Bernard dérape...
Mais au moment où les premières notes de "Forever Young" d'Alphaville s'élèvent, douces et nostalgiques, un changement imperceptible s’opère. Mathis et Yohan, légèrement enivrés par le champagne et l’excitation ambiante, se rapprochent l’un de l’autre. Ils dansent, leurs corps frôlant l’un l’autre, tout naturellement, comme si la musique et l’ambiance les unissaient dans un moment suspendu, un secret partagé.
C’est alors qu’un cri soudain brise le sort. Bernard, l’oncle de Mathis, l’époux de Nicole, se tourne vers eux, le regard un peu flou, l'esprit encore plongé dans la convivialité de la soirée. Il les voit danser, pensant qu’ils se livrent à une simple farce. Un éclat de rire franchit ses lèvres avant qu’il ne s’écrie, dans un accent rugueux, typique de la campagne axonaise :
— Oh, deux ch'tits pédés, pas de ça dans la famille, ici y'a qu'des hommes, des vrais !
Il croit à une blague, à une plaisanterie innocente, un petit divertissement pour animer la soirée. Mais ses mots frappent comme un coup de poing. L’instant qui suit est un vide lourd, presque irréel.
Mathis, d'abord figé par la surprise, se redresse. Ses yeux se dédoublent d’incompréhension avant que l’effarement ne laisse place à la colère. D’un coup sec, il réplique, d’une voix cassée, mais terriblement claire :
— Tu n’es qu’un pauvre con, tonton !
Le choc est immédiat. La chaleur de la fête disparaît dans un souffle glacé. Mathis tourne les talons et se précipite hors de la cour, hors de la ferme, comme un animal traqué. Ses jambes courent sans réfléchir, portées par l’urgence de fuir cette humiliation. Les pierres du chemin glissent sous ses pas, il trébuche, il tombe et se relève et rien ne l’arrête, il s’échappe dans la nuit, sa honte le brûlant de l’intérieur.
Yohan, de son côté, est figé. Son corps, lui, reste là, tremblant, paralysé par la violence de la scène. Le monde autour de lui devient flou, indistinct. Ses jambes se dérobent, et il s’effondre au sol. L’humiliation le foudroie, plus forte que l’envie de suivre Mathis, de le rattraper. Il reste là, immobile, figé par le poids de la situation, les yeux perdus dans l’obscurité qui l’entoure.
Un silence lourd s’installe, envahissant l'environnement comme une chape de plomb. L’instant de joie est brisé, les regards des invités se croisent, certains fuyants, d’autres désemparés. La fête semble s’éteindre en un instant, l’air devient soudainement encore plus lourd, comme si tout le monde se rendait complice d’un silence insupportable.
Les invités, pris de court, ne savent plus comment réagir. La musique, encore vibrante dans l’air, semble soudain irréelle, presque déconnectée de l’émotion qui frappe de plein fouet l'assemblée. Les éclats de joie s’éteignent lentement, la fête se transformant en un abîme de malaise. L’atmosphère s’alourdit encore, chaque seconde devenant plus pesante, comme si l’air lui-même se densifiait sous le poids de la vérité qui vient d’éclater.
Tom, les yeux écarquillés, scrute la scène dans une panique grandissante. Là, au centre de la piste, il voit Yohan, effondré sur le sol, une expression de confusion et de douleur inscrite sur son visage. Il cherche frénétiquement du regard Mathis, mais le jeune homme a disparu dans la nuit, emporté par sa fuite. La peur s’empare de lui, une peur sourde, qu’il essaie de chasser sans y parvenir. L’inquiétude lui serre la gorge. Il redoute déjà ce qu’il craint de comprendre.
D’un geste brusque, presque incontrôlé, il pousse le bras de la platine. Le bruit strident de la musique stoppée net déchire l’air, plus lourd encore que l’instant d’avant. Le silence qui suit est glacé, profond. C’est comme si tout s’était figé autour de lui. Les regards des invités se tournent lentement vers Yohan, puis vers Bernard, celui qui, sans le savoir, a plongé la soirée dans cette folie silencieuse.
Au milieu de la piste, juste à côté du corps recroquevillé sur lui-même de Yohan, dont les sanglots sont déchirants, Bernard, le visage rouge d’embarras, se prend la tête dans les mains. Ses doigts se crispent, incapables de masquer la honte qui l’envahit. Il ne comprend pas. Son intention n’était que de plaisanter, de faire rire, comme il en avait l’habitude. Mais il se rend compte, trop tard, de l’ampleur de ses paroles. Celles-ci, comme un coup de couteau, ont déchiré quelque chose de bien plus profond qu’il ne l'imaginait. Il n’avait voulu que divertir, mais ses mots ont résonné comme une claque. Une claque d’intolérance et de bêtise.
— Je... je ne voulais pas... s'excuse-t-il d’une voix tremblante, mais il n’a pas les mots. Ses gestes sont maladroits, comme s’il essayait de se racheter, de réparer l’impensable, mais tout ce qu’il réussit à faire, c’est d’attirer davantage de regards accablants.
