XVII - Résonnance

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Thor, Serem et Jack marchaient depuis des heures, prenant de courtes pauses quand ils le pouvaient. Ils avaient l’impression d’avoir marché durant des jours, et pourtant le soleil au-dessus de leurs têtes ne faiblissait pas.

— Ça doit être l’un des maléfices de cette forêt ! Je suis certain qu’en réalité il est couché depuis des lustres.

— Tant que nous pouvons voir, et tant que nos forces nous le permettent, nous devons sortir d’ici au plus vite ! gronda Thor.

Il regarda derrière lui et fit signe à Jack d’accélérer.

L’adolescent traînait derrière. La fatigue accumulée et la soif le tiraillant, il n’était plus très sûr de vouloir continuer à chercher Tom.

« Qu’est-ce que tu racontes ! pensa-t-il. Il le ferait pour toi, alors arrête de lambiner et accélère ! »

Il augmenta la cadence malgré sa souffrance physique et rattrapa ses camarades qui avaient pris un peu d’avance.

Après plusieurs heures de marche, ils aperçurent au loin une ombre. Ils s’arrêtèrent tous un instant, pétrifiés à l’idée de vivre cette expérience une seconde fois.

Ils attendirent quelques instants, mais elle ne bougea pas. Thor regarda autour de lui mais ne vit rien. Il se mit à avancer à pas de loup, suivi par ses deux compagnons. Ils mettaient autant de soin qu’ils le pouvaient à se déplacer silencieusement.

Au fur et à mesure qu’ils s’avançaient, l’ombre se rapprochait. Il leur était impossible de s’enfuir, ils le savaient. Il valait encore mieux affronter le danger de face et essayer de passer une nouvelle fois à travers les mailles du filet. Peut-être auraient-ils la même chance que précédemment…

Au bout d’un moment, à quelques centaines de mètres, Thor s’arrêta. Il contempla la forme au fond, qui se mit soudainement à bouger de côté, comme bercée par le vent. Les trois hommes se raidirent et arrêtèrent de respirer. Thor plissa les yeux afin de mieux voir, puis il se détendit. Il chuchota :

— Je ne pense pas qu’il y ait de danger, sinon nous serions déjà en difficulté. Néanmoins, restons prudents et ne baissons pas notre garde !

Il se tut et le groupe avança de nouveau.

Arrivés devant cette ombre, ils s’aperçurent que c’était en fait une forme noire se mouvant au gré du vent. Ils hésitèrent un court instant, puis la traversèrent en fermant les yeux.

Une légère brise vint frapper leur visage, les faisant sursauter sous le coup de la surprise.

Après quelques pas, la brise s’intensifia et ce fut du vent qui souffla sur leur visage. La terre et la boue avaient laissé la place à de l’herbe douce et humide. Ils ouvrirent les yeux mais ne virent rien sur le coup. Ce ne fut qu’après quelques secondes, quand leurs yeux commencèrent à s’habituer à l’obscurité, qu’ils comprirent où ils étaient : au milieu d’une plaine dégagée, le plafond étoilé scintillant au-dessus de leur tête, ils étaient enfin sortis de la forêt.

Une joie immense s’empara d’eux, mais Thor leur fit signe de se calmer et de s’éloigner au plus vite de la lisière, comme pour laisser une plus grande distance entre cette forêt maléfique et eux.

Ils purent enfin laisser éclater leur joie.

— Merde alors ! Ça fait du bien de sortir de cet enfer ! déclara Serem dans un rire rauque et nerveux.

— Il fait vraiment nuit en fait… Cette forêt est incroyable ! s’étonna Jack.

Thor s’assit dans l’herbe trempée de rosée, puis s’allongea dans un râle de soulagement.

— Je crois que nous avons bien mérité notre repos ! affirma-t-il.

— Je pourrais dormir n’importe où, maintenant !

— Et moi donc ! déclama Serem. J’ai faim, j’ai soif, mais je m’en fous. Je suis tellement fatigué et heureux que je vais me satisfaire de cette herbe bien fraîche !

— Tu ne vas quand même pas…

Jack le vit arracher une poignée d’herbe qu’il se mit à croquer.

