Partie 19
Le feu me dévore.
D’abord, ce n’est qu’une sensation diffuse, une chaleur lointaine. Presque inoffensive. Comme la lourdeur d’un après-midi d’été. Mais très vite, elle devient suffocante. Elle gonfle, s’insinue sous ma peau, dans mes poumons, dans mes paupières. Elle est partout. Je veux respirer, mais j’en suis incapable. L’air est devenu trop épais, chargé de suie et de cendres. Mon souffle se fait coup de couteau.
Je suis allongée sur le sol. Du bois, je crois. Mais il est trop chaud, me cuit la peau. Mes bras tremblent, mes jambes ne répondent plus. Ma tête tourne. Autour de moi, le monde craque, hurle, fond. Les murs s’effritent, le plafond se décroche, tombant en gerbes incandescentes. Des braises s’écrasent sur mes vêtements, sur mes mains. Je ne les sens même plus. La douleur est devenue floue. Comme le reste.
Il y a des voix. Lointaines, étouffées. Elles appellent. Quelqu’un crie mon prénom.
- Alexia !
Je veux répondre. Je veux dire que je suis là. Que je suis vivante. Mais je n’ai plus de voix. Ma bouche est sèche. Mes lèvres sont collées. Un goût métallique m’envahit, entre le sang et la cendre. Je tousse. Et ça me déchire.
Je me redresse tant bien que mal. Mes mains tremblent toujours, mes paumes glissent contre le sol carbonisé. Je veux fuir, mais mes jambes refusent. Elles sont engourdies, brûlées. Mon corps est lourd, trop lourd. Autour de moi, les murs s’effondrent lentement, tout s’écroule au ralenti. Le bois gémit. Les flammes dansent. C’est presque beau, cette fin du monde. Et au milieu de ce chaos… une silhouette.
Grande. Immobile. Plantée au cœur du brasier. Son visage est flou, effacé par les vagues de chaleur qui tordent l’air. Mais je sens son regard sur moi.
Et aussitôt, mon corps se tend. Quelque chose en moi me hurle de bouger, de fuir le plus loin possible. Que cette chose n’est pas là pour me sauver. Ce n’est pas un ami. C’est un danger. Un frisson glacé traverse mon corps, en contradiction totale avec la fournaise qui m’entoure. Mon souffle se coupe. Je veux ramper en arrière, m’éloigner, me cacher. Mais je suis clouée au sol.
La silhouette avance. Un pas, puis l’autre. Mon cœur s’accélère. La terre gronde. Les flammes montent. Elles lèchent les murs, le plafond, elles se tordent, deviennent folles.
La silhouette lève la main.
Non. Non. Non.
Elle n’a pas de traits, mais je devine une intention. Et ça me glace le sang.
Je détourne les yeux, hurle sans bruit. Et soudain, tout explose. Les flammes jaillissent de tous les côtés. Une chaleur insupportable me mord la peau. Un rugissement me déchire les tympans. Et dans ce chaos incandescent… la silhouette disparaît.
Je me réveille dans la douleur. Pas une douleur vive, localisée. Non. Une douleur sourde, totale, comme si mon corps entier avait été broyé, carbonisé, puis recollé à la va-vite. Chaque mouvement, même imperceptible, fait hurler mes nerfs. Mes muscles brûlent. Mes os crient. Le silence est écrasant.
Je sens les draps rêches sous mes doigts. Une odeur âcre de désinfectant. Quelque chose de glacial contre ma tempe. Un coussin peut-être ?
J’ouvre les yeux lentement. La lumière me frappe de plein fouet, crue, blanche, impitoyable. J’ai l’impression qu’elle m’attaque, qu’elle cherche à me repousser dans l’inconscience. Mais je lutte. Mon cœur bat si fort que j’ai peur qu’il s’échappe de ma poitrine. J’ai chaud. Et froid aussi. Mon corps est trempé de sueur, mais je frissonne. Mes cheveux collent à mon front, à ma nuque. Je sens la sueur couler le long de mes tempes.
Et puis, un détail me revient. Un fragment. Un flash.
Du feu.