Certains invités, témoins directs de la scène, restent pétrifiés, incapables de bouger. D’autres, ceux qui n’avaient rien vu venir, qui n’avaient rien perçu de ce qui venait de se jouer, ne peuvent que se sentir choqués, pris au piège de cette révélation brutale. Le temps s'est arrêté, comme si l’air autour d’eux s’était figé dans une attente insoutenable.
Leurs rires sont loin, les éclats de la soirée sont partis, balayés par un simple mot malheureux, un préjugé trop lourd. Et la fête, qui n’avait jamais semblé aussi vivante, semble désormais une éternité derrière eux.
Tom, le cœur battant, est pris d'une vive angoisse. Il se précipite vers le micro, les doigts tremblants, mais la détermination dans le regard. Un instant, il ferme les yeux, comme pour se donner du courage. Puis, d’un coup, il monte le volume, le son des basses saturées emplissant l'air. Il capte l’attention de tous, mais ce qu’il va dire dépasse tout ce qui vient d’arriver.
Il prend une grande inspiration et, d'une voix brisée mais forte, il crie :
— Mathis, mon p'tit frère... Tu es tout ce que j'ai. Reviens. Je vais tout arranger, comme d'habitude, mais s'il te plaît, reviens, je t'aime.
Les mots s’échappent de sa bouche avec la force d’un cri de désespoir, le son du micro vibrant sous son souffle. Tom baisse un instant les yeux, puis relève la tête, son regard brûlant d'une sincérité profonde. Il s’adresse à l’assemblée tout entière, à ceux qui ont assisté à l’humiliation, à la douleur qu’aucun d’eux n’avait anticipée.
— Peu importe ceux que tu déranges, ce sont eux les monstres, toi tu n’es qu’innocence, beauté, gentillesse. Tant pis si ces imbéciles ne peuvent te comprendre. On s’en fout…
Il marque une pause, son regard se durcit, ses mots s’acidifient :
— On est une famille, et on les emmerde !
Les derniers mots résonnent encore plus fort, et un silence lourd s’installe, écrasant entre l’écho des paroles de Tom et la réalité de la situation. Tom coupe la sono, tout le monde reste figé. Ceux qui l’entendent sont pris de court, partagés entre l'inconfort et la prise de conscience. Tom, tremblant de colère et d'amour, attend. Il a dit ce qu’il fallait. Il ne sait pas ce qui va se passer ensuite, mais il n’a qu'une obsession, où est Mathis ?
Au fond de lui, Tom espère que Mathis l’aura entendu, où qu’il soit, qu’il reviendra. Il n'a pas le temps de réfléchir plus longtemps. Il se précipite vers Yohan, qui lutte pour se relever, son corps encore tremblant sous le poids de la situation. Tom se penche, l’aide à se redresser, et, d'un geste protecteur, il le prend dans ses bras, le soulevant presque contre lui pour l'emmener loin des regards curieux et gênés.
Ils traversent la cour en silence, Yohan se raccrochant à lui comme à une bouée de sauvetage. Tom l’installe sur un lit dans la chambre qu’il partage habituellement avec Mathis et ses cousins. Une chambre simple, mais aujourd’hui un abri pour Yohan, un lieu où il peut enfin respirer, loin du tumulte et du jugement.
Yohan, le visage baigné de larmes, s'effondre presque sur le matelas, le regard perdu. Il n’arrête pas de murmurer, d'une voix brisée, d'un ton désespéré, comme s’il se parlait à lui-même plus qu’à Tom.
— Où est-il, Tom ? Où est Mathis ?… Je… je suis désolé. On ne s’est même pas rendus compte. C’était naturel, juste… une envie de danser, l’un contre l’autre… C’est nous, tu sais… La musique est nôtre… Et… je… je n’ai rien vu venir. Je m’en veux tellement.
Les mots se bousculent dans sa gorge, mais Yohan ne trouve pas de réconfort. Tom, accroupi à côté de lui, prend doucement sa main, essayant de lui offrir une forme de calme, même s’il sait que tout cela est au-delà des mots.
— J’aurais dû l’en empêcher, mais… je… j’étais ailleurs. Perdu dans son regard. Quand je le vois, tout le reste disparaît, Tom. Le monde autour de moi n’existe plus. Il est mon autre, il est ma raison d'être, tu comprends ? Et maintenant, il est parti… Où est-il allé ? Est-ce qu’il est encore dans les parages ? Ou… ou bien est-il loin, perdu dans la campagne, malgré cette lumière douce que la lune offre à la terre ?
Tom, les yeux emplis d’inquiétude et de tristesse, serre un peu plus la main de Yohan, ses pensées se tournant vers son frère, là-bas, quelque part dans la nuit. Où a-t-il fui ? Pourquoi s'est-il éloigné ? Tom ferme les yeux un instant, espérant entendre les pas familiers de Mathis, mais tout ce qu'il perçoit, c’est le silence. Ce silence lourd de non-dits et de doutes. Il ne sait pas si Mathis entendra son appel, s’il reviendra ou si, dans la clarté lunaire, il a déjà disparu, trop loin pour qu’ils puissent le rattraper.
