XV - Chasseur de Phénix

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La Forêt des Caprices tient son nom des prémices de la civilisation, une époque où la magie était omniprésente mais où l’homme n’en avait nullement conscience.

Un temps où la compréhension du monde qui nous entoure était placée sous le joug d’une intelligence supérieure, régissant chaque élément de la vie.

Or, les mystères de cette forêt ne sont que le résultat de l’influence de la magie sur des êtres définis, et dans un lieu précis.

« Études des influences et de l’émergence des mythes et légendes »

Par Maître George Profondus

Nos trois amis avançaient prudemment au milieu d’un chemin empli de boue collante tantôt verdâtre, tantôt marron. Une odeur poivrée s’en dégageait, mais les effluves n’avaient rien d’écœurant. Malgré le sentiment de crainte que provoquait la forêt, sa beauté presque menaçante avait quelque chose d’apaisant.

De gigantesques arbres se dressaient par-delà les feuillages, et leurs branches s’entrecroisaient entre elles en un gigantesque voilage. Surplombant le petit sentier, les feuilles bleues et blanches le composant filtraient la lumière, laissant passer les rayons du soleil selon leur bon vouloir, créant ainsi une jolie fresque animée à même le sol. Les couleurs dansaient au gré du vent, donnant l’impression aux passants de naviguer sur une mer d’azur légèrement fantasmagorique.

Un doux silence régnait en ces lieux, comme si la forêt entière s’était arrêtée de vivre pour profiter de cet instant magique. Aucune créature ne semblait vouloir briser cette quiétude, de peur d’énerver la forêt tout entière…

— Eh ! Thor, tu sais quand est-ce que nous arrivons ?

— Tais-toi donc, tu veux nous faire repérer ? répondit ce dernier en chuchotant.

— Bah, qu’est-ce qui peut nous arriver ? Sans compter qu’aucune des créatures ne me fait peur, ici !

— C’est pas toi qui voulais absolument éviter cette forêt ?

— C’est qu’avec toutes ces histoires que l’on raconte, aussi…

Thor fit un signe de la main, demandant au groupe de s’arrêter. Il leur montra du doigt un tronc d’arbre asséché, posé en plein milieu de la route. Il dégaina son épée.

Sur le coup, Jack se demanda ce qu’il avait vu. En regardant plus précisément, il vit de petites boules lumineuses ramper sur le tronc.

Thor s’en approcha prudemment, regarda autour de lui et essaya d’en attraper une. Cette dernière accéléra soudainement et vint se cacher sous le tronc.

D’autres boules continuaient de ramper tranquillement, comme si de rien n’était.

— Si j’étais vous, je ne ferais pas ça.

La voix venait de derrière un arbre. Avant même que l’intéressé n’ait le temps de s’identifier ou de faire quoi que ce soit, il fut projeté à terre au milieu du chemin.

— Mais ça va pas ?

Serem sortit alors lui aussi de derrière l’arbre, l’air fier.

— Maintenant, à cause de vous, je suis repéré. C’est malin !

Thor plaça le bout de sa lame sur la gorge de l’homme, affalé à terre.

— Qui êtes-vous ?

L’homme se releva lentement, l’épée toujours pointée sur sa gorge.

— Vous risquez de ne pas avoir l’utilité de mon nom si nous restons ici plus longtemps !

— Dites-nous d’abord ce que vous faites ici, puis nous aviserons.

L’homme soupira.

— Je suis ici pour chasser une des créatures de la forêt que l’on appelle Phénix. Et ce que vous vous apprêtiez à toucher, ce sont ses larves.

Il fixa à tour de rôle les trois compagnons, s’arrêta sur leurs vêtements et demanda :

— Et que font des membres de l’Œil Rouge si loin de chez eux ?

— Cela ne vous regarde pas vraiment.

— J’ai ouï dire que tout le réseau avait été démantelé par Talyon, vous êtes donc en fuite ?

Thor lui balança un coup d’épée, mais l’autre sortit deux poignards et para l’attaque.

— Vous êtes toujours aussi impulsifs, à ce que je vois, messieurs les voleurs !

— Et vous cherchez toujours les ennuis comme ça ? demanda Jack.

L’homme ricana puis rangea ses deux poignards. Doucement, il se dirigea vers le tronc d’arbre, ramassa une larve d’un coup sec et rapide, puis la leur montra.

— Ce que vous voyez, ce ne sont pas de simples larves.

Il la jeta contre un arbre, ce qui provoqua une petite explosion. Des flammes embrasèrent le tronc avec une rapidité fulgurante. En quelques instants, l’arbre se changea en cendres, puis de petites boules lumineuses apparurent en son sein. D’autres larves étaient nées.

Thor resserra sa main sur le pommeau.

— Je suppose que vous vous attendez à ce que nous vous remercions ?

— Pas vraiment, je sais à quoi m’attendre avec des gens comme vous.

Thor hésita un instant puis rangea son arme.

