Chapitre 1 : Journal du docteur GritFürkis

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Journal du docteur GritFürkis, psychiatre en chef de l'hôpital de l'esprit libre

6 Juin 2010 :

Le patient numéro 276 vient d'être interné, ce dernier s'étant présenté à nous volontairement, prétendant être dangereux pour lui-même et pour les autres. L'individu semble en proie à un tourment irrationnel, il est évidemment beaucoup trop tôt pour établir un quelconque diagnostic, toutefois certains troubles émergent déjà : alors que le patient semble tout devoir rationaliser de façon obsessionnelle, ce dernier se représente comme étant une forme de monstruosité de l'esprit, il dit lui-même que le refoulement est une seconde nature, toutefois il est trop tôt pour poser des aborder le pourquoi du comment. Aborder des questions afférant à des évènements traumatiques serait prétentieux tant qu'un rapport de confiance ne sera pas installé, chose que les médicaments devraient aider à assurer.

8 Juin 2010

Alors qu'à notre première séance, le patient présentait un flegme presque militaire, la subite collocation avec les autres patients de l'institution de l'Esprit libre semblait particulièrement l'affecter. Certes, cette personne refoule ses émotions mais son langage corporel le trahit, tremblements au niveau des jambes, d'infimes tics de mains, une voix légèrement dissonante. Il me faudra du temps pour le percer à jour, pour qu'il s'ouvre à moi. Cela ne sera pas facile, mais c'est pour son bien. Apparemment ses mauvaises habitudes lui manquent... mais nous tiendrons ses vices loin de lui.

12 Juillet 2010

Le patient est entré dans une phase de mutisme inquiétante, son regard parait figé dans une expression de détresse profonde. Voilà une semaine qu'il n'a rien dit, il mange à peine, certains l'entendent parler seul pendant les heures de permanence. Les sessions de groupe n'ont jamais été son fort, nous avons décidé de l'en retirer et d'augmenter la fréquence de nos rendez-vous, il finira bien par se livrer...

17 Septembre 2010

Son mutisme s'est enfin interrompu, enfin ! Uniquement pour laisser place à une fureur rarement constatée chez un patient, il nous fallut quatre infirmiers pour le maîtriser. Il me contemplait par le passé avec un regard empreint de détresse, c'est désormais avec rage qu'il me dévisage. Il est persuadé que je suis son ennemi, mais tout ce que je fais est pourtant pour son bien.

4 janvier 2011

Augmenter les doses de médicaments aura fini par venir à bout de sa colère, nous réduirons progressivement le dosage jusqu'à ce qu'il puisse nous parler calmement. Cette épée de Damoclès est en général assez rapidement intériorisée par tous les patients.

20 février 2011

Le patient s'est présenté à notre séance terrorisé, il semble qu'après maintes et maints essais, une thérapie ait montré quelques résultats. L'approche de l'hypnose a su aller au-delà de sa tristesse, au-delà de sa colère pour nous révéler du ressenti brut. Ce ressenti c'est exprimé au travers d'une misanthropie que 276 a qualifié de « latente et inhérente à la condition humaine. ». « Je suis ce que j'abhorre, ma haine pour l'humanité ne se tarira jamais, j'ai toutes les raisons rationnelles de mépriser tout le monde, moi-même y compris. » Au-delà de sa colère, au travers de ses dires, l'on pourrait presque voir planer le spectre de la culpabilité dévorer son être. J'ai beau lui avoir posé maintes et maintes questions, à ce sujet, le patient s'est à nouveau tu.

13 avril 2011

Une fois n'est pas coutume, le patient est revenu spontanément vers moi, effrayé. Ses délires s'accentuent, cela veut dire que nous sommes dans la bonne voie. Plus nous encourageons ses délires, plus il deviendra lisible et plus nous parviendrons à trouver une thérapie efficace.

Il nous faut poursuivre dans cette voie, s'il n'est pas en mesure de nous livrer consciemment ses introspections, nous lui forcerons la main au travers de l'hypnose. Etudier ses délires permettront de remonter à la source du problème, nous les déconstruirons et apprendrons ce que nous aurons à apprendre d'eux.

Nous devons le fragiliser le plus possible, le rendre vulnérable pour qu'il n'ait plus d'autres choix que d'accepter véritablement notre aide. Deux scénarios possibles se présenteront à nous :

Ou nous aurons franchi un point de non-retour et alors sa raison sera indissociable de ses délires et nous l'aurons perdu.

Ou la thérapie marchera et il pourra aller mieux. Je n'ai pas l'habitude de raisonner ainsi, toutefois un cas exceptionnel appelle à des méthodes exceptionnelles, j'ai beau le déplorer mais pour le sauver il va falloir prendre le risque de le perdre, de le voir sombrer dans la folie.

10 décembre 2011

Nous sommes arrivés à un point de non-retour, le patient ne me parlera plus que sous hypnose, mes rapports ne seront désormais que la retranscription exacte de ce que le patient formulera dans cet état second.

Je ne perds pas espoir, cela nous apprendra au fur et à mesure tout ce que l'on a besoin de savoir.

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