Du bonheur se dégageait de chaque visage, mais une immense fatigue s’était emparée de leur corps. Finalement, très vite, leurs rires cessèrent et tous s’allongèrent à même le sol. En moins de temps qu’il n’en faut pour le dire, leurs paupières lourdes se fermèrent et ils s’endormirent profondément.

Le soleil caressait le visage de Jack lorsqu’il ouvrit les yeux. La soif le tiraillait et son ventre grondait, mais ce repos lui avait fait le plus grand bien. Une nuit sans rêve comme on en fait peu.

Ses deux compagnons dormaient encore à côté de lui, et Serem ronflait comme un goret.

Jack se leva, aperçut avec soulagement un petit point d’eau non loin de leur campement de fortune, et alla y étancher sa soif. Après s’être débarbouillé, il s’en retourna tranquillement, flânant en route et admirant la beauté d’un paysage simple.

Arrivé à hauteur de ses compagnons, il fut saisi d’une étrange impression. Le vent cessa de le caresser et les ronflements de Serem s’arrêtèrent net. Il regarda autour de lui, mais plus rien ne bougeait.

Soudain, il entendit une première explosion résonner. D’autres suivirent peu après. Au loin, des voix se firent entendre : celles de deux personnes, discutant calmement. Puis une voix sembla prendre le dessus, s’imposant à l’autre. Il n’arrivait pas à comprendre leurs paroles, mais il parvenait à percevoir les intonations.

Au bout d’un moment, ils cessèrent de parler et tout redevint calme. Mais rien ne s’était remis à bouger. Il tenta de réveiller Serem et Thor, en vain. Ils étaient comme pétrifiés, exactement comme cela s’était passé à Rochenoire ou à Tilmar. Et, dans ces cas-là, il se retrouvait seul, incapable de compter sur ses coéquipiers.

C’est alors qu’il entendit des paroles, beaucoup plus audibles cette fois :

— Chut, je crois que l’on nous écoute !

— Mais qui donc le pourrait ?

Il sentit une présence se rapprocher.

— Voilà qui est intéressant !

Un être habillé de noir apparut devant lui. Il portait un masque rouge et des cheveux de feu. Le Magmort le fixa.

— Qui êtes-vous ? demanda l’adolescent.

— Il peut nous voir ? Et bouger aussi ?

— Comme je te le dis, c’est intéressant.

— C’est un Magmort ?

— Non, du moins pas encore. Pour ça, il faudrait que son esprit s’éveille complètement et s’allie au maître.

— Je vois ! Tu connais un moyen ?

Le Magmort leva son bras et le pointa en direction de Jack.

— Tout comme toi, il faut qu’il meure !

Une boule de feu sortit de son doigt et vint exploser aux pieds de Jack, qui l’évita de justesse.

Il n’avait pas vraiment peur, mais il était intrigué par la créature. Et il sentait comme un lien invisible entre eux.

— Vous êtes qui ?

Une autre boule de feu fonça sur lui, mais il réussit là encore à l’éviter. Il avait l’impression de pouvoir lire dans les pensées de son adversaire, son intuition semblait lui dicter ses mouvements afin de contrer le danger.

— Imbécile ! Arrête de penser !

L’esprit repoussa Syl dans ses retranchements et jeta une nouvelle boule de feu qui vint finalement percuter le garçon de plein fouet. Le choc fut tel qu’il le fit se rapprocher des abords de la forêt, lui coupant le souffle tout en lui brûlant l’abdomen. Une douleur atroce l’envahit, il était à présent incapable de respirer ou de faire le moindre mouvement, ses muscles étaient comme tétanisés.

Le Magmort réapparut à nouveau devant lui, posa un pied sur son torse à moitié brûlé et pointa son doigt en direction de sa tête.

— La tête serait une mauvaise idée, il risque de ne pas réussir à se réveiller.

Il retira son pied et dirigea son bras en direction du cœur de l’adolescent.

— Là, c’est mieux !

C’est alors qu’une boule de feu sortit de son doigt et alla frapper un arbre au loin. Jack vit la main de son ennemi tomber de son bras pour s’écraser à terre.

