèse est là, et avec elle, tous ces souvenirs. Elle m’a ramené ce passé que je pensais enfoui à jamais, mais elle m’a aussi ramené une part de moi-même que je croyais perdue.
Elle regarde ses enfants, cherchant leur compréhension.
— Je ne voulais jamais vous mentir ou vous cacher quoi que ce soit. J’ai simplement cru que ce chapitre de ma vie était clos. Mais aujourd’hui, alors qu'il remonte à la surface, je comprends que ce n’était pas le cas.
Tom, avec sa maturité habituelle, prend la parole en premier.
— Maman… je ne savais pas… Tu as traversé tellement de choses. Je pense que je comprends…
Mathis, plus émotif, se lève pour aller la prendre dans ses bras, murmurant un simple :
— Je t’aime, maman, avant de s'effondrer en larmes à son tour.
Yohan, à son tour, brise le silence avec douceur.
— C’est une histoire difficile, mais elle montre aussi votre force, Monique. Vous avez traversé tout ça et vous avez construit cette belle famille. C’est une preuve d’amour immense.
Il retient ses larmes, et surtout, il retient l'envie de prendre Mathis dans ses bras pour le réconforter.
Monique esquisse un sourire reconnaissant, émue par leurs réactions en demandant à Mathis de sécher ses larmes tandis qu'elle lui adresse une caresse pleine de tendresse sur la joue. Puis elle se tourne vers Thérèse.
— Tout m'est revenu brutalement, un coin de mon âme s'est réveillé. Grâce à toi, je me sens assez forte pour affronter ce passé et renouer avec ma famille.
Thérèse serre toujours sa main avec émotion. La pièce est envahie par un mélange de larmes, de sourires et de soulagement. Pour la première fois depuis longtemps, Monique sent que les pièces éparpillées de son histoire commencent à s’assembler.
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