— Il reviendra, Yohan. Il reviendra… murmure Tom, plus pour lui-même que pour Yohan, mais sa voix manque de certitude.
La nuit continue de s'étendre, aussi silencieuse et impitoyable que le cœur de Tom, qui sait que cette situation, aussi injuste soit-elle, a transformé tout ce qu’il pensait savoir en un abîme d’incertitudes.
Dehors, la nuit est profonde et l'air se rafraîchit d'un coup, cet air empli de la douleur d'un père dévasté. Claude, les poings serrés et le visage rouge de rage, hurle son désespoir dans l'obscurité. Il n'a même pas le temps d'assimiler la révélation que Mathis lui a faite, ce lourd secret qu’il a révélé malgré lui. Mais cette prise de conscience n'a aucune place dans son esprit troublé. C’est la colère qui l’envahit, brûlante et sauvage. Elle éclate sans retenue, déversant tout sur Bernard, son beau-frère, l'homme qui, à ses yeux, incarne tous les démons de l'intolérance.
— Vieux réac’ ! Intégriste vendéen ! crache-t-il, la voix tremblante de fureur, les mots dévalant comme des éclats de verre. Tu n’es rien d’autre qu’un monstre avec tes idées de merde. C’est toi, t'as foutu le bordel dans cette famille. Tu as brisé tout ce qui nous tenait ensemble, tout ce qui nous rendait forts !
Mais les paroles, aussi violentes soient-elles, ne parviennent pas à calmer le tourbillon de douleur qui fait rage en lui. Il le sait, cette colère n'est qu'un masque, un bouclier fragile contre une peur infinie. Une peur qu’il ne peut évacuer, qu’il ne peut ignorer.
Sa pensée se tourne vers son fils, son Mathis, qui a dû fuir, se cacher dans la nuit, fuyant non seulement l'incompréhension mais aussi la honte qu'on lui impose. Claude sent une douleur profonde dans sa poitrine. Son enfant, sa chair, maltraité, rejeté, rejeté par ceux qui sont censés le protéger. Une tristesse abyssale envahit ses entrailles. Il est désespéré, perdu, et tout ce qu’il peut faire, c’est crier cette souffrance au monde, espérant que cela apaisera quelque peu l’étau qui serre son cœur.
— Où es-tu, mon fils ? hurle-t-il dans l’air glacé du désespoir, mais son cri reste sans réponse. Il se détourne alors, les yeux écarquillés d’anxiété, se dirigeant dans la direction où il pense que Mathis pourrait s’être échappé.
Il connaît bien cette campagne. Il la connaît trop bien. Les terres sont vastes et hostiles. La nuit tombe rapidement, et avec elle viennent les dangers. Il pense aux sangliers, qui, dans les bois, s’aventurent sans crainte, chargent et protègent leurs groupes avec une férocité sans égale. Un frisson glacial lui parcourt l’échine. Que ferait Mathis, tout seul dans la nuit, sans repères ?
Il pense aux étangs, à ces zones marécageuses où la boue engloutit tout sur son passage. Un faux pas, un mouvement maladroit, et Mathis pourrait disparaître, englouti dans l’eau noire et froide. Les images d'un avenir incertain se bousculent dans la tête de Claude. Il imagine son fils, seul, perdu, sans aucune lumière pour le guider.
C’est alors que Monique, la femme de sa vie, accourt vers lui, le cœur battant, le visage empreint d’une inquiétude profonde. Elle a suivi les éclats de la colère de Claude, l'a vu s’éloigner sans un mot, et comprend immédiatement la tourmente qui le dévore.
Elle s’approche doucement, les mains tremblantes, mais son regard est clair, déterminé. Elle pose une main ferme sur l’épaule de Claude, cherchant à l'ancrer dans le moment présent, à l’empêcher de se perdre dans la tempête de ses pensées.
— Claude... sa voix est douce, mais il y a une force tranquille derrière les mots. Tu sais qu'il faut qu'on reste calme. Mathis reviendra. On doit garder espoir, on doit...
Mais Claude, pris par la peur, secoue la tête, son visage défiguré par la douleur. Il ne l’écoute pas. L’urgence le ronge, il ne peut plus attendre, plus réfléchir.
— Je ne sais pas... Je ne sais pas s'il reviendra, Monique... Si quelque chose lui arrive, je... Il s’interrompt, les mots lui échappent. Un sanglot retenu secoue son corps tout entier.
Monique, les yeux pleins de larmes, prend son mari dans ses bras, le serrant contre elle avec une tendresse infinie.
— Il reviendra. Je le sais. Il faut qu’on tienne. Qu’on reste forts, tous les deux. Et qu’on l’attende.