Le Magmort hurla de douleur et esquiva vivement quelque chose. Kalene apparut entre l’enfant et la créature, une fine épée à la main.

Jack réussit progressivement à retrouver son souffle. Il l’entendit demander :

— Tout va bien, Jack ?

Il susurra faiblement :

— Pas… vraiment…

Kalene avança avec une extrême rapidité en direction de leur ennemi. Elle venait de dégainer une dague en plus de sa lame. Ce dernier tenta d’esquiver la pluie de coups de Kalene, mais ne réussit qu’à parer un coup sur deux, ce qui eut pour résultat de lui lacérer les bras et le corps.

Peu après, voyant qu’il ne pourrait jamais avoir le dessus, il disparut dans une explosion, proférant des menaces à peine audibles.

Kalene rangea son arme et s’approcha de l’adolescent. Elle lui tendit la main.

C’est là qu’il aperçut les yeux de la jeune femme passer d’un bleu obscur et flamboyant à un bleu pâle. Puis le vent se remit de nouveau à souffler et les ronflements de Serem reprirent de plus belle.

— Ça va aller ? demanda-t-elle.

— Je… crois que oui, répondit-il doucement.

Elle l’aida à se relever. Il réussit à reprendre le contrôle de ses muscles, mais son torse le brûlait atrocement. Elle l’aida à marcher jusqu’à ses compagnons, puis leur donna à tous les deux un coup de pied, les réveillant par la même occasion.

— Eh ! Mais, qu’est-ce que tu…

Serem aperçut Kalene, puis Jack dont une partie des habits était brûlée.

— Que s’est-il passé ? demanda Thor en bondissant sur ses pieds.

— Quelques problèmes pendant que vous dormiez tranquillement, ironisa Kalene.

Jack et Kalene savaient que Serem n’aurait jamais pu les aider, mais cela amusa la jeune femme. Jack se prit aussi au jeu, surtout en voyant la réaction de Serem :

— Bordel, mais c’est pas possible ! Tu aurais pu appeler à l’aide aussi ! Pourquoi je ne me suis pas réveillé ? Un danger, je le sens rapidement en plus ! Nan, mais c’est pas vrai, cette foutue forêt m’a vraiment bousillé les sens…

Tandis qu’il continuait à s’énerver, Kalene se mit à genoux, sortit un bandeau de ses affaires et commença à en entourer le torse de l’adolescent.

— Je suis désolée, c’est tout ce que j’ai !

— Mais que s’est-il passé ? Pourquoi ses vêtements ont-ils brûlé ? demanda Thor.

— C’est une longue histoire, mais nous n’avons plus le temps, il faut partir maintenant.

Les compagnons se regardèrent, puis Jack osa demander :

— Et… Tom ? Où est-il ?

Elle baissa la tête et ne répondit pas sur le coup. Elle finit d’attacher les bandages au torse de l’enfant puis répondit d’une voix inhabituelle :

— Il… n’est plus. Je n’ai pas pu…

Tous baissèrent la tête et des larmes commencèrent à rouler sur les joues de l’enfant.

— Tout ça pour rien ! s’énerva Serem.

— Non, répondit-elle. Ce que vous avez fait n’est pas rien, et je vous en suis très reconnaissante.

Elle se releva, posa sa main sur la tête de Jack et continua :

— Maintenant que vous êtes ici, je vais encore avoir besoin de votre aide.

— Tout ce que tu voudras, affirma Thor.

— Je vous expliquerai tout en route, mais nous devons atteindre le Nexus avant la tombée de la nuit.

Les yeux de Serem s’écarquillèrent.

— On ne passe plus par cette forêt ? Alors, ça me va parfaitement !

Kalene sourit faiblement et ne répondit rien de réellement audible. Jack avait cru lire un « Merci » sur ses lèvres, mais il n’en était pas totalement sûr.

Nos quatre amis se mirent en marche, et Serem se plaça juste derrière Jack sans le lâcher d’une semelle.

— Euh… qu’est-ce que tu fais ? demanda naïvement Thor.

— Je ne te quitte plus des yeux ! Comme ça, je ne risque plus de passer à côté du danger.

Tous sourirent. Car, ils le savaient, il leur serait impossible de le faire changer d’avis.

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