Chapitre 8 : Même joueur joue encore…

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Le monde m’appartient. J’aime penser cela. J’ai 14 ans et le monde m’appartient

Si mon appareil dentaire me met mal à l’aise, je sais que mon corps est un peu joli. Après tout j’ai un peu de poitrine et je ne suis pas trop grosse.

Pour mes seins, ma mère a acheté un soutien-gorge qui les fait paraître plus gros. Elle dit que je dois attendre, qu’ils vont grossir. Au pire, je me ferais opérer.

Elle ne voulait pas trop mais elle a fini par m’acheter des strings aussi. Elle ne peut pas comprendre. En cours, je faisais partie des seules à porter encore des culottes. C’était la honte. Déjà que j’étais encore vierge en début d’année.

Ça ne pouvait pas continuer comme ça. À mon âge, je sais déjà ce que je veux. Mais c’est normal, les femmes sont matures très tôt.

Je sais déjà ce que je veux faire plus tard. Psychologue. J’aiderais les jeunes femmes qui ne se sentent pas bien dans leur corps à avoir confiance en elle. C’est une prof qui m’y a fait penser. Elle veut nous faire étudier l’évolution de la femme dans le temps pour que l’on prenne conscience de qui nous sommes et de la liberté à laquelle nous avons droit aujourd’hui. « Un droit gagné durement» affirme-t-elle.

Bon en réalité, elles ont gueulé un peu, ont manifesté et ça c’est fait. Elles n’avaient qu’à le faire plus tôt. Je suis en cours là justement et toutes ces histoires me font penser à la mienne. Je suis une jeune femme libre moi aussi. Libre d’aimer et de faire l’amour…

D’ailleurs, je peux bien le dire, j’ai couché, j’avais encore 13 ans. C’est peut-être tôt mais au moins c’est fait. Plusieurs fois même ! Il s’appelle Florian. Il a 17 ans et il est clairement trop beau. Il est blond aux yeux bleus. J’adore ses yeux, j’aime quand il me regarde. Il m’appelle tous les soirs. Il a un petit air d’un chanteur du groupe… Comment il s’appelle déjà ?

OUAïlïE !

Une violente douleur me transperce le corps et je n’ai pût m’empêcher de crier, interrompant le cours. La prof me regarde en colère.

Je me tiens le ventre et m’excuse, la douleur est passée. Le cours reprend, je tache de me concentrer pour ne pas me faire remarquer. Mais quinze minutes plus tard, une nouvelle douleur me vrille le cerveau.

Je me lève chancelante en demandant à sortir.

Elle me regarde sévèrement mais mon visage doit être convainquant puisqu’elle demande à ce que je sois accompagnée.

Au secrétariat, nous demandons la clef de l’infirmerie. La secrétaire m’accompagne et tandis que nous parlons, je sens un liquide couler brutalement d’entre mes cuisses. Le regard de mon amie et de la secrétaire descendent immédiatement vers le sol tandis que je fonds en larme.

Je me suis fait pipi dessus. Je n’ai jamais eu aussi honte de ma vie.

Ma copine est renvoyée en cours rapidement et je suis allongée. La secrétaire courre prendre le téléphone puis revient à côté de moi. Je ne comprends pas sa panique. J’ai besoin de me laver et de me changer mais elle m’interdit de bouger tant qu’elle n’a pas fini sa conversation.

Je patiente tranquillement, la douleur est passée. J’écoute. Elle a appelé les pompiers. Quelle drôle d’idée. Un Dafalgan suffirait… Et une douche putain.

- J’ai une jeune qui vient de perdre les eaux. J’ai besoin d’une ambulance…

J’ai perdu les os ? Qu’est-ce qu’elle raconte ?

- Je lui demande, ne quittez pas… Tu es enceinte de combien de mois ? L’accouchement était prévu quand ?

- Hein ? Mais je ne suis pas enceinte.

Elle me fait rire et déclenche aussitôt une nouvelle douleur. Un cri m’échappe. Je ne sais pas ce qu’il se passe dans mon ventre mais si j’étais enceinte je le saurais.

- Tu as eu tes règles quand ?

Je réfléchis et je ne me souviens pas. Ça fait plusieurs mois…

Les pompiers arrivent rapidement. Je ne comprends pas. J’ai bien un peu grossi des seins mais au niveau du vente, en dehors d’un petit ballonnement… Maman m’a donné des médicaments pour limiter mais rien à voir avec un bébé.

Les pompiers m’auscultent et m’emmènent. Ils disent que mes douleurs sont des contractions. Je vais accoucher. Et ils disent que c’est sûrement trop tôt. Les médicaments que je prends régulièrement ont probablement déclenché tout cela.

Je suis vite déchargée et transférée en salle d’accouchement. Deux femmes m’entourent et me rassurent au mieux. Mes parents ont été appelés.

Ma mère va me tuer quand elle va savoir que je suis enceinte. Elle va être furieuse. J’espère que je ne vais pas être trop punie.

Je fais ce qu’on me dit de faire, je pousse quand on me dit de pousser et j’arrête lorsqu’on me le dit. Mais quelque-chose ne va pas. Deux autres personnes sont appelées. La dame qui me parle depuis le début me dit en préparant un masque que l’on va m’endormir. Le bébé ne va pas bien du tout et on va être obligé de m’opérer. Ils vont m’ouvrir le ventre ? C’est la dernière chose à laquelle je pense. Je m’endors tellement vite. J’ai l’impression toutefois de rêver et de les voir travailler au-dessus de mon corps. Et moi je vole au-dessus, comme une petite fumée blanche.

Ils s’affairent en tous sens. Il y a beaucoup de sang qui s’écoule de moi. Je vois une forme inanimée sortir de moi. C’est le bébé. Ils ne cherchent même pas à l’examiner. Il est mis de côté sans une seconde d’hésitation, dans une bassine.

Mon bébé est mort je crois. Ça me rend un peu triste, surtout de le voir dans une bassine, comme un déchet. Je ne pourrais jamais lui donner de biberons, ni l’habiller de jolies robes. Mais peut-être que c’était un garçon. Je pensais qu’ils se calmeraient, l’opération me semble finie.

Pourtant je vois mes bras de fumée disparaître, je deviens de plus en plus invisible. Je suis sûrement en train de me réveiller. Je me demande si je me souviendrais de tout ça. Mon corps disparaît peu à peu. Comme ma pensée.

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