Claude, haletant, ferme les yeux un instant, essayant de se raccrocher à la seule vérité qu’il puisse encore toucher. Mais la peur est toujours là, invisible mais présente, prête à dévorer tout ce qu’il a de plus cher.
Bernard, les yeux remplis de remords, se rend compte de l’ampleur de ses paroles et de la douleur qu’il a causée. Lui, l’homme rustre, bourru, qui a quitté sa terre de Vendée pour Nicole, une terre qui lui a donné une éducation ancrée dans des pratiques délétères, d'un autre temps, n’ayant jamais compris les subtilités du cœur, se trouve soudainement face à ses erreurs. Il a blessé, et il doit réparer.
Pris de remords, il se tourne vers Claude, qui reste toujours figé, perdu dans ses pensées. Sa colère s’est apaisée, mais la peur est toujours là, encore plus dévorante. Bernard s’avance alors, hésitant, cherchant les mots justes. Il n’est pas doué pour les gestes tendres, les paroles réconfortantes. Dans ses origines, un homme n'a pas le droit de se montrer sentimental, c'est pour les femmes. Mais cette fois, il est déterminé à faire ce qu’il faut, à réparer ce qu’il peut, même s'il doit livrer ses sentiments.
— Écoute, Claude… commence Bernard d’une voix hésitante, les mains tremblantes mais sincères. Je... je ne pensais pas à mal, je suis un idiot, je sais, mais je... je suis désolé. Ce que j’ai dit, c’était... c’était si stupide. Mon éducation catholique m'a enfermé dans ces … comment dire … ses clichés intolérants. Mais, moi, je l'aime tout petit, j'm'en fous de tout ça… dieu est soit disant amour, alors si c'est vrai … pourquoi leurs idées ne véhiculent que de la haine… je suis… désolé… je veux… me racheter… mais comment.. comment… t'en convaincre ?
Claude, surpris par cette démarche, lève les yeux vers lui, mais son regard reste froid. Il a du mal à saisir la sincérité dans les paroles de Bernard, trop pris dans son angoisse pour pouvoir l’accepter immédiatement.
— C’est trop tard pour les excuses, Bernard… répond-il, mais sa voix trahit un petit tremblement.
Il ne sait plus comment réagir. Il a besoin d’agir, de retrouver son fils, mais cette colère persistante, comme un poison, l’empêche de se concentrer.
Bernard, sentant l’hostilité, se précipite pour proposer une solution concrète, un moyen d’agir, de se racheter.
— J’ai une idée, je... je propose qu’on parte en battue. Je vais aller chercher Mathis. Si je peux l’aider, je le ferai. Il se précipite alors vers les torches qu’il rassemble avec empressement.
Il regarde autour de lui, les yeux brillants d'une détermination nouvelle.
— On partira en groupes de deux. Ce sera plus efficace, et plus sûr. On éclairera tout le chemin, chaque recoin. Je sais que cette campagne, c’est un labyrinthe, mais on peut le retrouver, on peut le ramener.
Claude le fixe un instant, une lueur de doute dans les yeux, mais un éclair d’espoir traverse aussi son cœur meurtri. Il se tourne alors vers Monique, qui, toujours aussi calme, baisse doucement la tête pour approuver. La décision est prise. Même si cela ne ramènera pas immédiatement la paix, peut-être que cette action est la seule chose qui pourra les sauver du gouffre de l’angoisse.
— Bon… dit Claude, la voix pleine d’une résolution qu’il peine à retrouver. Faisons-le. Tout le monde se prépare. Il faut scruter chaque recoin de cette terre...
Bernard, s’empresse de distribuer les torches, avec un zèle presque maladroit. Les autres commencent à se regrouper, mais l’atmosphère est étrange, lourdement tendue, l’urgence des retrouvailles flottant dans l’air. Les visages sont marqués par la peur, le doute, mais aussi, peut-être, une pointe de solidarité, celle qui surgit quand la situation est la plus sombre.
— Mathis, où es-tu ? murmure Bernard, mais cette fois, ce n’est pas une moquerie, ni une insulte. C’est un appel sincère, dans lequel il dépose toute la culpabilité qu’il porte sur ses épaules.
Les groupes se forment. Certains partent dans une direction, d’autres dans une autre. Les torches éclairent dans l’obscurité de la campagne, projetant leur halo sur le sol. Chaque pas dans l’obscurité devient un acte d’espoir.
Une heure… deux heures. Le cri « Mathis » résonne dans la nuit, brisé par le lointain écho de la campagne qui semble avaler chaque appel. Les lampes torches tremblent entre les mains, leurs lumières révélant le moindre recoin dans la nuit. Les groupes s’éparpillent, chacun cherchant dans les champs, les marais, les bois voisins, appelant son nom dans l'espoir de le voir surgir, de le retrouver sain et sauf. Mais malgré l’effort, la recherche semble vouée à l’échec.
