Chapitre XII : Un mal rôde dans les Moonshae
Je me concentre et j'invoque les énergies magiques environnantes, comme Ombre Dansante me l'a appris. Je prononce ma formule en faisant les gestes ésotériques qui réveillent les potentialités qui m'entourent :
Libellules de feu
Entendez votre servante
Noyez ce chevalier armé
Battez de vos ailes
Pour éloigner ce fieffé demeuré
Et le jeter hors du Temps
Loin de mes amis guerriers
Mentalement, je relâche les tensions du monde invisible. Des projectiles magiques partent de mes mains pour percuter le guerrier que combat Ombre Dansante.
Soudain, le prêtre sombre, qui accompagne l'homme en armure, lui fait un signe. Le guerrier se détourne d'Ombre Dansante et me scrute. Il disparaît aussitôt... pour apparaître juste devant moi. Le prêtre noir a dû le téléporter. Je suis suffisamment rapide pour sortir mes deux épées. Brandissant sa lame à deux mains, il se jette sur moi. Je n'arrive pas à détourner ses coups tout en puissance malgré mes deux armes. J'ai mal et je m'écroule au sol. Je sens mon sang s'échapper de mon corps par la profonde entaille qu'il m'a faite au flanc. Le guerrier, dans son armure complète argentée, s'élance brandissant son épée au-dessus de sa tête dans un moulinet menaçant. Il est debout devant moi, son épée s'abat ! Cette fois, seul un miracle peut me sauver.
Quelques jours plus tôt. La druidesse Chiraz avait proposé que nous nous reposions au bord du lac. Nous avions accepté, volontiers, cet intermède. Ces dernières semaines ont été éprouvantes. Nous avions dû courir entre les bourgs de Millebornes et de Thurmestre, puis vers le lac où nous étions arrivés, pour permettre à une tribu gobeline de vivre en paix. Je suis fourbue et courbaturée. Je demandais à la druidesse :
- Est-il possible de se baigner ? J'ai besoin de me détendre !
- Bien sûr, suivez-moi !...
La druidesse me conduisit à un endroit du lac protégé par un bois touffu où nous pouvions nous baigner à l'abri des regards. Je profitais de ce répit pour discuter avec la druidesse. J'appris qu'elle faisait partie du même cercle druidique que ceux de Caer Corwell : le Cercle de Lochmyrr. Elle ajouta alors qu'elle me baignait et me frottait le dos :
- Et puis, j'ai bien connu votre mère. Vous lui ressemblez tellement... Peut-être êtes-vous même plus belle qu'elle ne l'était à votre âge... Peut-être, est-ce dû à votre part elfique ?
Je la regardais avec insistance, elle continua ses libations comme si elle m'ignorait. Je lui répliquais sèchement :
- Je sais que ma mère est originaire de cet archipel, mais elle ne m'a jamais rien dit de sa vie ici ou même de son enfance. Que faisait ma mère dans les Moonshae ?
- Je ne peux pas vous le dire...
- Mais pourquoi ?... Je ne comprends pas les raisons de votre silence ! M'énervais-je.
- Je soupçonne un mal ancien de vouloir revenir à la surface. Je mettrais trop de monde en danger, si je vous en disais trop.
- Pouvez-vous me dire, alors, si elle est partie ou si elle a fui quelque chose ou quelqu'un ?
- Je n'ai pas tous les éléments pour vous répondre. Seuls les aînés pourraient vous en dire plus, me répondit-elle d'une manière énigmatique.
- Et mon père !?... Vous savez que c'est un elfe mais que savez-vous de plus sur lui ?
- Pas grand chose, malheureusement ! Les elfes de Synmoria vous en diraient davantage, également.
Et cela continue. Tout le monde croit savoir et personne ne sait... Tous se taisent ! Je n'avais pas pu en savoir plus, si ce n'est que l'élémentaire d'eau qui protégeait le lac était colossal. Tout le monde avait peur d'aborder certaines questions. Cette nuit-là, je dormis mal. Trop de questions sans réponse, trop de non-dit se bousculaient.
Les elfes et les druides avaient un œil sur nous. Ils avaient reconnu ma mère au travers de mes traits. Tout portait à croire qu'elle fut quelqu'un de très important dans cet archipel. Le lien que ma mère entretenait avec la déesse était beaucoup plus important que je ne le pensais. C'était sûrement une des raisons pour laquelle j'avais toujours l'impression que la bénédiction de ma mère me protégeait encore à ce jour. Cette déesse était également la source du pouvoir d'Akkadie, la Reine des vents, dont j'étais la servante. Une elfe m’avait appelée princesse. Si j'étais fille de reine, la raison pour laquelle ma mère se terrait à Eauprofonde, devait être bien grave.
Un détail m'inquiétait plus encore. Si les alliés de ma mère m'avaient reconnue, qu'en serait-il de ses ennemis ? Est-ce que ma seule présence allait mettre mes amis également en danger ? Lorsque je partis de chez moi pour chercher mon père, ma mère aurait dû se douter que je poserais des questions dont personne ne voulait dire les réponses. Pourtant, à aucun moment, elle n'avait cherché à me retenir ni même à me dissuader.
