Interlude - Rouge sang

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Être de cendre, nul ne peut l’atteindre,

Emplis d’effroi, tous doivent le craindre.

Touchez l’infortune, vous ne serez plus rien.

Devenez cendres, vous êtes désormais sien.

Coutumes et rituels d’initiation au culte de Shâadodrag

Ce qui a fait la particularité et la puissance de l’Œil Rouge, c’est avant tout son aptitude à s’immiscer dans les rangs des grandes puissances. Et ce sans qu’elles ne s’en rendent compte.

C’est ainsi qu’après plusieurs dizaines d’années d’infiltration, des membres de l’Œil Rouge ont pu occuper des postes influents, leur permettant ainsi de cacher leur activité principale : un véritable réseau de commerce parallèle tiré du pillage et de l’assassinat.

On raconte qu’à l’époque, avant même la création de l’Œil Rouge, deux guildes de voleurs et d’assassins se battaient férocement au sein de Talyon : les Dominions et les Assassins d’Anthor.

Une véritable guerre entre ces deux factions sévit pendant plusieurs mois, juste avant que Gorgon n’arrivât dans cette ville.

Il proposa alors ses services d’assassin aux chefs des deux guildes. Ces derniers, cherchant à chaque instant de nouveaux bras vengeurs, l’embauchèrent pour s’éliminer mutuellement.

Dans ce chaos ambiant, il lui fut aisé de les faire disparaître. C’est alors que leurs guerres intestines cessèrent et que les deux guildes se dispersèrent.

Désorganisés, beaucoup de voleurs et d’assassins tentèrent de construire leur propre guilde. En vain. À chaque fois qu’un nouveau clan commençait à faire parler de lui, tous ses membres disparaissaient mystérieusement. De temps en temps, un corps était retrouvé au fond d’une cave, mais la plupart du temps il ne restait aucune trace d’eux.

Ceci était l’œuvre du clan qu’avait commencé à former Gorgon. À l’époque, il n’avait pas de nom, car Gorgon avait une devise : « Sois sans exister ». Si tu n’existes pas aux yeux des gens, alors tu peux te permettre de faire ce que tu veux sans être inquiété. Or le simple fait d’avoir un nom supposait que le clan existait, ce qui n’était pas dans ses objectifs.

Gorgon voyait tout mais personne ne le percevait. Il agissait toujours dans l’ombre. Il recrutait d’ailleurs ses membres d’une façon assez particulière : lorsque ses flèches s’abattaient sur ses ennemis, il faisait en sorte que les preuves accusent quelqu’un. Si cette personne s’en sortait, à ce moment il décidait si elle était capable ou non d’appartenir à sa propre guilde. Mais ceux qui échouaient étaient éliminés, sans état d’âme.

Cette façon de procéder eut finalement l’effet d’annihiler toute trace de délinquance. Du moins en apparence. Tous les malfrats préféraient soit partir vers d’autres contrées moins dangereuses, soit se faire oublier et redevenir d’honnêtes citoyens. Seuls les plus aguerris ou suicidaires restaient pour tenter de s’imposer.

À cette époque, Talyon était gouverné par Uthor Bellelame, père d’Arathor. En apparence, son peuple avait toujours cru que c’était grâce à lui que la criminalité avait disparu, et voyait donc en leur seigneur d’époque un véritable sauveur. Mais peu de gens savaient de quoi il en retournait réellement, et ceux qui étaient au courant n’avaient jamais cherché à le faire savoir, bien au contraire. A présent que les criminels étaient inexistants aux yeux du peuple et du pouvoir, ils pouvaient dorénavant s’attaquer aux choses réellement intéressantes : la fortune et le pouvoir. Et ce, en toute discrétion.

La première étape de Gorgon était achevée. Il avait réussi à faire croire à un peuple tout entier qu’il était en sécurité, alors qu’il n’avait jamais été autant en danger.

Il manipula aisément beaucoup de gens, conquit et utilisa bon nombre de femmes pour arriver à ses fins. Homme politique le jour, assassin la nuit, il eut toujours de multiples visages et nombre de rôles différents à jouer. Rôles qu’il maniait d’ailleurs avec une perfection redoutable.

C’est un soir de fête, alors qu’une tempête de neige avait éclaté, qu’il commit son assassinat le plus retentissant, mais aussi son unique erreur.

Alors qu’il avait été invité à dîner chez le seigneur Uthor, jouant le rôle d’un comte d’une contrée lointaine, il profita du fait que ce dernier remontait dans sa chambre pour l’assassiner froidement devant son fils Arathor et sa fille. Mais, nul ne sait pourquoi, il leur montra son visage et leur laissa la vie sauve, tout en leur glissant à l’oreille :

— Haïssez-moi et venez me trouver quand vous serez prêts.

Ils avaient respectivement douze et huit ans, mais jamais ils n’oublièrent ce visage ni ces paroles. Ils furent, à partir de cet instant, les seuls témoins de l’œuvre du Maître assassin le plus impitoyable de l’histoire de Talyon.

Des années passèrent, jusqu’au jour où Arathor atteignit l’âge de vingt et un ans et put succéder à son père sur le trône. C’est ce même jour que sa sœur disparut de la demeure familiale sans laisser de trace.

Les uns disaient qu’elle n’avait pu supporter que la couronne ne lui revienne pas, d’autres qu’elle était partie en quête de vengeance. Mais elle ne réapparut jamais, et plus personne n’en entendit parler.

Jusqu’au jour où le seigneur Arathor reçut un paquet portant les armoiries de sa famille : il contenait quelques vêtements. Il reconnut les affaires que sa sœur portait le jour de sa disparition.

Cachées sous les vêtements, il trouva également une lettre et une bague. Le bijou était serti d’un œil en or avec au centre une pupille d’un rouge éclatant.

Sur le papier, des mots étaient griffonnés :

Maintenant, à ton tour.

Des lettres écrites en rouge sang.

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