1

5 minutes de lecture

« Corbin est mort. La Brume est passée sur son campement durant son sommeil. Il n’a rien pu faire…

Pourtant assis près du foyer brûlant, Anton frissonna. Cela aurait pu être lui. Dans son dos, une moussue donna un virulent coup de coude à celui qui venait de prononcer cette phrase. Son geste était accompagné d’un signe de tête dans la direction d’Anton. Son camarade se reprit.

– Bien sûr, ça aurait pu être pire. Il dormait. Il n’a rien sentit, pour sûr.

Cette fois-ci une claque résonna dans toute la pièce.

– Ne l’écoute pas Anton, il ne sait pas de quoi il parle ce couard. Il a quitté tous ses lieux de surveillance avec trois jours d’avance sur l’horaire de prescription.

Le moussu protesta en se frottant l’arrière du crâne.

– C'est normal que personnes ne pas reste plus longtemps. Ça peut vous tuer des erreurs pareil.

– Bouclez là tous les deux ! Vous n’aidez pas le gamin. Et vous me faites mal au crâne.

Le cueilleur était intervenu depuis son fauteuil, sans quitter son livre des yeux. Son soutien fut suivi d’un lourd silence durant lequel les deux importuns fixèrent le "gamin" en question. Anton se leva de son siège, quittant la source de chaleur devenue insuffisante.

– Merci pour ton intervention Major. Je vais me retirer.

Sur ses mots, il se précipita dans le couloir. Il parcouru quelques mètres et atteignit sa chambre. Le battant se referma sur lui d’un claquement sec. L’obscurité l’engloutit. Il regretta le feu de la salle commune. Ses épaules tremblèrent : il était de nouveau dans la tente. La Brume s’infiltrait sous les pans. Le froid le saisissait. Il perdait connaissance.

Les mains secouées de spasmes, il ouvrit un tiroir de son bureau et saisit une boîte d’allumettes. Il s’y prit à deux fois pour en embraser une et alluma sa bougie. La flamme dansa paisiblement. Son cœur se calma. Grise-Mine avait été sa flamme. Sans elle, il y serait resté. Elle l’avait tiré au pied de la rivière qui longeait leur campement et avait plongé. Le courant les a emporté loin de la Brume. Ils ont évité la noyade par chance et se sont réveillé sur la terre ferme, trempés jusqu’aux os. Le retour à Célian fut pénible.

Anton secoua la tête pour chasser ses souvenirs. Il s’empara d’un pyjama, d’un savon solide, d’une serviette et sortis de sa chambre. Dans le couloir, il ne percevait que le son de ses pas. Peu de chercheurs-cueilleurs étaient de retour. L’arrivée de la majorité d’entre eux était prévue dans les prochains jours. Les douches communes étaient donc vides, chose dont il décida de profiter.

L’eau brûlante coula sur son corps, rougissant sa peau. Tout comme le feu de la salle commune, elle ne suffisait pas à faire disparaître l’illusion qu’il gelait de l’intérieur. Elle ne le quittait plus depuis l’accident. De la vapeur s'éleva. Elle lui rappela la Brume. Il coupa brusquement le robinet.

Lorsqu’il sortit, un miroirs lui renvoya le reflet de son visage, cerné par les nombreuses insomnies dont il souffrait. Son teint cireux couvrait l’habituelle couleur perle de sa peau et ses longs cheveux noirs en bataille lui rappela une serpillière humide. Il entrepris de les démêler.

Lorsqu’il eu terminé, il repris la direction de sa chambre.

Alors qu’il longeait les portes closes, une voix l’interpella.

– Anton !

Le cueilleur se retourna. Le couloir était vide. D’où provenait l'appel ? Il remarqua alors que toutes les portes n’étaient pas fermées. Il s’approcha de la seule entrouverte et poussa un peu plus le battant.

– Entre ! Entre et ne fait pas attention au désordre.

Il ne pouvait pourtant ignorer celui-ci. Au sol, les sacs vomissaient leurs contenus. Des vêtements, des fioles vides, des sacs de jutes et des compas trônaient dans l’armoire sans réel organisation. Au fond de la pièce, un jeune moussu était penché sur une feuille, ses bicycles posées de travers sur son nez. Comment faisait-il pour travailler ? La table semblait sur le point de céder sous le poids des livres et des piles de paperasses qui l’encombrait.

