28 - Squelettique
Pour Victoire, il était drôle que ses voisins et camarades d’école aient dû jouer aux Sims pour voir une femme de ménage squelettique alors qu’elle en avait une depuis qu’elle était bébé. Un vrai squelette vêtu d’une robe de soubrette qu’on décrivait comme étant « à l’ancienne », sexiste à l’extrême et qui avait plus sa place dans une revue de charme. Sophronia aimait mettre ses os en avant, fière de leur finesse, alors la robe ne la gênait en rien.
Elle était justement en train de vérifier si sa tenue n’avait pas un faux pli et elle attachait ses bracelets de dentelle rehaussée de perles. Une vraie coquette. Les premières années de vie de Victoire avaient été une aubaine pour elle. Sophronia avait adoré s’occuper d’un bébé bien en chair. Il existait un album rempli de photos d’elle dans une multitude de robes à froufrous, pleines de rubans, et de jolies chaussures. Malheureusement pour la soubrette squelette, cela n’avait pas porté ses fruits. Victoire ne jurait plus que par les jeans déchirés, les Converse et les bombardiers, et chaque jour où elle sortait de sa chambre, Sophronia claquait des osselets face à ce spectacle qu’elle trouvait toujours désolant.
Heureusement que Sophronia avait une autre passion : le ménage. D’où son métier. À moins qu’elle n’ait été ensorcelée pour aimer ça, ce qui serait très triste si c’était le cas. Même un squelette avait droit au libre-arbitre. En tout cas, c’était une passion que Victoire ne partageait pas non plus et cela rendait Sophronia dingue. Chaque fois qu’elle trouvait sa chambre en désordre, elle donnait l’impression que si elle avait encore des yeux, ceux-ci jailliraient de leurs orbites. Et aussi surprenant que cela pouvait paraître, elle parvenait à froncer les sourcils pour exprimer son mécontentement.
Et malgré tout ça, elles avaient toujours été inséparables. Victoire était à présent adulte et elle n’avait pu s’éloigner de Sophronia. Lors de son déménagement, elle l’avait embarquée sans demander l’autorisation de ses parents. Et sans les prévenir non plus. Ils n’avaient qu’à jouer aux Sims si elle leur manquait.
La liberté, l’indépendance, la magie et une compagnie squelettique. Que demander de mieux ?

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