Et puis, quel rôle jouait le Sénéchal dans cette histoire, ou, pour être plus précise, pourquoi avait-il racheté ma vie auprès des pêcheurs qui m'avait recueillie ? Je sentais que d'autres forces étaient à l'œuvre dans l'ombre. Mais d'abord, il me fallait savoir jusqu'où mes compagnons seraient prêts à me suivre.
Le lendemain matin, je proposais un entraînement au combat à Eliodys. Il accepta. Après tout, il n'avait pas d'autres adversaires à se mettre sous la dent... ou plutôt sous la lame ! Nous échangions des passes d’arme avec des bâtons en guise d'épées. Je voulais montrer à l'elfe que si je n'étais pas très dangereuse pour un combattant aguerri comme lui, je n'en étais pas moins une adversaire rapide et difficile à toucher. Aussi, il feinta et lorsqu'il plaça son attaque, je n'étais déjà plus là. J'enchaînai un coup au ventre qui le plia en deux et un autre sur son arrière-train pour le redresser. Même si je savais qu'aucun coup porté n'aurait pu être fatal avec une véritable épée, je me permis tout de même de me moquer :
- Oups, c'était ton meilleur profil !...
Mais le cavalier ne s'en laissa pas compter. Durant l'échange suivant, il me montra son efficacité dans un nouvel enchaînement dont il avait le parfait secret. Les pieds ancrés dans la terre, il feinta une attaque que je m'empressais de parer. Mais son bâton avait déjà changé de direction en pointant un coup au cœur, malgré la rapidité avec laquelle je maniais mes deux bâtons. Il appuya sa victoire :
- Tu es morte ! sans aucune émotion.
En nage, je félicitais alors Eliodys pour son efficacité et la qualité de son attaque. C'étaient de tels enchaînements qui pouvaient inspirer mes spectacles. Puis, j'avouais au cavalier que la Reine de la cité de Synmoria m'avait révélée qu'elle gardait un œil sur notre groupe depuis plusieurs mois :
- Eliodys, quel est ton rôle dans la surveillance qu'exerce ta maîtresse sur nous ? J'ai besoin de savoir....
- Ce n'est pas ma maîtresse, c'est ma Reine, rectifia-t-il.
- Cela ne change rien pour moi, tu es son valet, un point c'est tout, répondis-je avec désinvolture.
- Je ne suis qu'un ambassadeur, et c'est tout.
Il refusa de m'en dire plus, ce qui me déçut. J'eus un sourire narquois en le regardant. Je m'approchais de l'elfe en le fixant dans les yeux et mis du feu dans les ondulations de mes hanches. Je savais faire confiance à mon corps pour susciter le désir. Face à face, je lui redemandais la même chose, de façon plus séduisante, mais ferme. Il déglutit avec gêne et refusa malgré tout de me répondre. Je quittais ainsi le cavalier sans avoir eu aucune réponse... Nous nous étions pourtant sauvés la vie mutuellement. Mais, je ne savais toujours pas jusqu'où je pouvais avoir confiance en lui. Lors de notre passage dans la cité elfique, il n'avait jamais essayé de nous présenter à sa famille ou à ses amis... Il n'avait jamais cherché à se rapprocher de nous ou même à se livrer. Tout ceci me confirmait une chose : son honneur était sa principale préoccupation.
J'espérais avoir plus de chances avec Balak cet après-midi. Alors que nous nous promenions le long du lac, j'essayais de connaître les raisons de la présence du nain dans l'archipel de façon directe. Il me répondit :
- Je suis originaire de la cité naine au sud-ouest de Synmoria. Je voyage beaucoup pour connaître le vaste monde. Notre rencontre n'est due qu'aux hasards de mes pérégrinations...
Je ne pus rien en tirer de plus. Je n'arrivais pas plus à connaître les intentions du guerrier nain que celles du cavalier elfe. Je devais me rendre à l'évidence. Si mes deux compagnons avaient une allégeance vis-à-vis de leurs maîtres respectifs, je devais accepter le fait qu'ils fassent passer leur devoir avant notre amitié.
Après le dîner, je restais avec Ombre Dansante. Nous étions assis au bord du lac et je lui demandai comment il était arrivé, lui aussi, dans ces îles. Il me conta alors son histoire :
- Dans mon peuple, ceux qui ont des prédispositions, à la fois au combat et dans les sciences arcaniques, sont très rares. Nous devons quitter nos parents très jeunes pour devenir ce qu’on appelle des chantelameurs. A force d'entraînements assidus et sévères, nous devenons une sorte de guide avec des capacités à la fois martiales et occultes. Alors, je fus missionné de chercher un lieu de paix pour que mon peuple puisse s'y établir. Mais un jour, je fus confronté à des pirates. Pour sauver la vie d’une elfe enceinte, ceci est un fait très rare au sein de ma race...
- Cette elfe ! L'interrompais-je... C'était Ehliorah ?
- Non, répondit-il avec tendresse... elle appartenait à un autre peuple elfe. Et je te confirme que je ne la connaissais point. Donc, je n'y étais pour rien. Je me suis livré à ces agresseurs pour qu'elle puisse garder sa liberté. Elle put ainsi partir rejoindre son peuple... J'embarquais ensuite sur le bateau des pirates et, pendant près de trente ans, j'ai écumé avec eux les mers.