Des cris.
Une silhouette dans la fumée.
Je me raidis brusquement, aspirant l’air comme si j’émergeais d’un lac gelé.
- Eh, doucement !
La voix me vient de ma droite. Je tourne péniblement la tête. Ronan. Assis sur une chaise, les coudes sur les genoux, les sourcils froncés.
- Tu vas te flinguer le dos si tu fais un mouvement brusque comme ça, marmonne-t-il. Et moi, j’aurais attendu trois heures pour rien.
Je cligne des yeux, encore désorientée. Les mots me manquent. Mon corps proteste à chaque tentative de redressement. Il se lève et pose une compresse humide sur mon front. Son geste est maladroit mais sincère.
- T’as crié, y’a quelques minutes. Fort. J’ai cru tu revivais le combat.
Il s’arrête et me regarde avec attention.
- C’était… autre chose…
Je grimace en prononçant ces trois petits mots. Ma gorge me brûle. Aussitôt, le garçon attrape le gobelet d’eau posé sur la table de chevet et m’aide à prendre quelques gorgées. Je sens qu’il attend que je développe. Mes mains tremblent encore, et je me surprends à chercher son regard, comme pour vérifier que je ne suis pas seule dans cette peur.
- Je… j’ai revécu le feu. Celui de l’incendie du lycée. Tout brûlait. Je pouvais pas respirer. Mon corps… j’ai senti la douleur sur ma peau, chaque parcelle… Et quelqu’un… il y avait quelqu’un.
Ma voix se brise. Ronan reste silencieux, mais je sens que ses yeux ne me quittent pas.
- C’était pas juste un rêve. Je le sais. C’était un souvenir. Une bribe. J’ai senti… ce que j’ai ressenti ce soir-là. La peur. La douleur. L’impuissance.
Je prends une grande inspiration, mais mes poumons me brûlent encore. Ronan hoche la tête, comme pour absorber mes mots. Lentement, il se penche et attrape un gobelet d’eau, m’aide à en boire quelques gorgées. Son contact est rassurant. Presque… protecteur.
- Tu veux savoir ce qu’il s’est passé tout à l’heure ? Avec Evelyne ? demande-t-il timidement.
Je fronce les sourcils.
- Je revois la scène. Evelyne. Son regard fermé, plein de colère contenue. Puis ses flammes qui jaillissent, vivantes, affamées.
La chaleur m’a frappé de plein fouet, brutale, sauvage. Comme une main invisible qui me saisissait à la gorge. J’ai senti ma peau se tendre, se craqueler, se souvenir. Chaque fibre de mon être vibrait d’une douleur ancienne, comme si mon corps reconnaissait ce feu, cette morsure-là.
Mon souffle s’est coupé. J’ai senti la panique, la vraie. Celle qui paralyse. Celle qui crie sans bruit dans ta gorge. Mon esprit s’est refermé sur lui-même, comme s’il refusait de revivre ça. Comme s’il avait préféré tout éteindre d’un coup. Et ensuite, plus rien. Le noir complet.
Je crois que j’ai eu peur de mourir. Et pire encore : peur de me souvenir.
Ronan observe mon visage fermé, le silence qui s’installe, et comprend que je ne peux pas continuer. Alors il enchaîne doucement.
- Tu t’es effondrée dès la première vague de chaleur. Tu ne t’es même pas prise un vrai coup. C’était comme si ton corps avait reconnu quelque chose qu’il ne pouvait pas encaisser. Tu t’es mise à hurler, puis tu t’es évanouie.
Un silence s’installe.
- Et après ?
Le garçon hésite, puis soupire.
- Nao a réagi. Il a sauté dans l’arène. Il a immobilisé Evelyne avec ses illusions. L’instructrice a pété un plomb, elle l’a menacé de sanctions. Mais il s’en foutait. Il t’a porté jusqu’ici.
Je ferme les yeux. Des larmes brûlantes roulent sur mes joues.
- Il m’a protégée… Et toi… tu es resté… à côté de moi. Je crois que je… je t’ai senti veiller sur moi. Même quand je n’étais pas consciente.
