8 - Imprudent 

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Si Gianluca Di Marco devait incarner un concept ou même un mot, ce serait sans nul doute l’imprudence. Il n’était pas fait pour la réserve ou la raison. Croquer la vie à pleines dents ne suffisait pas à le combler : il préférait la dévorer et s’en abreuver sans jamais se lasser.

Il ne se voyait pas devenir un honnête père de famille ni même vieillir sereinement. Ce n’était pas son destin et il s’était fait à l’idée que les ennuis qui allaient avec son mode de vie seraient ses plus fidèles compagnons.

Le plus plausible serait que tout tournerait au vinaigre à cause des femmes ou plutôt à cause de sa propension à toujours les courtiser. Fuir ou s’excuser face à un rival, un père strict ou un mari jaloux ? Cela ne lui traversait pas l’esprit. C’était pareil avec ses adversaires aux jeux d’argent et avec ses créanciers toujours plus nombreux. Heureusement, il était imprudent et chanceux car jusqu’à aujourd’hui, il s’en était toujours sorti et pouvait se permettre de rire de ses pantalonnades.

Gian était jeune et se croyait donc invincible.

Pour autant, Venise n’était pas si grande et l’étau de ses ennemis toujours plus nombreux se resserrait. L’ironie voulait que cela arrive lorsqu’il ne jeta son dévolu que sur une seule femme… jusqu’à la prochaine, mais elle avait accompli l’exploit d’accaparer momentanément son attention.

Fioralba Zanella faisait partie de ces filles à ne pas avoir de père, de frère ou d’époux pour la revendiquer comme propriété. Le mauvais côté des choses, c’était qu’elle sortait tout juste de l’orphelinat et n’avait personne pour veiller sur elle ou la mettre en garde contre les effrontés frivoles comme Gianluca.

Ce dernier prit toutefois son temps avec elle, et ce fut en grande partie par hésitation : il aimait bien Fioralba. Méritait-elle donc d’être traitée comme toutes les autres qui ne comptaient en rien ? Certes non, pourtant il ne cessa pas son jeu de séduction : il aimait bien Fioralba, après tout. Vraiment.

- Je te vois dans quelques années, toujours aussi belle mais aussi épanouie, lui murmura-t-il une soir au bord du Grand Canal, alors qu’elle était sur le point de succomber.

Et il le pensait.

- Je te vois aussi me donner une fille, aussi jolie que toi.

Cela, le pensait-il ? Pas vraiment, pas même pour Fioralba. Il ne voulait pas la blesser et ne voyait cela que comme un jeu un peu plus risqué mais rien de méchant. Rien ne disait qu’elle rêvait d’un tel avenir où elle porterait ses enfants.

Quoique… S’il devait en arriver à ce genre de vie, il préférerait passer la bague au doigt de Fioralba qu’à n’importe quelle autre demoiselle de la Sérénissime.

Pauvre Fioralba qui, elle, s’y voyait déjà. Elle se laissa donc aller dans les bras du beau parleur.

Pauvre Fioralba, qui croyait aux prémisses d’une belle histoire d’amour tandis que Gianluca l’effeuillait pour couvrir sa peau nue de baisers.

Pauvre Fioralba, qui s’offrit avec des étoiles plein les yeux et des papillons dans un ventre qu’elle imaginait déjà s’arrondir après un joli mariage sans prétention.

Pauvre Fioralba, qui hurla lorsque les ennuis de Gian le rattrapèrent dans l’intimité d’une chambre louée au fin fond d’une obscure allée, le temps de leurs ébats.

Pauvre Gian, qui passa de la jouissance à la stupeur puis au néant d’une simple balle dans la tête qu’il n’eut même pas le temps de voir venir.

En un instant, tout fut terminé, la vie de l’imprudent fut soufflée plus vite que la flamme d’une bougie tandis qu’une autre vie germait en Fioralba.

Tant d’imprudence qui attira son lot de malheur à la jeune femme.

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