Il fut un temps, j’étais seule, j’avais froid et j’allais mourir.

Mon clan avançait et je n’avais plus la force de suivre. Il faut dire que je faisais partie des plus anciennes et c’était mon tour, comme les autres avant moi qui n’avaient pu continuer la route. Tout de même, il me semble que j’aurais pu tenir quelques temps si je n’avais pas encore eu un bébé.

J’ai vu de nombreux étés passer et revenir. Ma vie se résume aisément de la façon suivante.

Je suis née, j’ai appris l’art de la cueillette et quelques gestes de chasse. J’ai surtout appris à courir et à me cacher, à avoir peur lorsque le noir tombe sur nous et que les prédateurs rôdent. Puis j’ai eu des enfants, qui feront à leur tour grandir le clan. J’ai choisi parmi les hommes les plus forts, pour avoir des enfants robustes, qui ne meurent pas dès les premiers mois. J’en ai presque autant que les doigts de ma main. Mais la dernière m’a dévoré le corps et je ne peux plus me relever malgré les plantes absorbées.

C’est un mauvais signe, la terre ne doit pas être bonne. Le clan a décidé de quitter l’endroit plus vite que prévu. Mais pour moi c’est terminé. Je n’ai pas la force de tenir sur mes jambes.

L’une d’entre nous m’a aidée à monter dans un arbre pour que je ne me fasse pas dévorer tout de suite, me laissant même des herbes et un peu de nourriture, au cas où je réussirais à survivre. Mais il vaut mieux mourir. Ma place n’existe plus dans le clan alors même si je survis, je devrais continuer seule.

Je les regarde partir. Mon clan, ma vie, tout me tourne le dos avec eux. Puis je ferme les yeux.

Un léger goût de sang dans ma bouche m’écœure. J’aurais aimé boire un peu d’eau mais la rivière est trop loin… Je garde sagement les yeux clos, je vais dormir.

Pour ne plus me réveiller.