Il esquisse un léger sourire.
- C’est vrai. Je ne voulais pas que tu te réveilles seule. Et je crois que… je peux comprendre ta peur. Même si elle est différente pour chacun de nous.
Je sens mon souffle se calmer un peu, et quelque chose de chaud dans ma poitrine. Quelque chose de fragile, mais de réel. Je tente un sourire vacillant.
- Merci… d’être resté là. Même quand je suis difficile. Même quand je crie, même quand je tremble.
Il s’assoit à nouveau, attrape ma main dans la sienne, et me sourit avec chaleur. Nous restons dans ce silence un court instant.
- Tu sais, la peur ne disparaît jamais vraiment. Mais ça ne veut pas dire qu’on doit la porter seul.
Je hoche la tête, laissant ses mots franchir mes dernières barrières.
- Je crois… que j’ai besoin que quelqu’un reste à mes côtés. Pas pour me protéger… juste, être là.
Ronan me sourit, et je sens une chaleur agréable me traverser toute entière. Sa main effleure la mienne. Me fait comprendre que je ne suis pas seule.
- Je serai là, Alexia. Pas pour tout, pas toujours. Mais je serai là.
Ronan détourne les yeux vers la fenêtre, le profil éclairé par la lumière chaude du soleil. Ses cils projettent une ombre fine sur sa joue, et une mèche de cheveux bruns retombe sur son front. Je ne l’avais jamais regardé avant maintenant. Pas comme ça.
Il dégage quelque chose de solide, d’immuable. Pas cette dureté qu’affichent les autres, mais une force contenue, tranquille, presque apaisante. On sent qu’il pourrait encaisser le monde sans jamais plier, et pourtant… il reste là, attentif, humain. Il a ce mélange étrange de puissance et de douceur qui désarme.
Mes yeux glissent malgré moi sur ses lèvres. Je ne sais pas ce qui me prend. Peut-être la fatigue. Peut-être le silence entre nous. Mais pendant une seconde, une seule, je me demande ce que ça ferait s’il m’embrassait. S’il effacerait tout, les souvenirs, la peur, la colère, juste par ce geste.
Les joues me brulent. Je secoue la tête, un peu honteuse. Ridicule. Ce n’est pas le moment. Et pourtant, je n’arrive pas à chasser l’idée. Il me trouble, ce garçon. Ce n’est pas son visage, ni sa prestance. Mais plutôt cette façon qu’il a de me parler sans chercher à me juger, de me regarder comme si j’étais autre chose qu’un poids mort. Comme si j’avais de l’importance.
Je sens quelque chose se fissurer en moi. Une chaleur diffuse, étrange, à la fois familière et dérangeante. Je me détourne trop vite, comme si ce simple regard risquait de me trahir. Mais mon cœur bat plus fort, et j’ignore pourquoi. Peut-être à cause de sa voix rauque. Ou de la façon dont il me regarde.
- Ça va ? demande-t-il doucement.
Je hoche la tête, incapable de trouver ma voix.
- Oui. Ça va.
Mais au fond, je sais que quelque chose a bougé.
Ses lèvres esquissent un sourire, léger, presque timide. Et ce simple geste suffit à me troubler davantage. Il ne dit rien, mais son regard glisse sur moi, attentif, un peu trop long. Ses doigts effleurent le bout de ma couverture, hésitent, puis se retirent.
- Fais attention à toi, murmure-t-il.
Un souffle, à peine. Mais il y a dans sa manière de le dire quelque chose qui me serre la poitrine. Je détourne les yeux avant qu’il ne voie le trouble dans les miens. Et pourtant, même sans le regarder, je sens encore la chaleur de sa présence, comme une empreinte brûlante sur ma peau.
- T’as une sacrée marque sur l’épaule, tu sais.
Sa voix a repris un ton plus léger. Je tressaille.
- Tu l’as vue ?
Il hoche la tête.
- L’infirmière aussi. Elle dit que c’est une brûlure trop vieille pour que son pouvoir puisse l’effacer. Elle a demandé si tu l’avais eue ici.