Il reprit son souffle et me regarda. Je lui souris pour qu'il comprenne que j'attendais la suite de son histoire. Ainsi, il continua :
- Pendant un temps d'approbation, je fus un esclave. Puis, je me fis enfin accepter par ces marins. Je devins moi-même un pirate en épousant leur mode de vie. J'ai de l'admiration pour ces gens... Ils ont un véritable esprit de liberté !
Plus il parlait des pirates et plus je devins hystérique. Plus il trouvait des qualités à ces marins, moins j'arrivais à me contrôler. Je finis alors par exploser de colère, lui criant avec hargne :
- Les pirates ne sont que des brutes sanguinaires... des violeurs qui ne respectent rien !
Il ne comprit pas mon accès de colère... voire de violence ! Ce comportement hystérique ne me ressemblait tellement pas.
- Je ne comprends pas pourquoi tu te comportes ainsi !...
Je lui lançais en me dressant :
- Je les connais tes pirates. Leur liberté, c'est de violer qui ils veulent ! Oui, tu as bien compris... Ces monstres, que tu admires tant, m'ont violée !! Ensuite, ils m'ont abandonnée sur une île déserte. Je te confirme que je hais ces sauvages. Et si un jour, je les retrouve, je te jure que je les tuerai... Ce jour-là, je ne te demanderai qu'une seule chose : ne t'interpose pas, n'essaie pas de m'en empêcher !
Je ne savais pas s'il semblait comprendre ma souffrance mais j'étais déjà partie déstabilisée et fâchée.
Le lendemain, nous nous concertions pour donner une suite à notre quête. Je préférais rester en retrait et participais aux délibérations de façon lointaine. Il fut décidé de partir pour Millebornes : il nous fallait rendre compte au Baron Darien Carment. Durant le voyage, je restais distante avec mes trois compagnons. La marche se fit heureusement sans problème.
Arrivés au château, nous obtînmes rapidement une audience auprès du Baron. Nous lui fîmes part de notre réussite et des conséquences de nos actions dans les marais. Il était visiblement très content du résultat. Cela allait au-delà de ses attentes, même s’il faudrait sûrement deux à quatre années pour que l’eau disparaisse totalement de la plaine inondée. Il nous offrit une récompense substantielle en pièces d'or et sa gratitude. Il nous promit de nous venir en aide dès que nous en ferions la demande.
Le Baron nous hébergea pour la nuit. Durant le dîner, Il nous parla volontiers de la région. Il nous raconta que l'autre famille noble, dans cette partie de l'île, était celle du Comte de Parlefroy. Son château était au nord-ouest de Millebornes et à l'ouest de Thurmestre. L’archipel était gouverné par le Roi Kendish depuis cinquante ans. Ce dernier était issu de la famille noble qui régnait sur Caer Corwell. Il était marié à une haute druidesse qui venait du cercle druidique de Lochmyrr, depuis vingt ans. C'était la tradition du royaume. A la fin du repas, j'offris quelques chants et numéros de jonglage afin d'apporter de la gaieté. Après cette bonne soirée enrichissante, nous allâmes nous coucher.
Le lendemain matin, nous retournions à Millebornes. A notre arrivée, le chef du village, le meunier, nous fit mander. Il proposa que nous escortions un groupe de marchands qui voyageaient dans une péniche jusqu'à Thurmestre. Deux autres guerriers nous accompagneraient. Après nous être concertés, nous acceptâmes le travail. Personnellement, je n'avais pas une grande envie de rentrer à Caer Corwell. Mon année au service du Sénéchal, pour rembourser ma dette, était finie.
En fin de matinée, le père de Jack, le garçon qui nous avait parlé dans les marais, vînt rencontrer Eliodys :
- Seigneur elfe, J'ai quelque chose à vous demander si vous me le permettez.
Eliodys était amusé par l'embarras de ce modeste paysan. Il força sur le salut et sur son accent elfiques :
- Dites, mon brave !
- Mon fils n'a de cesse de parler de vous, Seigneur. Il est, certes, facétieux et très imaginatif, mais c'est un bon garçon. Il est très courageux et travailleur. Il est toujours de bon service.
Eliodys, par son port fier et martial, en imposait au père de Jack. Mais, celui-ci continua sans savoir s'il devait faire une révérence et s'il devait (ou pas) regarder l'elfe dans les yeux :
- Seigneur, pourriez-vous prendre mon fils comme écuyer ? Nous sommes pauvres et nous ne pourrons pas payer sa formation, ni même son matériel. Mais, il aimerait tellement devenir votre écuyer...
Eliodys réfléchit. Puis, il sourit et dit :
- Avant d'accepter, puis-je rencontrer votre fils ?
- Bien sûr, répondit le paysan, je vais le chercher, il est un peu plus loin, là-bas.
Jack arriva en courant. Il dit avec enthousiasme :
- Bonjour Seigneur, que puis-je faire pour vous ?
- Du calme, mon garçon ! D'abord, est-ce que tu sais t'occuper d'un cheval, conduire un attelage et faire la cuisine ?
- Un cheval... ça ne doit pas être plus difficile qu'une mule. Ensuite... oui et oui, Monseigneur !
- Bien, continua Eliodys. Tu devras m'appeler Maître, tu devras m'obéir en tout sans discuter. Es-tu d'accord avec ces conditions ?
- Oui, mon Sei... Oui, Maître, je suis d'accord. Dit-il tout sourire.
