« Une si jolie banlieue »

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L'illustre auteuresse Muriel Tlali sera une des voix des tourments rencontrés par les personnes racisées. Elle devra dire adieu à des études universitaires, en raison du supplice de sa condition assignée à sa naissance de femme noire, et de difficultés économiques.

Au sein de cet extrait de sa nouvelle « Une si jolie banlieue », elle dépeint comment M. Stein dans tout son mépris aux relents racistes, reflet de la suffisance de ses privilèges, a pu reprendre une bonne, l'occasion de constater ce que représentait le marché du travail au temps de l'Apartheid :

« MADAME STEIN était inquiète et fatiguée. Elle n’avait plus de bonne. Celle qui travaillait chez elle depuis longtemps s’était fait arrêter, faute d’avoir un permis de travail valable pour Johannesburg. Elle s’était fait expulser : son pass n’avait de valeur que pour le secteur de Rustenburg et, comme tant d’autres, on l’avait reconduite manu militari chez elle.

Il y avait des centaines et des centaines de domestiques sur le marché ; mais la plupart des serviteurs qui acceptaient de travailler dans les faubourgs moins riches venaient des cantons ruraux du Transvaal et des autres provinces ; pour la plupart, ils n’étaient pas nés en zone urbaine et n’y avaient pas le droit de résider. On pouvait toujours employer les soi-disant « illégaux », au risque de se voir infliger une lourde amende en cas de contrôle.

« Je pourrais toujours demander de revenir à la fille que j’avais auparavant, dit Mme Stein. Elle habite Johannesburg et elle a un permis. Mais elle était tellement insolente et désagréable ! Malgré tout, question propreté et ménage, c’est la meilleure bonne que j’aie jamais eue ? » "Oh ! Je suis si fatiguée ! reprit-elle. Mon mari me plaint tellement d’avoir à faire tout mon ménage pendant mon week-end ! Je n’ai même pas le temps de souffler. Il m’a d’ailleurs conseillé d’écrire à cette impertinente pour lui demander de revenir travailler chez nous."

Mme Kuhn déclara, d’un ton sans appel :

« Jamais je ne reprendrais une fille que j’ai renvoyée. Elle se croirait indispensable. » Au même moment, une Noire entra payer son dû. Mme Kuhn prit son carnet de reçus et vérifia :

« Je m’aperçois que tu n’as rien payé depuis trois mois. Pourquoi ?

• Je n’avais pas d’argent. Je n’avais pas de travail. J’en cherche. » Mme Stein leva aussitôt les yeux. Elle demanda à la cliente :

« Tu peux venir à domicile pour la journée seulement ?

• Oui, Ma’me », répondit-elle ; et son visage s’éclaira. »

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