24 - Tapageur
Tsubaki estimait avoir pris de bonnes décisions dans sa vie, toujours réfléchies, ce qui lui avait valu un parcours tranquille et honorable. Quel dommage que le seul choix spontané qu’elle ait fait l’ait menée vers un joyeux chaos.
Quelle idée de louer une maison où régnait un tel tapage, en connaissance de cause ?
- Hashira, cesse de te plaindre, j’aimerais travailler ! s’exclama-t-elle, quittant son ordinateur des yeux pour se tourner vers le pilier central de la maison.
Et cela ne changea rien. Enfin si : Hashira geignit plus fort. Inutile de surenchérir, au risque de réveiller Inugami et subir ses aboiements. Tsubaki se contenta donc de se lever de son bureau, après plusieurs heures à peiner sur son clavier, et d’aller se préparer un thé.
- Je suis de travers ! continua Hashira, inconsolable.
- On avait remarqué ! Tais-toi, bon sang ! s’écria soudainement Kurei, depuis le fond de la maison, alors qu’il s’assurait que tout était tranquille dehors.
Il n’avait que ça à faire : voilà longtemps que des brigands ou des rônins ne rôdaient plus dans les rues obscures, que des guerres éclataient et que des esprits mauvais cherchaient des proies. Les trois énergumènes tapageurs que Tsubaki supportait faisaient partie des derniers à se manifester dans cette époque moderne qu’ils ne comprenaient pas.
Tsubaki avait toujours cru au surnaturel. Durant la visite de la maison, Inugami s’était montré en lui faisant la fête, puis Hashira et Kurei étaient apparus. Tout cela dans le dos de la propriétaire qu’ils dédaignaient. Tsubaki s’était sentie choisie par les esprits et avait accepté de s’installer ici.
Elle avait vite constaté que son quotidien ne serait plus le même. Kurei protégeait la maison et son occupante à outrance, même contre les flaques d’eau au sortir du bain afin qu’elle ne glisse pas. Inu n’avait aucune notion d’espace vital. Quant à Hashira, c’était un pilier qui trahissait son âge et qui ne supportait pas d’être de travers.
Aurait-elle réfléchi à deux fois si elle avait su que plus jamais sa vie ne serait tranquille ?
En son for intérieur, elle dut bien admettre que non. Elle aurait tout de même accepté de loger ici et se serait tout aussi vite attachée à ses tapageurs.
Ce fut donc avec un petit sourire qu’elle sirota son thé et écouta leurs chamailleries d’une oreille distraite.

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