- Alors, Ecuyer Jack, tu vas voir le nain qui est là-bas. Tu l'appelleras Maître Balak et tu vas lui dire que tu es mon écuyer. Ensuite, demande lui de te montrer ses armes et choisis en une !
- Merci, Maître ! J'y cours.
Jack partit en courant. Son père remercia Eliodys maintes fois avant de prendre congé. Je m'approchais alors de l'elfe :
- Tu n'as pas honte de torturer ces pauvres gens.
Il répondit :
- Comme pour notre unijambiste, tu seras bientôt contente de l'avoir avec nous...
Il avait toujours eu l'art de savoir s'arrêter juste avant d'épuiser ma patience. Notre groupe s'agrandissait.
Jack choisit une épée courte avec un fourreau simple que Balak avait récupérée sur un ennemi mort. Le nain trouva dans la charrette une ou deux pièces d'armure en cuir bouilli et un casque de métal.
- Sur toi, ils iront comme un gant, gamin. Va voir ton Maîiitre, gamin !...
Je m'approchais de Balak, alors que le jeune homme s'éloignait en courant :
- Que penses-tu de lui, Balak ?
- De lui ? Rien. Mais de la décision d'Eliodys : que du mal ! Je crains que nous mettions la vie de cet enfant en danger.
- Tu sais quelque chose sur ce qui se passe dans ces îles ? Demandais-je curieuse.
Balak me regarda avec ses yeux moqueurs :
- C'est juste une intuition. Voyager avec toi n'est pas de tout repos !...
Je restais coite en le regardant s'éloigner.
Ombre Dansante revenait du port fluvial :
- La péniche partira tôt demain matin. Allons dormir à l'auberge !
Arrivés au port fluvial, le lendemain matin, je découvris la péniche. Le navire était plutôt long avec une cabine sur l'arrière qui abritait la barre. Un humain tenait la bride d'un cheval sur le chemin de halage. Un marinier était à l'arrière du bateau, tenant la barre. Des marchands se prélassaient sur des coussins. Ils ne se levaient que pour inspecter l'état de leurs marchandises et pour manger. Deux guerriers se tenaient debout : un à l'avant et un à l'arrière. Après avoir fait les présentations, nous embarquâmes. La péniche jeta les amarres aussitôt. Le marinier, sur le chemin de halage, tira la bride de son cheval. Le bateau se mit à avancer doucement. Eliodys préférait rester à cheval sur la berge. Il chevaucherait en éclaireur. Balak s'assit au milieu du pont supérieur. Il paraissait indolent mais il ne fallait pas s'y fier. Je connaissais bien sa vigilance. Ombre Dansante s'installa à l'arrière du navire, scrutant les berges. Il regrettait que le navire ne traverse aucune forêt. Marcher parmi les arbres, ressentir l'odeur des essences, la caresse d'une branche basse étaient des plaisirs dont il devait se passer. Son familier, un jeune dragonnet, volait autour du navire en restant invisible. Je ressentais sa présence grâce aux vents. Jack installa nos affaires dans la cabine commune du pont inférieur. Je me tenais debout, à l'avant, droite comme une vestale. A mes pieds, Lucifer se frottait en ronronnant à mes jambes.
A la proue, je priais les vents. Ils m'entouraient, soulevant mes cheveux et faisant claquer mes vêtements. Je pouvais ainsi réfléchir sereinement. Je m'étais conduite comme une idiote avec mes compagnons. J'avais oublié que j'eus, moi aussi, autrefois, à honorer une allégeance. Le devoir était une valeur importante et je me devais de me comporter avec plus de courtoisie à l'avenir.
Sur le pont, Lucifer, mon chat noir, passait son temps entre sommeil et toilettage. Le capitaine du navire était content lorsque le félin dégustait un rat qu'il avait tué dans la cale.
Durant le deuxième jour de voyage, nous fûmes attaqués par surprise. Trois monstres ressemblant à des guêpes géantes se jetèrent sur Eliodys. Quatre archers sortirent d'un bosquet. Ils firent pleuvoir leurs flèches sur le pont. Deux hommes en armure, l'un en noir, l'autre couleur argent se tenaient derrière, en réserve, sur la berge.
Promptement, Eliodys, lance en main, fit charger son cheval. Il fila sur les trois insectes géants. Il en embrocha un et en blessa un deuxième. Puis, lâchant sa lance, il tira son épée. Je fis alors une prière à Akkadie, la déesse des vents, qui me permit d'exalter mes compagnons au combat.
Ombre Dansante sauta aussitôt sur la berge et se précipita vers les quatre archers. Balak se tenait en réserve sur le bateau, près de moi, soutenant Eliodys par ses fléchettes. Les marchands, Jack et les mariniers se mirent à l’abri comme ils le purent. Après s'être débarrassé de deux des trois insectes géants, Eliodys tomba, vaincu par le poison inoculé par plusieurs piqûres. Il s'écroula, inanimé. Ombre Dansante, tout en souplesse et en mouvement, fit danser ses épées. Il abattit un à un les quatre archers. Balak tua la dernière des guêpes géantes grâce à ses fléchettes. Ombre dansante arriva au niveau des deux guerriers en armure. Il remarqua le symbole religieux que portait le plus sombre, un cercle entouré de rayons ondulés. Cela ne prêtait à aucune confusion, l’elfe sauvage allait affronter un prêtre d'une obscure religion et un chevalier. Aussitôt, je le soutins avec mes projectiles magiques qui firent mouche. Mais Ombre Dansante fut surpris par la disparition soudaine du chevalier en armure claire.
