Les eaux du bayou étaient toujours troubles. Il ne pouvait en être autrement et Theodosia les aimait ainsi. Cette éternité de vase, de boue, de végétation fournie et de faune dangereuse composait son univers, qu’elle considérait comme la perfection.

Un jour, on l’avait déracinée de sa chère Louisiane pour des vacances à Hawaï. Le sable blanc, le ciel sans nuages, l’eau d’un bleu transparent, scintillante sous les rayons du soleil, l’avaient horrifiée.

Tout était trop… dégagé. Clair. Exposé. Bondé de monde.

C’était pire que de se promener nue. Ce qu’elle ne se gênait d’ailleurs pas de faire dans son cher bayou, cocon chaud et luxuriant. C’était ainsi qu’elle avait également attiré l’attention de celui qui était devenu son mari, s’unissant et consommant leur union parmi les racines et les plans d’eau douce.

Et c’était ainsi que tout s’était terminé entre eux. Une belle histoire et bien des larmes amères, mais elle avait pu compter sur son paradis terrestre. Ce n’était pas à Hawaï qu’elle aurait pu se débarrasser du corps de l’infidèle et de sa maîtresse. Ils auraient tout de suite été retrouvés dans des eaux si claires, sous un soleil si vif. Elle aurait perdu sa liberté en plus de sa dignité par leur faute.

Au moins pouvait-elle toujours parcourir sereinement le bayou, son petit secret bien caché dans ses eaux troubles.