Merit était une grande sœur épatante, Luk l’avait toujours pensé, mais elle prenait un malin plaisir à tout gâcher avec ses fichus oignons.

Elle en mettait partout dans la nourriture, à tel point que la viande et les légumes tenaient plus de l’accompagnement que l’inverse. Ce qu’elle préférait préparer ? La soupe à l’oignon, bien évidemment. C’était peut-être psychologique mais il avait l’impression qu’à peine passé le porche, ses yeux commençaient déjà à piquer.

Et elle n’en avait jamais assez : il fallait qu’elle en pose partout dans la maison. Chaque jour, elle achetait des sacs entiers, découpait des kilos en rondelles sans jamais se fatiguer malgré ses torrents de larmes. Elle avait beau faire ça depuis des années, elle ne s’était jamais habituée au piquant des oignons.

Le bruit du couteau sur la planche à découper rythmait leur quotidien, c’en était devenu normal tout en faisant d’eux des parias. Même si Merit l’y encourageait, jamais Luk n’avait osé inviter des amis chez eux. Il avait honte rien qu’en imaginant leurs nez se froncer et leurs expressions en s’asseyant sur des tranches d’oignon.

C’était difficile à croire, mais Merit n’était pas folle. Seulement prudente à l’extrême et il ne pouvait donc pas lui en vouloir. Aussi étrange que cela pouvait paraître, ils n’avaient pas vraiment le choix.

On sous-estimait beaucoup le pouvoir magique protecteur des oignons.

Luk aurait préféré des pentacles tracés à la craie, des bibelots emplis de pouvoir, des incantations mystérieuses et autres rituels plus mystiques et spectaculaires. La réalité était plus décevante, comme placer des oignons partout dans la propriété à protéger de certaines entités.

Quelque part, c’était plus simple d’acheter des oignons les plus classiques que de se procurer des plumes de phénix, de la bave de libellule ou des grenats bleus à exposer sous les rayons de la nouvelle lune. Il n’y avait qu’à aller à la supérette du coin, et souvent c’était lui qui s’acquittait de cette tâche. C’était la moindre des choses : après tout, elle faisait surtout ça pour lui.

Ce n’était pas tous les jours que votre petit frère était menacé par une divinité ancienne… allergique aux oignons.