L'écuyer d'Eliodys, Jack, se précipita vers son maître qui était au sol et ne bougeait plus. Il le soigna grâce à des bandages. Après être apparu devant moi, le chevalier m'avait envoyée à terre, blessée au flanc. Même si mon adversaire ne frappait qu'avec le plat de son épée, j'étais désespérée et le prochain coup pourra m'être fatal.
Je suis résignée à recevoir le coup de grâce mais l'arme du chevalier est stoppée par la hache de Balak. Le nain regarde le chevalier dans les yeux :
- Quelque chose t'a arrêté, dis donc ?
Le chevalier sombre se tourne vers Balak avec un cri de rage. Un combat titanesque commence entre les deux puissants guerriers. Ombre Dansante se précipite vers le prêtre mais ce dernier disparaît à son tour, laissant l'elfe pris de court. De rage, le chevalier s'attaque au nain, mais cet adversaire est beaucoup plus coriace que moi en combat singulier. Je décide dans l’urgence de devenir intangible, tel un fantôme. Testant pour la première fois ce nouveau pouvoir que m'avaient octroyé les vents, il me permit de me mettre à l'abri pour me soigner. Petit à petit, Balak prend le dessus sur le guerrier armuré. Il malmène le chevalier grâce à ses assauts puissants. A chaque coup, la hache du nain trouve une ouverture entre les pièces de l'armure de son adversaire. Du sang macule l'armure couleur argent. Ombre Dansante rejoint Jack qui réanime Eliodys. Puis, d'un regard circulaire, il voit que Balak est en forme et fait reculer son adversaire. Mais il n'y a toujours aucune trace de l'homme en armure sombre. Enfin, Balak abat son adversaire qui tombe dans la rivière comme un pantin désarticulé. Son corps s'enfonce dans les eaux grises du fleuve. Après m'être soignée grâce à mes prodiges :
Dame des Vents,
Par mes mains,
Apporte moi le soulagement
Et rends moi pure aux drames !
Je regarde autour de moi. Je vois Eliodys assis au pied de son cheval, avec Jack à ses côtés. Le jeune homme est fier d'avoir pu sauver son maître.
Soudain, j'ai l'impression de me voir marcher dans la plaine. Être spectatrice de ma propre vie est une expérience curieuse. Je me vois, à quelques hectomètres de la péniche, m'éloignant en marchant comme une somnambule. Je décide de courir vers le bateau mais j'ai l'impression de ne pas être la maîtresse de mes décisions, de mes mouvements. Ajoutant à mon trouble, j'ai l'impression de courir... vers moi ! Je n'ai pas remarqué que l'herbe est aussi haute dans cette partie de la plaine.
Dans la confusion dans laquelle je me trouve, ce qui suit m'a été rapporté par mes amis.
Balak descend en courant dans la cale de la péniche pour aller chercher mes potions de soins afin d'aider Eliodys. Soudain, Ombre Dansante, qui vient de les rejoindre, s'écrie :
- Que fait Shen dans la plaine, là-bas ? Où marche-t-elle ainsi ?
Balak répond :
- Je ne l'ai pas vue passer et elle n'a rien dit. C'est curieux pour elle qui a tendance à trop parler !...
Lorsqu'Eliodys se sent assez fort, le nain part aussi vite que ses courtes jambes le permettent dans ma direction. Ombre Dansante s'est transformé en loup pour courir le plus vite possible vers moi. Il dépasse Balak. Soudain, une zone d'obscurité se dresse devant le loup. Dans un effort de volonté, il traverse la zone d'un bond. C'est une magie qu'Ombre Dansante connaît, il ne se laisse pas impressionné. Enfin, il arrive à mon niveau et se fige. La confusion s'estompe de mon esprit. Je reprends la possession de mon corps. C'est Lucifer qui m'a permis de garder un pied dans la réalité grâce à notre connexion mentale. C'est par son biais que j'ai gardé une forme de conscience. Je ressens la présence de l'homme en armure sombre plus que je ne la vois. Il utilise un prodige que je connais. Je tente de frapper mon adversaire. Mais un mot de commandement me fait sombrer de nouveau dans l'inconscience. Heureusement pour Ombre Dansante et moi, l'arrivée d'Eliodys à cheval et de Balak : fait fuir le prêtre noir. Ce dernier disparaît, comme par enchantement. Je me réveille de ma torpeur en même temps qu'Ombre Dansante.
Je me fais expliquer tout ce qu'il s'est passé. Je révèle à mes compagnons que le prêtre noir a dû utiliser un prodige de Sanctuaire que je connais bien. Cet artifice magique nous a fait croire qu'il n'était plus là. Ombre Dansante fait une remarque :
- Le prêtre noir a essayé de me neutraliser plutôt que de me tuer.
Je lui réponds :
- Il en était de même pour le guerrier. Il m'a attaquée du plat de l’épée, même s'il m'a blessée. Je pense que nous étions tous les deux ses cibles.