- Non. Elle vient de cette nuit-là. Du lycée. C’est pour ça que Suwan m’a emmenée ici. Il était là lui aussi, cette nuit. Il a été blessé, et il a perdu la mémoire. Comme moi.
Ronan croise les bras, l’air plus sombre.
- Ce genre de coïncidence, c’est jamais juste un hasard. T’as pensé qu’il pourrait y avoir un lien plus… profond ?
- J’y pense tous les jours. Mais je ne sais pas quoi croire. Suwan me dit que j’ai de l’importance. Mais il ne me dit jamais pourquoi.
Parfois j’ai l’impression que lui-même ne sait pas pourquoi. Que je suis un mystère, et qu’il est aussi perdu que moi face à tout ça.
Un silence s’installe. Ronan se passe une main dans les cheveux, se lève lentement et s’apprête à partir. Mais avant qu’il fasse un seul mouvement, je m’empresse :
- Je veux aller en cours.
Je ne peux pas rester ici, enfermée, à tourner en rond dans ma tête. Il faut que je comprenne. Que je rassemble les pièces du puzzle. Que je mette des mots sur tout ce qui me dépasse. Le garçon m’observe un instant, les sourcils légèrement froncés, et finit par capituler.
Mes jambes tremblent sous mon poids. Chaque muscle me rappelle ce que j’ai vécu. Ma peau me tiraille encore. Mais je serre les dents, et je me lève.
Parce que je ne peux pas me permettre de sombrer. Pas maintenant.
Parce qu’une partie de moi en a assez d’être une victime. Et qu’une autre veut savoir.
Et parce qu’au fond… je suis fatiguée d’avoir peur.
Je marche, encore un peu bancale, mais Ronan reste à mes côtés sans un mot. Son pas se cale sur le mien, discret, attentif. J’ai l’impression qu’il veille sans oser le dire. Chaque mouvement me rappelle la brûlure de mon rêve, de mon souvenir. Pourtant, plus j’avance dans les couloirs, plus j’ai le sentiment d’être à ma place.
Ronan pousse doucement la porte de la salle de classe.
La pièce est baignée d’une lumière tiède, presque douce. Les murs sont peints dans des tons de crème et de vert sauge. Des étagères chargées de livres bordent les murs, et quelques plantes en pot ajoutent une touche de vie au décor. Pas vraiment l’ambiance d’une salle d’étude.
Des affiches illustrées de cartes anciennes et de schémas sur ce qu’il me semble être les pouvoirs des Bêtas ornent le fond de la pièce. Les bureaux en bois clairs sont simples mais bien entretenus, avec les coins arrondis pour éviter les angles tranchants. Ils ont l’air solides, sans fioritures, juste fonctionnels et confortables. L’ensemble dégage une impression de calme et de sérieux, comme si cette salle n’était pas seulement un lieu d’étude, mais un espace de réflexion et d’éveil.
Je prends place au fond, près d’une fenêtre. Ronan s’assoit à côté, sans chercher à meubler le silence. Sa présence suffit. C’est étrange, il ne dit rien mais je sens qu’il comprend. Peut-être parce que lui aussi a déjà traversé ce genre de choses.
Les chuchotements ne tardent pas à s’élever.
C’est elle.
La nouvelle. Celle qui s’est effondrée.
Je fais semblant de ne pas entendre, mais leurs murmures collent à ma peau comme des piqûres. Je sens Ronan se tourner vers eux. Son regard acéré suffit à faire taire la plupart. Mais certains, plus hardis, insistent. Alors, sans même bouger de sa chaise, Ronan lève à peine les yeux. Un cahier s’arrache d’un bureau, traverse la salle et vient heurter doucement l’arrière de la tête du perturbateur. Rien de violent, juste un avertissement.
Un silence amusé retombe aussitôt. Le garçon garde son calme, comme si rien ne s’était produit. Je ne peux m’empêcher de sourire.
Le professeur entre. Grand, sec, vêtu d’une tunique sombre. Il pose un petit carnet sur son bureau et active le tableau interactif d’un geste bref.