Les minutes s’étirent, longues, insoutenables. L’inquiétude se transforme peu à peu en terreur, une terreur insidieuse qui s’immisce dans les pensées, qui noie les cœurs sous le poids de l’incertitude. Chaque appel « Mathis » résonne comme la promesse d’un espoir qui se brise. Les lueurs d'espoirs des premiers instants laisse place à des regards fuyants, nerveux, et les voix s’éteignent dans l’obscurité.
Fatigués, trempés, épuisés, les groupes commencent à se regrouper à la lisière des champs. Tous espèrent qu'un autre groupe a eu plus de chance, qu'il a retrouvé Mathis, qu'il reviendra enfin avec lui. Mais chaque regard est vide, chaque homme et femme qui revient semble plus désemparé que le précédent au son de :
— Alors, un groupe l'a trouvé ?
— Toujours pas…
Lorsque le dernier groupe fait enfin son retour, la déception est immense. Pas de Mathis. Personne ne l’a trouvé. Un nouveau silence s'installe. Des regards s'échangent, mais aucun mot n’ose dire mot. Les visages sont blêmes, marqués par l’angoisse.
Claude et Monique se tiennent là, au centre du groupe, leurs cœurs battant à tout rompre, pris dans un tourbillon de peur et de confusion. Ils se regardent, et le monde autour d’eux semble soudainement s’effondrer. Monique, les yeux embués de larmes qu’elle n’ose verser, s’appuie contre Claude, qui la soutient, mais eux aussi sont brisés. La réalité est là, implacable, leur espoir s’éteint à mesure que la vérité s’impose : leur fils n’est pas revenu.
Claude, habituellement si fort, se sent vaciller sous le poids du doute et de la peur. Il serre les poings, la mâchoire tendue, mais au fond de lui, une douleur sourde éclate. Où est-il ? se répète-t-il dans un souffle à peine audible.
Monique, sans un mot, se laisse glisser contre lui, le visage noyé dans ses mains, avant de se retrouver effondrée sur le sol. Elle ne peut plus regarder les autres. Sa douleur, sa peur, tout se mêle dans un tourbillon d’impuissance. Elle entend les voix, elle voit les visages autour d’elle, mais tout semble flou, comme si une brume épaisse enveloppait son esprit. La seule chose qu'elle sait, c’est que Mathis est toujours là, quelque part, mais où ? Où est-il ?
Les minutes semblent durer une éternité alors que les autres se regroupent, chuchotent, se regardent. Ils savent tous que quelque chose de terrible se profile à l’horizon, mais personne ne veut l’admettre. Aucun d'eux ne veut affronter l’idée que Mathis pourrait être perdu pour toujours, noyé dans les eaux, ou démembré par les sangliers. Ils sont là, dans la ferme, l’obscurité du soir leur tenant compagnie, mais ils savent qu'une nuit sans sommeil les attend, une nuit de tourments et de questions sans fin.
Claude finit par parler, d’une voix brisée mais ferme, comme un dernier appel dans cette mer de doute.
— Il faut qu’on cherche encore demain… La voix tremblante, il se reprend. Demain, on recommence. Nous devons le retrouver. Avec l'aide du jour, on le trouvera...
Mais même ses mots sonnent vides, comme une tentative désespérée de se raccrocher à une lueur d’espoir, aussi fragile soit-elle.
La peur les serre, les étouffe. Que la vérité sur le sort de Mathis ne viendra peut-être jamais. Mais dans l’instant présent, seul l'inconnu semble les entourer, un inconnu qu’ils devront affronter dans les heures à venir.
Trop, il n'en peuvent pas supporter davantage. Leurs pleurs s’élèvent, stridents et déchirants, comme un cri désespéré brisé par l’immensité de la nuit. Le silence de la campagne, lourd et oppressant, semble avaler chaque sanglot, chaque mot qui se perd dans la douleur.
— Ma...thi...i...i...is, hurle Claude, ses mots hachés par la douleur qui s'exprime.
— Maaaa...thiiii….iiiii...iiiissss, crie-t-il encore plus fort.
Les hurlements de désespoirs de Claude et Monique, unis dans la douleur, montent comme un ultime appel au destin, un appel pour qu'on leur rende leur fils. Le vent se lève légèrement, agitant les arbres, mais même la nature semble retenir son souffle, comme si elle savait qu’un moment crucial allait se jouer.
Soudain, comme une apparition, une silhouette se dessine dans l’obscurité. Un bruit de pas précipités, un souffle court. Mathis, les cheveux épars, le visage pâle et marqué par les heures de solitude, surgit de la nuit. Il court vers ses parents, une course frénétique, presque désespérée. Ses jambes tremblent, son cœur bat à tout rompre, mais il ne s’arrête pas. Tout ce qui compte, c’est de les retrouver. De revenir vers eux, pour faire taire leurs cris qui le bouleversent.
— Ne pleurez pas... je suis là... Sa voix tremble, brisée par l’émotion. Il arrive, se jette au sol, dans les bras de ses parents, et la chaleur de leur étreinte, d’un seul coup, semble le faire vaciller. Ses parents, sous le choc, restent un instant figés, ne croyant pas à ce qui se déroule devant leurs yeux.