Eliodys intervient aussitôt :
- La jeune apprentie alchimiste qui a disparu est aussi une magicienne. Une magie sombre est à l'œuvre dans la région. Quelqu'un a besoin d'enlever des jeteurs de sorts pour utiliser, ou pire, vampiriser leur énergie magique.
Ombre Dansante ajoute enfin :
- J'ai reconnu le symbole de Thalos en médaillon autour du cou du prêtre noir. C'est un dieu sombre.
Je conclue :
- Parella est sûrement encore en vie. Mais quelle torture peut-elle subir ?
Je soigne mes blessures et celles de mes compagnons grâce à mes prodiges de soins.
Dame des Vents,
Par mes mains,
Apporte le soulagement à ces âmes
Et rends-les pures aux drames !
Tout le monde récupère de ses émotions en remettant de l'ordre sur le bateau.
Le voyage peut enfin reprendre. A l'avant du bateau, les cheveux aux vents, je reste silencieuse. Je me rends compte de mon arrogance durant ces derniers temps. J'avais même envisagé pouvoir affronter l'Oeil pour le tuer. C'est le seul moyen qui mettra fin à cette chasse. Mais, le prêtre sombre m'a ramenée à la réalité : je suis encore trop faible pour cela. Aujourd'hui, sans l'aide de mes compagnons, je serais prisonnière d'un sombre culte. Ombre Dansante passe son temps, sur la péniche, à l'étude des armes magiques prises à nos adversaires.
Deux jours passent au fil de l'eau et de mes pensées. Le navire dépasse un groupe d'une dizaine de pèlerins en armure plate feuilletée. Ils sont armés de masses d'arme et de bâtons. Ils nous font un geste de bienvenue. La péniche continue son périple au rythme du cheval qui la tire.
Le lendemain, Eliodys est parti devant en éclaireur. Il revient au galop pour nous signaler qu’il a repéré, un peu plus en amont, trois cadavres sur la rive. Lorsque la péniche arrive à la hauteur des corps sans vie, nous accostons. Les corps d’humains que nous découvrons sont dévorés par des scolopendres géantes. Nous les chassons avec des torches allumées. J’observe les cadavres grâce à mes connaissances en médecine. Ils se révèlent déshydratés. Ombre Dansante pense qu'ils ont été victimes de guerriers de sang. Ce sont des êtres corrompus qui ont besoin de sang pour survivre. Sa culture m’étonnera toujours autant !
Le lendemain, la péniche arrive enfin au port fluvial de Thurmestre. Il nous est expliqué que les marchandises iront, ensuite, au château de Palefroy. Pendant que les bateliers et les marchands s'occupent du déchargement pour les mettre dans des chariots, nous allons rendre une visite de courtoisie à Toster. Le magicien du feu nous reçoit avec plaisir. Il demande des nouvelles du monde. Je lui relate nos derniers exploits. Ombre Dansante parle de la découverte macabre des jours précédents. Eliodys lui fait part de ses conclusions au sujet des jeteurs de sorts enlevés. Toster devient soudain perplexe.
Il se plonge dans une profonde réflexion et va consulter certains des ouvrages de sa grande bibliothèque. Après quelques heures de lectures, il nous confirme que le prêtre noir doit être lié aux guerriers de sang. Il nous apprend qu'il y eut, par le passé, une guerre des dieux où certaines divinités furent tuées. Il reste des traces de cette époque ; il doit y avoir dans la région un tumulus avec un temple souterrain. Et Toster confirme l'hypothèse d'Ombre Dansante sur le fait que le dieu Thalos est de retour et développe son influence dans la région. Les guerriers de sang sont des créations de son culte. Il ajoute :
- Si ce culte recherche des jeteurs de sorts pour leur énergie, c'est qu'ils doivent avoir l'intention de vouloir ouvrir un portail vers le monde de Thalos. Je partage votre inquiétude au sujet de mon apprentie.
Je pose la question de la propre sécurité de Toster. Il me répond :
- Si les adorateurs de Thalos ne se sont pas attaqués à moi, pour l’instant, c'est qu'ils ne savent pas que je suis ici. Je vis de façon discrète, loin de l'agitation des villes.
J'insiste :
- Ils ne s'attaquent pas aux druides non plus ?
Toster sourit et me répond :
- C'est parce que les druides sont très puissants dans la région. Leur déesse est très influente ici. Elle a trois avatars présents dans ces îles. Par l'intermédiaire de ces manifestations physiques, elle assied sa puissance sur la région.
Ce soir-là, nous restons chez Toster à son invitation. Pendant le souper, Balak demande au magicien s'il peut consulter sa bibliothèque :
- Je suis à la recherche de quelques ouvrages !
Toster lui propose de faire une copie des livres qui peuvent l’intéresser. Le nain accepte avec joie. Mais, soudain, il se fige et demande :
- A quel prix ?
- Je vous ferais un bon prix, maître nain !
Durant le souper, je demande à Toster des précisions sur la situation politique dans la région. Le magicien du feu répond que la Reine est mariée avec le Roi depuis dix ans. C'est une haute druidesse et la fille aînée de la haute druidesse précédente. Elle-même fut un avatar de la déesse. Cette dernière a eu deux filles.
