Amosia avait particulièrement mal aux épaules, aujourd’hui. C’était une affliction qu’elle se traînait depuis toujours, rien à voir avec le fait qu’elle n’avait plus vingt ans.

Cette sensation de lourdeur qui l’écrasait et lui provoquait ses douleurs était un petit cadeau qui traversait les générations. Vive l’héritage familial.

Elle ne savait pas si elle devait s’en plaindre ou s’estimer heureuse. Au moins n’était-elle pas obligée de vivre près de la mer pour être en pleine santé, comme sa sœur Callie, même si elle aimait y passer ses vacances. Elle n’avait pas non plus une fâcheuse tendance à la kleptomanie couplée à une obsession pour les pommes, comme ses autres frangines, Hellie, Hélanda et Héléonore. Encore moins cette lubie de chasser qui avait valu une fin abrupte à son frère Hyan, qui avait déchiré la fratrie.

Non, elle n’avait pas ce genre de boulet à la cheville héritée de leurs ancêtres. Elle pouvait vivre sa vie comme elle l’entendait. Elle devait juste faire avec cette douloureuse lourdeur aux épaules héritée d’arrière-grand-papi Atlas, depuis que ce dernier s’était débrouillé pour partager sa malédiction à sa famille au lieu d’assumer tout seul.

Pourquoi fallait-il l’aider à porter le poids du monde sur ses épaules pour une faute datant de plusieurs millénaires, alors qu’elle-même n’était pas née ? Elle n’avait rien demandé. Encore moins les moments, de plus en plus nombreux, où l’ancêtre lui transmettait une charge plus lourde, le temps de se reposer prétendait-il.

Hors de question d’aller lui rendre visite au Maghreb pendant ses prochaines vacances. Elle sentait ce vieux filou bien capable de lui refiler toute la voûte céleste sous un prétexte fallacieux et ne plus jamais le reprendre, pour ensuite se payer une seconde jeunesse. Il avait bien tenté de le faire à un certain héros grec, et l’un de ses descendants - Alex - ne cessait de la bassiner avec ça. Nul doute que pépé allait retenter sa chance. Elle n’était qu’une de ses arrière-arrière-arrière-arrière-blablabla-petites-filles parmi tant d’autres. Mieux valait s’en tenir à un petit pèlerinage en Grèce, tout compte fait.

Avec un soupir, Amosia se contenta de se vautrer dans son canapé confortable et de lancer la série Xena pour se changer les idées.