Les larmes de Mathis s’ajoutent aux leurs, et dans un souffle, il s'excuse, le cœur lourd, les mots trébuchant sur ses lèvres, chargés de honte et de douleur.
— Je suis désolé... je suis désolé de vous faire ça... vous ne méritez pas ça... je suis un poids pour vous, un fardeau...
Sa voix se brise, presque inaudible. Il se recule légèrement, n’osant plus les regarder, perdu dans la honte.
— Je vous ai fait mal, je sais, mais je... je ne peux plus cacher qui je suis… et je ne peux pas être un autre...
Claude, d’abord figé, laisse échapper un cri de soulagement, son corps se détendant sous l’impact du choc. Il prend son fils contre lui, le serrant avec une force qui reflète à la fois la peur d’avoir failli et l’immense soulagement d’avoir retrouvé ce qu’il croyait perdu.
— Mon fils... murmure Claude, sa voix rauque. Tu es tout ce que j’ai... et je t’aime, tu es mon fils... peu importe ce que les autres pensent, tu es mon fils… et je t'aime ainsi.
Monique, encore en larmes, se penche pour prendre Mathis dans ses bras, l’enveloppant d’une tendresse infinie, comme pour effacer toute la douleur accumulée dans cette nuit sans fin. Ses mots sont simples, mais lourds de sens, d’une vérité qu’il avait toujours su au fond de son cœur, même s’il n’avait jamais osé y croire.
— Tu es mon enfant... et je t’aime, Mathis, plus que tout. N'oublie jamais ça... ne te laisse pas emporter par ce qu’ils disent. Ils ne savent rien… L'ignorance rend aveugle … bête … et trop souvent … mauvais...
Mathis reste un instant là, entre leurs bras, leur chaleur se mêlant à la sienne, effaçant la fraîcheur de la nuit et la solitude. Il ferme les yeux, laissant ses émotions l’envahir. Cette douleur, cette honte, se transforment en quelque chose de plus puissant. Un sentiment de sécurité, d’amour, celui qu’il espérerait tant, celui que Madeleine lui avait assuré...
Tout autour d’eux, les autres s’approchent silencieusement. Ils ne savent pas quoi dire, comment réagir face à cette scène émouvante. Les regards sont gênés, parfois pleins de confusion. Mais aucun mot ne s’élève, aucun reproche ne brise le fragile équilibre. Seul le souffle des parents et de l’enfant se fait entendre dans l'immensité de la campagne.
Mathis s’écarte lentement de leurs bras, ses yeux cherchant ceux de ses parents, larmes au bord des cils.
— Je vous aime, je suis désolé…
Claude et Monique, sans un mot, le regardent, leur cœur gonflé d’un amour incommensurable. Peu importe ce qu’il leur a dit, peu importe ce qu’il croyait avoir fait de mal, pour eux, il est leur fils, rien n'a changé. Et l’amour qui les unit est plus fort que tout.
Claude glisse alors doucement dans l'oreille de son fils :
— Tu sais, tu devrais rentrer… Je connais deux personnes qui seront ravis de te revoir… Mathis, encore pris dans l'émotion de la scène et tout juste sorti de l’angoisse, regarde son père, son cœur battant la chamade. Un éclat de compréhension traverse son regard.
— Tom… et Yohan… ? murmure-t-il, l’incertitude dans la voix. Claude acquiesce, son sourire se faisant plus large et plein de chaleur.
— Oui, mon fils. Yohan s'est effondré après ton départ, alors Tom l'a éloigné pour le réconforter.
Mathis laisse les mots s’imprégner en lui. Une vague de soulagement l’envahit alors qu’il se rend compte qu'il n’est pas seul dans ce combat. Ses yeux se brouillent de larmes, mais cette fois, ce sont des larmes d’espoir, de réconfort. Il hoche lentement la tête, puis, sans dire un mot de plus, il se tourne et se précipite vers la maison. Le cœur battant, il sait maintenant que ses parents l’accepteront et l’aimeront pour ce qu’il est, sans condition. Claude et Monique l’observent partir, un mélange de fierté et d’anxiété dans le regard. Mais au fond de leurs âmes, un sentiment d’apaisement s’installe. Tom et Yohan l’attendent, et c’est tout ce qui compte.
Mathis court dans la nuit, ses pas précipités résonnant dans le silence de la campagne. La lueur des lampions qu'il aperçoit semble l’appeler, un phare dans l’obscurité de son esprit encore troublé. Ses parents, eux, restent là, immobiles, comme suspendus dans l'attente. Ils savent qu'il va retrouver sa place parmi ceux qui l’aiment, parmi ceux qui l'ont toujours accepté tel qu'il est.
Dans le fond de la maison, Tom et Yohan l'attendent, chacun plongé dans ses pensées. Yohan, encore secoué par l'incident, se tient près de la fenêtre, observant les ombres qui dansent sous la lumière vacillante des lanternes que le vent met en mouvement. Tom, lui, fait les cent pas, nerveux, mais un espoir commence à poindre au fond de son cœur.