Le lendemain matin, le convoi des marchandises déchargées de la péniche part du port de Thurmestre. Les chariots sont tirés par deux bœufs chacun. Le premier est conduit par Jack, l'écuyer d'Eliodys. Je me suis assise à côté du jeune homme. Balak se repose à l'arrière du chariot. Eliodys chevauche à côté et Ombre Dansante marche de l'autre côté. Le second chariot est conduit par les deux marchands.
Une heure plus tard, le convoi arrive au château de Palefroy, la demeure du Comte éponyme. C'est une motte avec au sommet une palissade de rondins de bois qui entoure un logis et des dépendances en dur. Le contremaître nous demande :
- Descendez et présentez-vous ! Vous là-bas, crie-t-il en s'adressant aux conducteurs des chariots, menez les chariots aux dépendances et attendez-moi ! Alors, nous nous présentons tous les quatre. Il répond :
- Le Baron Darient Carment a prévenu par oiseau messager de notre venue. Je vous conduis auprès du Comte de Parlefroy.
Le maître des lieux nous accueille avec honneur et nous invite à sa table pour le soir. Il paie notre prestation comme convenu. Puis, il donne des ordres à ses gens pour l'installation de chacun. Avec Ombre Dansante, nous sommes installés dans une chambre assez spacieuse. Je demande à une servante :
- Pourrais-je prendre un bain, s'il vous plaît ?
- Bien sûr, Madame... dans une heure, nous viendrons vous chercher.
Au centre de la salle d'eau, trône un grand baquet d’eau chaude. Lorsque les servantes me déshabillent, elles sont impressionnées par mon physique. Plusieurs font des compliments sur ma beauté. Je les remercie pour leur gentillesse. L'une d'elle me propose une robe et j'accepte avec joie. Puis, une des servantes me coiffe, une autre me maquille : je me sens comme une Reine ! Je m'admire dans un miroir. Je n'avais pas eu l'occasion de me sentir aussi femme depuis notre départ de la cité elfe.
Lors de mon entrée dans la grande salle, le Comte vient à moi :
- Madame, je n'ai malheureusement rien qui puisse rivaliser avec votre beauté. Permettez-moi de vous conduire à votre place !
- Je vous remercie, monsieur le Comte.
Le Comte préside le repas. Il a près de lui son fils, son capitaine, un aspirant de Torma, dieu de la loi et de l'obéissance et deux notables. Pendant le repas, je m'absente quelques instants pour me rafraîchir. Ce n'est qu'une excuse... En sortant de la pièce, j'en profite pour lancer discrètement un prodige afin de sonder l'âme des invités :
Ô Dame des Airs
Par la pureté de l'air que j'inspire
Et par les six vents
Ton humble servante
Te prie de répondre à son souhait
Souffle à mon esprit
L'harmonie intérieure de ces âmes.
Seul le Comte possède une aura assez forte. Il est, sans nul doute, un serviteur de la justice. Les discussions vont bon train. Après une question maladroite au Comte, Eliodys apprend que Madame la Comtesse est décédée il y a plusieurs années maintenant. Le fils du Comte raconte à Balak qu’il n’a pas l’impression de progresser dans le maniement des armes car il connaît trop bien son maître d’arme. Ayant entendu parler de nos exploits, il aimerait profiter de notre expérience du combat. Eliodys propose de lui donner des leçons. Il explique au Comte que le Sénéchal de Caer Coewell l'employait pour entraîner sa milice.
Ombre Dansante parle histoire avec le Comte. L'elfe apprend que le château est le deuxième que possède la famille du Comte. Le premier fut détruit suite à une guerre contre un prêtre maléfique, il y a plusieurs années. Il était bâti dans le Bois des Epines, au sud-est du château actuel. A l'époque, un groupe de chevaliers était parti combattre dans la Forêt de Bassedur. Ils ont vaincu un prêtre sombre qui fut à l'origine de nombreuses manifestations des forces du mal. Un seul des chevaliers a survécu. Il est resté sur place mais il a disparu depuis.
Après le repas, le Comte insiste pour me raccompagner à mes appartements. Passant dans un couloir où sont pendus des portraits, il me vante ses aïeux. Enfin, il me laisse devant ma porte. Il part après avoir baisé ma main. Quand je rentre dans la chambre, je suis gaie. Ombre Dansante est assis sur une chaise et me reproche :
- Tu as l'intention de faire le joli cœur avec ce Comte ?...
- Gros jaloux, dis-je en l'embrassant. Regarde, lançais-je en tournant sur moi-même, hier j'étais une aventurière poussiéreuse, aujourd'hui je suis habillée comme une princesse. Regarde la qualité de cette robe, elle appartenait à sa défunte sa femme.
- Demain... tu la rends, ordonne-t-il ! Dois-je te rappeler ce qui se trame ici ? Tu as failli te retrouver esclave d'un sombre culte et nous ne connaissons pas les allégeances de ce Comte !
Je réfléchis un instant :
- Oui, tu es jaloux (mon sourire s'efface et je deviens grave) ! Je joue la carte de la séduction pour savoir de quel côté il est. Et merci de me rappeler que quelqu'un a essayé de me voler ma liberté. Je te jure que j'aurais la peau de ce prêtre sombre... Personne ne me prive de ma liberté sans le payer !