Soudain, la brise s’intensifia dans leur dos, leur rapportant un bruit étrange. Au bout du chemin, une forme de vie absorbant toute lumière autour d’elle était en train de leur foncer dessus.

— Merde ! s’écria l’inconnu.

Il essaya de filer et de retourner se cacher dans la forêt, mais un violent coup de branche le repoussa. Il tenta la même manœuvre à plusieurs reprises, mais la végétation bougeait en même temps que lui, l’empêchant de sortir du sentier.

— Courez ! s’écria-t-il, avant de s’enfuir à toute allure à l’autre bout du chemin.

Les trois compagnons l’écoutèrent sans rechigner et le suivirent avec empressement.

— Qu’est-ce que c’est ? demanda jack.

— Une des créatures de la forêt. Celle-ci, je ne la connais pas ! Mais quiconque n’ayant pas le droit de fouler cette forêt et marchant sur ce sentier est tout de suite repéré.

— Pourtant, nous n’avons pas eu de problème jusque-là !

L’homme regarda derrière lui et vit l’ombre menaçante se rapprocher dangereusement. Il tenta d’accélérer, mais il était déjà au maximum de ses capacités. Il essaya à nouveau de sortir du chemin, mais la même scène se répéta : les arbres le rejetèrent à coups de branche. Cette fois-ci, le choc lui coupa le souffle pendant un instant, l’empêchant de repartir sur le coup.

— Merde…

Serem l’aida à se relever et ils se remirent à courir.

— Ce… cette chose… ne vous a pas remarqués, je ne sais pas pourquoi. Mais moi, dès que j’ai mis le pied sur ce sentier, il était déjà trop tard…

Il hésita à regarder derrière lui, mais préféra se concentrer sur sa course effrénée. Puis, devant eux, le sentier rétrécit brusquement pour enfin se refermer. Les branches et les lianes s’étaient tissées en un mur végétal, avançant vers eux en sens inverse. Ils s’arrêtèrent net.

Ils regardaient autour d’eux, cherchant un moyen de s’échapper. Thor grommela.

— On est en pleine forêt, et il n’y a aucune ombre qu’on pourrait utiliser pour se cacher. C’est invraisemblable !

— Bienvenue dans la Forêt des Caprices, ironisa l’homme.

— Attention ! lança Serem.

L’ombre les engloutit en un instant, transformant l’endroit lumineux en un désert d’obscurité. Jack se sentait si mal qu’il tenta de crier, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Il tenta de bouger, mais il avait l’impression de ne réussir qu’à dépenser son énergie inutilement.

Une immense peur l’envahit. Il le savait, cette peur n’était pas la sienne, car peu de choses pouvaient l’effrayer. Mais cela semblait provenir d’une autre entité, lui infusant par force ce sentiment. Il avait beau se débattre, essayer de repousser cette peur, mais au bout d’un moment il succomba. Une terreur inégalée s’empara alors de lui et tout espoir de réussite s’évapora.

Dans les ténèbres grandissantes, dénué de tout espoir, il perdit connaissance.

Le soleil était couché depuis longtemps, pourtant la forêt était toujours aussi illuminée. Les rayons transperçant les feuillages réveillèrent Jack. Il était en sueur et avait uriné dans ses vêtements, mais il était en vie.

Il s’assit et attendit que ses compagnons fassent de même. Ils se levèrent doucement et virent eux aussi qu’ils avaient souillé leurs vêtements. Ils se regardèrent alors avec stupeur, puis furent pris d’un fou rire. Ils rirent ainsi pendant quelques minutes, comme pour évacuer tout ce malaise et cette souffrance subie. Quel meilleur remède à l’effroi que le rire ?

Une fois leurs esprits retrouvés, ils se levèrent. Leurs jambes étaient encore engourdies et tremblantes.

— Il semble que notre invité ait disparu, remarqua Thor.

Serem et Jack regardèrent autour d’eux : plus aucune trace de l’homme. Le sentier avait retrouvé son aspect normal et l’ombre n’était plus.

— Que s’est-il passé ? demanda Jack.

— Il semblerait que cette… créature, quelle qu’elle soit, nous ait épargnés.

Il toucha ses vêtements comme pour vérifier qu’il était bien vivant.

— Probablement grâce aux vêtements que Kalene nous a donnés.

— Dans ce cas, nous lui devons très certainement la vie, ajouta Serem.

— Quant à ce chasseur… il est fort probable qu’il y soit passé.

Thor ramassa son épée qui traînait par terre et fit signe à ses compagnons.

— Bon, à partir de maintenant et jusqu’à ce que l’on soit sorti de cette fichue forêt, plus un mot !

— Et on ne touche à rien ! ajouta Serem.

Ils suivirent à nouveau le chemin, cette fois-ci sans un bruit. Sans même s’apercevoir que derrière eux, la forêt engloutissait les restes d’une jambe juste avant de recracher deux poignards.

Une ombre sortit à nouveau des fourrés, une lueur rougeoyante brillant en son sein. Elle poussa un cri strident et disparut.

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