Enfin, la silhouette de Mathis apparaît dans la lumière douce des lampions. Ses yeux sont rougis, mais son visage est marqué par une détermination nouvelle. Lorsqu’il entre dans la maison, la chaleur de l’accueil est immédiate.
— Mathis ! s’écrie Yohan en se précipitant vers lui. Il le serre dans ses bras, et, pour la première fois de la soirée, le cœur de Mathis se calme.
Tom les rejoint, il les prend dans ses bras, arborant un sourire plein de soulagement.
— Tu es là, c’est tout ce qui compte. dit-il, sa voix tremblante de reconnaissance.
Mathis, dans un souffle, leur répond simplement :
— Je suis là… je suis avec vous.
Les trois jeunes hommes se tiennent là, Mathis au centre, entouré de Tom et de Yohan. C’est un mélange de fraternité et d’amour passionnel, une complicité qui n’a besoin de mots pour s’exprimer. Ils se comprennent dans les silences, dans la chaleur de leurs regards, et dans l’intensité du moment vécu. Un amour pur et indéfinissable, qui dépasse tout ce que l’on pourrait tenter de verbaliser. Et dans ce petit cocon de réconfort, tout semble enfin se résoudre.
Claude et Monique, restés dans le jardin, observent par la fenêtre, leurs regards emplis de douceur et d'espoir. Claude laisse échapper un léger sourire, un sourire empli de fierté et de soulagement, tandis que Monique, les mains jointes, ferme les yeux un instant, un souffle de gratitude s'échappant d'elle. La nuit s'estompe, mais il y a une lumière nouvelle dans leurs cœurs.
Le chemin n’a pas été facile, mais désormais, l’essentiel est là : leur fils est rentré, et avec lui, l’amour qu’ils n’ont jamais cessé de lui offrir. Cette paix qu’ils cherchaient désespérément semble maintenant se poser sur leur foyer. Le lien est intact, plus solide que jamais.
Tom, dans un geste plein de douceur, regarde Mathis et Yohan et leur dit, sa voix calme et assurée :
— Ne vous en faites pas pour demain. Ce soir, tout est bien. Reposez-vous. Ne cherchez pas à ajouter quoi que ce soit à ce moment. Le reste pourra attendre. Ce qui compte, c’est que vous soyez là, en sécurité avec nous.
Mathis, touché par la sagesse de son frère, hoche doucement la tête. Il prend la main de Yohan et, ensemble, ils se dirigent vers le lit, le cœur plus léger qu’il ne l’a été depuis longtemps. Dans leurs esprits, les tourments de la soirée semblent s’effacer lentement, remplacés par un sentiment de sécurité et d’amour, un amour que rien ne pourra plus ébranler.
Tom referme doucement la porte derrière lui. Il descend les escaliers et reste, seul, un instant dans le salon, les yeux dans le vide, pensif, mais en paix. Il sait que les choses, bien qu’encore fragiles, se sont redressées. Il se sent fier de son frères et de la force silencieuse de l'amour qui l'unit à son compagnon, Yohan. Puis il rejoint Juliette pour se reposer lui aussi, le cœur apaisé par la certitude que, même après tant d’épreuves, ils sont tous ensemble, toujours plus forts.
Monique et Claude, eux, dans le jardin, se regardent en silence, les mains liées, et pour la première fois depuis longtemps, ils laissent le silence parler pour eux. Leurs cœurs, après tant de tourments, ont trouvé un peu de répit. Ils savent que, malgré les épreuves qui se dresseront encore sur leur chemin, l’essentiel est là : leur famille est unie, l’amour est là, et, ce soir, tout va bien.
La soirée animée est terminée. Les rires se sont dissipés dans la nuit, et les invités, fatigués mais soulagés, se retirent peu à peu. La maison est à présent calme, et tout le monde se repose, le cœur serein, en attendant l’aube d’un nouveau jour.
Dans le lit de leur chambre, à l’écart des autres, Mathis et Yohan se retrouvent enfin, loin des regards et des tourments de la soirée. La pièce est baignée d’une douce obscurité, seulement éclairée par la lumière argentée de la lune qui filtre à travers les rideaux. Le calme, après le tumulte, est bien appréciable.
Yohan, allongé derrière Mathis, se rapproche doucement. Il glisse un bras autour de sa taille, son corps se moulant au sien dans une étreinte à la fois douce et protectrice. Il respire profondément, son souffle caressant la nuque de Mathis. Ses lèvres se rapprochent de son oreille, et dans un murmure à peine audible, il lui susurre :
— Tu m’as fait une de ces peurs. J’étais si perdu sans toi. Je me torturais l’esprit en t’imaginant, seul, perdu dans la campagne et dans tes pensées…
Sa voix tremble légèrement, trahissant l’émotion qu’il a contenue toute la fin de cette soirée. Il resserre son étreinte, comme s’il avait peur que Mathis ne disparaisse à nouveau. Mathis ferme les yeux, écoutant ces mots empreints d’amour et de douleur. Un soupir profond échappe à ses lèvres, et il couvre la main de Yohan de la sienne, entrelaçant leurs doigts.