- Bonjour à tous, salue-t-il sans attendre. Aujourd’hui, nous aborderons la structure de notre société. Plus particulièrement, nous nous intéresserons à l’organisation sociale et le système de classification des pouvoirs dans notre monde.
Sur l’écran, des lettres et des chiffres apparaissent.
Classe : A, F, T, E, P
Niveau : 1 à 5
- Chaque Bêta, lorsqu’il découvre son pouvoir, est classé selon la nature de celui-ci et son niveau de dangerosité.
Il marque une pause, son regard balayant l’assemblée.
- Les classes sont des repères élémentaires : A pour l’air, F pour le feu, T pour la terre, E pour l’eau, P pour le psychique. Mais ce sont les niveaux qui fixent le regard du Conseil. Un Bêta de niveau 1 peut vivre librement et sans aucun contrôle. Un niveau 5, en revanche, est surveillé de près. Encadré. Parfois même enfermé.
Un frisson me parcourt. Ce système me glace. Pas seulement parce qu’il hiérarchise les individus, mais parce qu’il fige des destins dès l’éveil d’un pouvoir. Comme si une simple étiquette suffisait à déterminer ce que l’on vaut. Les Bêtas ne choisissent pas leur pouvoir. Ils ne choisissent pas leur classe. Encore moins leur niveau. Et pourtant, tout repose là-dessus : la confiance qu’on leur accorde, la liberté qu’on leur laisse, l’avenir qu’on leur permet. C’est une injustice subtile, enracinée dans une logique faussement rationnelle. Une cage, peinte aux couleurs de la sécurité.
Des murmures traversent la classe. Je croise le regard de Curtis, au premier rang.
Le professeur poursuit, sa voix plus grave.
- Ce système a été conçu par la Confrérie. Ils prétendent préserver l’équilibre. Mais leur méthodes relèvent davantage du contrôle que de la protection.
- Traduction : les classes 4 et 5 sont traitées comme des armes, pas comme des gens, souffle un élève un peu trop fort.
- Les classes ne sont pas forcément liées au danger. Les Psychiques sont souvent classés en niveau 4 ou 5 car leurs pouvoirs agissent sur l’esprit. Manipulation, influence, suggestion. Les Feux sont instables. L’énergie thermique est difficile à contenir. Les Terres, Eaux et Airs sont plus équilibrés, mais tout dépend du contexte.
Je prends note malgré moi. Contrôle. Hiérarchie. Classification. Chaque mot est une clé. Une pièce du puzzle.
Ronan me lance un coup d’œil. Il remarque ma concentration.
- Ça va ? murmure-t-il.
Je hoche la tête, mais mon esprit est ailleurs.
Je pense à Samuel. A son regard. A la façon dont tout a commencé, dans la fumée et le chaos. Psychique. Était-il de ceux que l’on classe niveau 5 ? De ceux qu’on enferme ?
Ronan me pousse doucement du coude, comme pour m’ancrer dans le présent. Je tourne la tête vers lui.
- Ne te laisse pas avaler par ça. Ce ne sont que des chiffres. Ils n’ont rien à voir avec ce qu’on vaut.
Je crois qu’il a compris ce que je ressens. Peut-être qu’il le ressent aussi.
- Certains d’entre vous évolueront dans leur niveau avec le temps. La maîtrise permet parfois d’abaisser la note de dangerosité. Mais pour d’autres…
Le professeur s’arrête, pensif.
- Pour d’autres, cela n’a jamais été une question de contrôle. Certains pouvoirs refusent d’être domestiqués. Et c’est cela que la Confrérie refuse d’admettre.
Je sens une tension dans la salle. Pas de peur. Plutôt de l’amertume. De la résignation. Le cour continue. Les mots défilent. Je fais semblant d’écouter. Mais au fond, une seule idée tourne en boucle dans ma tête :
On nous classe. On nous mesure. On nous juge.
Mais personne ne voit ce qu’il y a derrière. Personne ne sait ce que c’est d’avoir brûlé.
Et quand deux hommes en noir franchissent la porte pour venir me chercher, je comprends que ce monde, lui non plus, ne me laissera pas en paix.

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