Le lendemain, après avoir prévenu Ombre Dansante, je sors du château afin de rechercher un lieu saint. Malheureusement, je n'en trouve aucun ce qui m'est confirmé par l'aspirant de Korma lorsque je retourne au château. J'effectue donc mes obligations cléricales dans un espace que je définis par six bâtons plantés en terre auxquels sont attachés des bouts d’étoffes volants aux vents, comme j'ai l'habitude de le faire. Après ma prière, le représentant clérical de Korma me fait remarquer :
- Il y a un espace consacré à Thurmestre. Nos dieux méritent mieux que ça !
Je lui rétorque :
- Je suis une marchebise et je loue les vents. Le lieu n'est rien si la foi n'accompagne pas nos prières. Vous devriez méditer sur le message que porte votre religion, pas sur l'enveloppe pour le porter.
Il partit en maugréant sur les cultes sans structures organisées, mais sans m'affronter directement. Il n'a pas le statut de prêtre contrairement à moi. Il sait qu'ici je suis l'autorité sacerdotale. Korma est une déité qui laisse peu de place à la liberté contrairement à Akkadie dont c'est la base de tout le catéchisme.
Eliodys commence, ce matin, à dispenser au fils du Comte ses premières leçons martiales.
Ombre Dansante va se promener à l'est, dans les collines environnantes. Après une demi-journée de marche prudente, il trouve une carrière exploitée très récemment. Il relève des traces qui ne lui laissent aucun doute : elle est exploitée par des géants de pierre.
De retour au château, Ombre Dansante apprend du Comte que ce dernier a un accord avec ces géants de pierre. Il échange leur production minérale contre des fournitures diverses telles que celles qui sont arrivées dans les chariots avec nous. Le Comte s’inquiète auprès de l’elfe. Des pèlerins devaient venir au château mais ils ont beaucoup de retard. Ombre Dansante lui confirme :
- Nous les avons dépassés, voilà deux jours maintenant. Ils ne devraient pas être loin du château.
Ombre Dansante vient tous nous chercher. Il nous expose les craintes du Comte. Je rassure le maître des lieux :
- Nous partirons demain matin au-devant de ces pèlerins, monsieur le Comte.
- Je savais que je pouvais compter sur vous madame (ses yeux brillaient).
Il va me falloir jouer serré. Ce Comte me veut dans son lit. Je dois garder sa confiance sans lui céder. Où est-ce que je me suis fourrée encore ? Finalement, Ombre Dansante avait raison...
Le lendemain matin, nous quittons le château. Jack conduit le chariot. Je suis assise à son côté. Balak est à l’arrière. Eliodys chevauche près de l’attelage et Ombre Dansante marche près du cheval. Nous rejoignons d'abord Thurmestre. Mais, les pèlerins ne sont toujours pas arrivés. Nous décidons de remonter la rivière.
Le surlendemain, nous trouvons trois corps étendus près de l'eau. Je me précipite ; il n'y a qu'un seul survivant. Il me chuchote à l'oreille : « pèlerins capturés... l'homme aux cheveux dorés... capturé... ils sont vivants... » et il meurt dans mes bras. J'écrase une larme sur ma joue.
J'examine tous les corps : ils ont tous subi des blessures animales de type canidés. Ombre Dansante est tourné vers le bois :
- Suivons les traces ! Elles s’enfoncent dans la forêt.
Après une heure de marche, nous sommes attaqués par huit chiens de la mort. Ce sont des canidés morts-vivants. Après une prière pour donner du courage à mes compagnons, j'entonne mon chant magique pour les soutenir. Eliodys lance en main, charge à cheval. Il embroche deux animaux mais il casse sa lance dans l'élan. Ombre Dansante et Balak entrent dans la mêlée. Très vite, les morts-vivants sont abattus un à un. Nous avons une mauvaise surprise à la fin du combat : Ombre Dansante a été mordu par l'un des chiens.
Je le soigne avec mes prodiges de soin.
Dame des Vents,
Par mes mains,
Apporte le soulagement à cette âme
Et rends-la pure aux drames !
Mais, je ne peux pas refermer la blessure entièrement. Un mauvais mal semble se répandre dans le corps de l'elfe. Eliodys et Balak trouvent les corps des autres pèlerins plus loin. Le cavalier elfe fait le rapprochement entre les chiens et les guerriers de sang.
J'annonce, les yeux brillants, que je suis impuissante à enrayer le mal qui ronge Ombre Dansante. Après délibérations, nous décidons de nous séparer en deux groupes. Eliodys et Balak emmènent les dépouilles des pèlerins au château du Comte grâce à la charrette conduite par Jack. Pendant ce temps j'accompagne Ombre Dansante auprès de Toster en espérant que le magicien du feu pourra faire quelque chose. Je me sens impuissante devant ce mal.
Le lendemain, nous arrivons chez Toster. Après avoir examiné la blessure d'Ombre Dansante, le magicien du feu dit qu'il peut faire quelque chose pour lui, mais il faudra du temps. Je réponds au magicien :
- Ma science est à votre service. Je vous seconderais. Ne vous occupez pas du prix, je paierais !
Durant toute la période de soins, je veille Ombre Dansante, épongeant avec de l'eau fraîche son front fiévreux. Souvent, je lui parle dans ce sommeil qui n'en finit. Parfois il délire, parfois il se réveille en hurlant. J'essaie de l'apaiser. Accroche-toi, ne m'abandonne pas !...
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