— Je suis désolé, Yohan, murmure-t-il à son tour. Je ne voulais pas te faire de mal, ni te laisser comme ça… mais j’avais tellement honte, tellement peur. Notre amour ainsi exposé, ainsi bafoué. Je me suis senti … c'est dur… sale… si sale ... J’ai cru que… que tu serais mieux sans moi, que je n’avais pas à t'imposer ça, ni à toi, ni à mes parents, ni à Tom...
Yohan se redresse légèrement, ses bras toujours autour de lui, et dépose un baiser doux dans ses cheveux.
— Ne dis jamais ça, plus jamais, chuchote-t-il, sa voix pleine de gravité. Tu es tout pour moi, Mathis. Toi, tes sourires, tes silences, même tes moments de doute… tout ça, c’est toi, et je t’aime, c'est tout, ça ne s'explique pas, c'est … notre vie... Rien d’autre n’a d’importance.
Les mots semblent apaiser Mathis, dont les épaules se relâchent peu à peu. Il se tourne enfin vers Yohan, son regard brillant dans la pénombre, un mélange de gratitude et de tendresse. Il caresse doucement la joue de son compagnon, puis pose son front contre le sien.
— Merci, souffle-t-il. Merci d’être là, d’être toi.
Un silence s’installe, mais ce n’est pas un silence vide ; c’est un silence rempli, rempli d’amour, d’un amour pur, pur et sincère, de cette sincérité qui survit à tout, survivant même aux nuits les plus sombres. Yohan sourit et embrasse Mathis, doucement, avant de le serrer dans ses bras, contre lui. Ensemble, ils se laissent enfin glisser dans le sommeil, leurs cœurs battant à l’unisson, prêts à affronter le lendemain, quoi qu’il apporte.
— Une dernière question avant de nous reposer, murmure Yohan, ses doigts caressant doucement la main de Mathis. Où étais-tu tout ce temps ?
Mathis inspire profondément, cherchant ses mots dans le silence de la nuit.
— J’ai couru, commence-t-il, toujours tout droit, sans réfléchir. Je trébuchais sur des racines, des cailloux, mais à chaque fois, je me relevais et je repartais, comme si fuir pouvait effacer ce que je ressentais. Heureusement, le ciel était clair, et la lune éclairait un peu ma route, mais…
Il marque une pause, ses yeux brillant dans la pénombre.
— Tout à coup, j’ai entendu le cri déchirant de Tom à la sono. Je me suis arrêté net, comme si ses mots avaient traversé la nuit pour me trouver. Ils m’ont apaisé, tu sais ... Ces mots, ceux d’un frère si prévenant, si… vrai.
Il ferme un instant les yeux, ses souvenirs le submergeant.
— Ma peur, celle qui jusque-là me donnait des ailes pour fuir, a changé. Elle s’est transformée en une peur plus sourde, plus terrifiante : celle d’être seul, au milieu de nulle part, loin de vous. Alors, j’ai décidé de rebrousser chemin, mais…
Sa voix se brise légèrement, et Yohan resserre son étreinte, l’encourageant à continuer.
— Je n’étais pas prêt à affronter les regards. Pas encore. Alors je me suis caché, là où mamie Madeleine nous a surpris… au milieu des ballots de paille. J’ai sangloté, pleuré toute la tristesse qui m’étouffait. Et puis, épuisé, je me suis assoupi, peut-être une heure, peut-être plus, je ne sais pas…
Il avale difficilement sa salive, poursuivant avec une émotion palpable.
— Ce sont les pleurs de mes parents qui m’ont réveillé. Ces sanglots déchirants… Je ne pouvais plus les supporter. Ça m’a brisé, Yohan. Alors j’ai couru, cette fois pour les rejoindre, pour les rassurer.
Il tourne son regard vers son compagnon, les yeux emplis d’amour et de gratitude.
— Papa m’a pris dans ses bras. Il m’a dit où vous étiez, toi et Tom. Il m’a pressé de venir vous retrouver, et je n’ai pas hésité une seconde. La suite, tu la connais…
Mathis glisse une main sur la joue de Yohan, son regard plongé dans le sien.
— Je t’aime, conclut-il dans un souffle. Dans tes bras, je me sens tellement bien. Bonne nuit, mon cœur. À demain … reste … comme ça … contre moi.
Yohan dépose un baiser léger sur le front de Mathis, un sourire tendre éclairant son visage.
— Bonne nuit, mon petit fou, murmure-t-il. Je t’aime. Repose-toi dans mes bras, autant que tu le veux…
Dans le silence de leur étreinte, la nuit reprend ses droits, berçant les deux amants qui, pour la première fois depuis des heures, trouvent enfin un semblant de sérénité.
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