Ne sachant pas où mettre les pieds sans risquer de trébucher, Anton resta sur le seuil, les bras chargés de ses serviettes humides.

Il attendit patiemment que le garçon eu fini d’écrire. Le frottement frénétique de la plume sur le papier était le seul son audible. Enfin, après ce qui lui sembla une éternité - il avait eu le temps de compter le nombre de plumes dépassant d’un oreiller éventré - le cueilleur leva sa plume, s’étira et se tourna vers son interlocuteur.

– Moi c’est Janus, je suis arrivé peu avant la début de la mission. Je ne sais pas si tu te rappels ?

Anton garda le silence. Honnêtement, il ne se souvenait pas des visages des nouveaux arrivants. Il avait déjà beaucoup de mal à retenir ceux des anciens. Heureusement pour lui, Janus ne sembla pas se formaliser de son oublie.

– Pour me former, on m’a chargé de faire les inventaires des arrivants. Je viens juste de terminer celui de Major mais je me suis rendu compte qu’il me manquait le tien. Penses-tu pouvoir me le donner d’ici demain ?

Anton hocha machinalement de la tête. Il avait horreur de la paperasse mais, cette fois-ci, son inventaire serait simple à faire. Tout, ou presque, était resté sur son dernier lieu de camp.

– Super ! Comprends, je souhaite rester organiser avant le retour de tous les autres.

– Je ne pense pas que “organisé” soit le terme approprié, observa Anton à la vue de la pièce.

– Peut être pourras-tu l’aider dans son travail demain.

Il sursauta et se retourna d’un bloc. Major se tenait dans le couloir et semblait avoir assisté à la scène. Anton sentit son visage chauffer.

– Après tout, poursuivit son supérieur, tout le monde passe par là durant la formation, un peu d’aide n’est jamais de trop.

Janus ne cacha pas son soulagement.

– Ouf ! J’étais tellement inquiet de devoir me charger de tout ce travail tout seul pour la première fois !

Major administra une tape amicale dans le dos d’Anton.

– Allez mon garçon, je pense que cela te fera du bien de reprendre des activités plus calmes.

Anton n’était pas certain de l’utilité thérapeutique du tri de document mais ne le contredit pas. Major était le responsable de la branche des cueilleurs du Nord et Anton était sous son commandement. Il accepta donc la besogne, à contre cœur. Il fut entendu qu’ils se retrouveraient le lendemain en début d’après midi pour aider Janus. Soulevant le besoin qu’il avait d’aller se coucher, Anton se retirera. Avant qu’il n’ai complètement tourner les talons, son chef l’interpella.

– Demain matin, nous avons rendez-vous avec l’empereur pour rendre notre rapport. Dans sa missive, il stipulait vouloir te parler sans la présence des cueilleurs du Nord. C’est inhabituel mais je resterais à tes côtés.

Anton le remercia d’un signe de tête. Pour rassurer son supérieur, il se força à sourire.

– Je serais prêt.

Il retrouva sa chambre et se débarrassa de son bagage humide en l’étendant sur la seule chaise de la pièce. S’approchant de son bureau, il ouvrit un tiroir et en sortit un vieux carnet à dessin. Tous étaient des plus abominables au possible. Il n’avait pas le coup de crayon nécessaire pour faire des œuvres d’art et il s’en fichait. Faire courir la mine de papier sur la page blanche, tracer des lignes irrégulières pour faire apparaître sur les feuilles immaculées les images qui lui emplissait l’esprit, l’aidait à faire le vide. Ainsi il tenta d’oublier ses responsabilités du lendemain.

Annotations

Versions

Ce chapitre compte 2 versions.

Vous aimez lire Hélène Miribillieux ?

Commentez et annotez ses textes en vous inscrivant à l'Atelier des auteurs !
Sur l'Atelier des auteurs, un auteur n'est jamais seul : vous pouvez suivre ses avancées, soutenir ses efforts et l'aider à progresser.

Inscription

En rejoignant l'Atelier des auteurs, vous acceptez nos Conditions Générales d'Utilisation.

Déjà membre de l'Atelier des auteurs ? Connexion

Inscrivez-vous pour profiter pleinement de l'Atelier des auteurs !
0