Elle se contentait de marcher. Quelque part, elle n’avait que ça à faire. Elle essayait de se montrer optimiste : dans ce monde frappé par l’apocalypse, il n’y avait pas de zombies, d’aliens ou de rats mutants. Il n’y avait qu’un grand calme : frappé par une soudaine et célère pandémie, le monde avait perdu la quasi totalité de sa population humaine. Et elle avait eu la… chance de survivre. Si on pouvait appeler ça de la chance : jusque-là, elle n’avait croisé personne.

Et si elle était la seule à des kilomètres à la ronde ? Si elle était la dernière survivante du pays… ou du monde ?

Elle essayait de ne pas y penser tandis qu’elle longeait la rue d’un quartier résidentiel. Ça devait être un endroit agréable il y avait encore quelques semaines. Un endroit où elle aurait aimé vivre, fut un temps. C’était moins charmant à présent. Elle devait slalomer entre les voitures et ignorer les passagers en train de s’y décomposer. Le pire était l’odeur.

Elle imaginait la panique qui avait envahi cette rue fleurie, aux maisons couleurs pastel, les résidents voulant fuir l’épidémie. Tous se ruant vers leurs voitures, créant rapidement un bouchon, pour finir par succomber à une maladie que personne n’avait eu le temps de comprendre. La plupart n’avait même pas eu la force de quitter leurs véhicules.

Vivre ici, à présent ? Non. Nulle part. Au mieux, elle s’y installerait pour une nuit, le temps de se reposer et éviter de se blesser. Les problèmes électriques n’avaient pas tardé à arriver et les lampadaires avaient lâché quasiment partout où elle était passée.

D’ailleurs, sans personne pour gérer l’électricité et avec tous ces appareils allumés partout, qui n’ont pas été éteints, qu’allait-il se passer ? Des pannes ou des surcharges ?

Elle se posait vaguement cette question tout en glissant le long du capot d’une superbe Cadillac. Et eut immédiatement une réponse, lorsqu’une maison à quelques mètres explosa.

Sa chance relative lui permit de ne pas être assez près pour se faire carboniser au passage. Assez près, cependant, pour être balayée par le souffle de l’explosion, directement sur le capot qu’elle venait d’escalader. Sa tête cogna le pare-brise qu’elle entendit se fissurer, à moins qu’il ne s’agisse de son crâne. Complètement sonnée, elle resta à plat dos sur la Cadillac. Il lui fallut plusieurs secondes pour émerger, suffisamment pour réaliser qu’elle avait mal partout… et que sa cuisse brûlait.

L’adrénaline lui permit de se redresser malgré ses côtés douloureuses et d’étouffer la flamme qui noircissait son jean et la peau en dessous. Puis de se rouler au sol en sentant sa veste et ses cheveux roussir à leur tour.

Le brasier qui fut une maison quelques secondes auparavant dégageait une chaleur infernale. Elle s’en éloigna plus en rampant qu’autre chose, traînant son sac derrière elle. Soudain, cet endroit nauséabond mais calme lui parut différent. Et si l’incendie se propageait avant qu’elle ne puisse s’éloigner ? Et si d’autres explosions se produisaient ?

Où pouvait-elle s’abriter ? Et était-elle en bon état pour fuir cet endroit ?

Ses mains étaient en sang, elle était couverte d’estafilades et de brûlures, ses côtes, sa tête et sa cheville gauche lui faisaient mal et elle se sentait étourdie. Et si elle s’était fracassé le crâne et n’avait que quelques heures maximum devant elle ?

Chanceuse… La bonne blague. Elle n’avait pas songé à la seconde lame de l’apocalypse. À sa connaissance, les récits ne parlaient pas des victimes collatérales, celles qui échappaient aux morts-vivants, aux extraterrestres et autres monstres pour bêtement se faire avoir par une écharde rouillée ou une chute dans l’escalier.

Ou une explosion qui pouvait être la première d’une longue série.