Chapitre 10 : "Ô Vieillesse ennemie"

3 minutes de lecture

« Aujourd’hui, je fête mes 32 ans.

Je me sens pleinement heureuse quoique je n’ai pas d’enfant. Au quotidien, je vois mes amis courir en tous sens pour subvenir aux besoins de leur progéniture. Dieu merci, je n’ai pas à supporter cela. Lorsque je cours en tous sens, c’est que je suis dans les magasins en mode « shopping ». Peut-être qu’un jour, je regretterais ce choix égoïste, mais pour le moment, je trouve que c’est la meilleure décision qu’un être humain raisonnant un minimum puisse prendre.

Bien sûr, je n’ai pas envie de partager mon temps, et je tiens trop à mon bien-être pour tout foutre en l’air avec un (ou plusieurs) gosses mais regardons les choses en face.

Surpopulation mondiale, guerres sanglantes, violences sur les enfants, éducation à l’abandon… L’être humain ne sait plus se gérer donc pourquoi continuer à se reproduire ? En plus, nous pourrissons la planète. Je ne suis pas prête à arrêter de manger de la viande, ni à laisser ma voiture au garage, prendre des douches tous les jours est un bonheur au quotidien… Bref, je suis une pourriture pour la planète alors si je ne vais pas changer, je peux au moins ne pas me reproduire.

Niveau chiffre, de toute façon, mon frère et ma sœur m’ont pris mon quota. Chacun de ces demis avec lesquels je partage quelques séquences d’ADN ont fait trois mômes. 4 partenaires, 6 enfants, m’interdisant par la même la possibilité d’en faire un et prenant de plus sur le droit d’une autre personne inconnue.

Ça me dépasse, un enfant ok mais pourquoi plus ? Pfff stupide. Ils ont pondu juste avant les nouvelles lois sur la procréation. De toute façon, en tant que dernière et donc 3ème, je suis déjà en trop et mon existence est un surplus de l’humanité polluante.

Toutefois, nous ne partageons pas la même mère donc au final, nous sommes 3 pour 3 parents… Le compte juste pour maintenir les données mondiales au même chiffre. On ne fait pas empirer bien que nous n’améliorons rien.

Tout de même, plusieurs enfants… Je trouve ça extrêmement égoïste ces comportements, avec tous les moyens de contraception existants, je pense qu’ils auraient dû être punis d’une façon ou d’une autre depuis si longtemps. Enfin aujourd’hui, c’est le cas. Je ne suis pas pour la peine de mort mais à partir du moment où tu donnes une vie qui ne t’appartient pas, il serait juste que ce soit ta vie que tu cèdes… Oui, sans nul doute, ça se serait juste. Politiquement parlant, je pense qu’on y viendra. Les mesures prises pour les récidivistes sont de plus en plus dures. En ce moment les programmes présidentiels parlent de castration automatique, pris en charge par la sécurité sociale naturellement.

En amour, j’ai aimé quelques hommes, et j’ai l’intention d’en aimer d’autres. Peut-être qu’un jour, j’aimerais suffisamment pour vouloir vivre longtemps avec quelqu’un. Mais ce n’est pas ma préoccupation.

Ma préoccupation, mon unique but est la musique. En ce moment, je vis avec un musicien, mon esprit se liquéfie dès qu’il joue et tout finit le plus souvent dans le froissement des draps. Et ça, je ferais tout pour que ça dure.

Alors ? Dis-moi, est-ce qu’on a réussi ?

Je ne sais pas où nous en sommes et pourquoi tu lis ça mais pense à nous, à notre liberté et notre joie de vivre. Souris-tu toujours chaque jour ? Ris-tu toujours autant aux éclats ? J’espère ! Bisous.

Moi. »

Maintenant, à presque 91 ans, je suis dans mon lit de vieille dame et je plie la lettre que je viens de relire. Je pose ma loupe et la lettre que je me suis écrite il y a bien longtemps. Ça me fait sourire à chaque fois. C’est vrai que les lois ont durci. Mon aide à domicile s’est faite ligaturer les trompes la semaine dernière, après avoir eu l’enfant unique autorisé. Les lois tentent d’équilibrer les naissances, les budgets, la consommation ; ce qui entraîne fatalement des soucis politiques qui m’intéressaient autrefois mais aujourd’hui… Bah, ça m’importe peu tout ça. Que la jeunesse se débrouille.

Moi, je regarde une série de ma jeunesse que mon aide à domicile m’a mise. Je ne vois plus très bien, je n’entends plus très nettement mais qu’importe, je distingue suffisamment pour rire encore et être émue. Mes yeux se mettent à pleurer, je ne sais si c’est parce que j’ai ri trop fort. Je sens mon corps s’alourdir. Mon esprit est partagé entre cet étrange sentiment et les personnages que j’ai connu toute ma vie.

En un souffle, tout est fini.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 3 versions.

Vous aimez lire Charlie Jdan ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0