Avant-propos

4 minutes de lecture

Avant de démarrer toute étude approfondie sur la figure de Sarah Bagley, il apparaît essentiel d’expliciter le contexte général de cette période singulière.

Cette fois, nous nous envolons aux États-Unis, les prémices du syndicalisme ouvrier s'emparent alors du début du XIXe siècle, même si cela demeure un mouvement qui ne prendra véritablement son essor qu'à la fin de ce même siècle.

Il serait intéressant d'aborder le contexte dans lequel vont graviter les luttes entreprises par une autre illustre inconnue, en la personne de Sarah Bagley.

La révolution industrielle bat alors son plein aux États-Unis, faisant varier les conditions de travail des ouvriers, au gré des exigences de rentabilité.

Un changement notable se profile au niveau de la main d'œuvre au sein des entreprises, et cela, aux États-Unis, comme dans le monde occidental et capitaliste.

Les femmes travaillent désormais en tant qu'ouvrières ! En raison notamment de la croissance des filatures de coton en Nouvelle-Angleterre. Est-ce le signe d'un patronat plus inclusif et d'une société s'ouvrant davantage à la considération de ces dernières ?

Laissons Sarah Bagley s'exprimer à ce sujet : « Quelqu'un, est-il assez fou pour supposer que sur six mille filles à, soixante seraient là si elles pouvaient l'aider ? Chaque fois que je soulève le fait qu'il est immoral de nous enfermer dans une pièce douze heures par jour dans le travail le plus monotone et le plus fastidieux, on me dit que nous sommes venus aux moulins volontairement et que nous pouvons partir quand nous le voudrons. Volontairement ! … Le fouet qui nous amène à Lowell est la nécessité. Nous devons avoir de l'argent ; les dettes d'un père doivent être payées, une mère âgée doit être soutenue, l'ambition d'un frère d'être aidée et ainsi les usines sont approvisionnées. Est-ce agir avec libre-arbitre ? Est-ce que c'est la liberté ? Pour moi, c'est de l'esclavage ».

Afin de reprendre le proverbe, la nécessité faisait loi.

Cet aphorisme prend son origine du latin : « Necessitas non ». Ironiquement, au regard de notre sujet, celui-ci symbolisait davantage un avertissement aux gens de bien de ne pas laisser dans la nécessité les malheureux, afin de ne pas les amener du désespoir aux pires actes. In fine, qui sont les gens de bien ? Ceux qui ont les moyens de ne pas être les malheureux, faut-il seulement se demander, comment ils se sont justement appropriés ces moyens et de quelles manières...

En effet, le patronat bénéficiait d'une législation quasi inexistante en matière de droit du travail. Cela se mêlait à cette aspiration à l'intensification du labeur, dont l'exploitation des jeunes femmes rurales des fermes semblait une forme d'Eldorado, afin d'imposer un rythme toujours plus effréné. Sans doute, quelques-uns furent enclins à d'autres traitements des ouvrières, de courte durée, au regard de la nécessité de la compétitivité et la maximisation des profits.

Une semaine de travail moyenne de plus de soixante-treize heures, un salaire hebdomadaire réel moyen de 2 $ à 3 $, sans compter 1,25 $ retiré chaque semaine pour l'entretien des pensionnats, le surpeuplement des moulins et des pensions..., etc. Tant de considérations patronales du sort de ces ouvrières.

L'année 1837 déclenche ceux qu'on nommera les « temps difficiles », qui frapperont durement toute la classe ouvrière. Se succéderont alors le chômage d'un tiers de la population active en 1838, ou bien un maigre emploi partiel, la chute de près de trente à cinquante pour-cent en dessous de la moyenne des salaires, la misère sera indissociable de ce qu'était déjà l'existence douloureuse de la classe ouvrière.

À noter que cette misère ne touchera que peu les gains annuels réels des industries, tout aussi élevés au cœur des années 1840 qu'en 1834.

Le signe tant attendu d'une reprise économique surgit quelques années plus tard, dès 1842. La classe ouvrière peut de nouveau rêver à des conditions de travail bien plus décentes, ainsi que de tout simplement être en capacité de survivre.

Toutefois, la reprise économique a été accompagnée par celle qui sera bien moins tendre, c'est l'expansion, accélérée par la forte industrialisation du nord-ouest des États-Unis. La terrible récession a cédé le pas à l'implacable croissante économique, face à une classe ouvrière soumise aux affres des exigences de profit. Les salaires augmentent un moment, et s'évaporent l'instant d'après.

En dépit de ces « fabuleuses années 40 », la classe ouvrière ne compte pas se suffire de ces miettes balancées devant eux, tandis qu'au même moment le fruit de leur labeur sert à enrichir inexorablement ceux qui se complaisent de leur mépris social.

Les ouvrières de Lowell, siège de la première usine moderne du pays au Massachusetts, amorceront la voie en se confrontant aux réductions de salaire en février 1934. La « Factory Girls' Association », allant jusqu'à 2 500 membres, est née de cette mobilisation, marquées par le fait que des femmes s'organisent pour faire valoir leurs intérêts. Les hommes du Syndicat national des métiers, alors en session à Philadelphie, expriment leur soutien à l'aide de plusieurs résolutions aux actions des ouvrières.

La finalité de cette Histoire ne sera guère aussi flamboyante que son commencement. Une grande partie de ces femmes n'a obtenu que la malédiction de plus jamais retrouver de travail, placées sur des listes noires.

Une nouvelle tentative infructueuse émergera en octobre 1836, reflet de la véritable réflexion de femmes en tant que membres de fait de la classe ouvrière et en tant que femmes.

Larcom Lucy, Robinson Harriet Jane Hanson et Turner Elizabeth Emerson furent entre autres l'une d'elles.

Sarah Bagley a su reprendre le flambeau des luttes de cette classe ouvrière, des luttes de ces ouvrières qui récuseront la docilité exigée !

Annotations

Vous aimez lire Antoine T. R. ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0