Le trépas

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Avec le soutien de  Milia, Mac Aroni 
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Elle lance des défis à la vie, et à chaque fois, remporte la partie.

Derrière son drap noir, la Mort camoufle sa faux, instrument de terreur qui, le moment venu, nous assaille* froidement. On croit à tort que la Mort est seule à se liguer contre la vie, cela est évidemment faux : le temps est une précieuse amie qui ne lui fait jamais défaut; elle nous mène toujours, pauvres humains que nous sommes, inéluctablement vers le tombeau.

On entend souvent dire que mourir est injuste. Ceux qui pensent cela ont besoin de lire ceci : dans une société où rétablir la justice devient la norme, la Mort se charge à merveille de cette mission ; nous sommes tous égaux face à Celle-ci. Cependant, ne soyez pas triste de perdre la partie à chaque fois : les règles ont été établies, la Mort doit gagner au jeu de l’échiquier, c'est un fait. Mais sans joueur, la Mort n'aurait aucune raison d'être. La Mort nous angoisse, nous rend abouliques* car elle est inconnue, vague, floutée et désespérante.

C'est une parfaite étrangère que nous croiserons forcément un jour ou un autre, dans une petite ruelle sombre, un soir d'hiver peut-être. Elle nous accueille à bras ouverts et, telle une traîtresse, nous emmène dans son sanctuaire d'ossements. Certains d'entre nous l'attendaient, cette chère inconnue qui va vite nous devenir familière, ils l'attendaient et l'ont suivi sans un mot, apaisés de quitter cette partie acharnée où l'espoir nous a abandonnés. Malgré les enfants abandonniques* que nous étions, nous tendons presque indifféremment la main vers cette future Promise.

Mais pourquoi diable la Mort continue-t-elle de jouer si sa victoire est déjà assurée ? Fait-elle cela seulement pour exister ? Est-ce son obsession de faire croire à l'Homme qu'il a des chances de gagner ? Ou, s'attend-elle à voir un jour, un joueur plus rusé ?

Cependant, la Mort ne peut pas le nier, l'Homme a développé de déstabilisantes stratégies de jeu : il s'est dorénavant attendre davantage avant de se mouvoir, il bouge lentement, le plus lentement possible les pièces de l’échiquier afin de faire durer la partie, afin de rallonger sa succincte vie.

Penser constamment à la Mort, y édifier un sanctuaire sacré en son honneur dans notre esprit impuissant et honteux de l'importance qu'il lui témoigne ; cela conduit inévitablement à une réflexion sur son contraire, la Vie. Adieu innocence, adieu naïveté enfantine, adieu les plaisirs et le bonheur de l'insouciance, à défaut de la foi seul l'oubli peut nous sauver quand l'on commence à se poser la question de la vie, de son sens, de notre existence. La vie a-t-elle un sens ou est-ce notre destinée d’errer sans but sur la planète bleue ? Peut-être que c'est à nous de donner du sens à la vie et non à la vie de nous donner un sens...

Ah cruelle vérité, vérité absolue qui se cache quelque part, pourquoi avoir insufflé le doute à l'Homme ? Il était candide, sa condition le rendait heureux, il ne voyait pas le brouillard qui s'était installé devant ses yeux et s'en portait parfaitement bien. Pourtant, une matinée, il s'est réveillé avec un pli d'angoisse sur le front : il ne sait rien et s'en contente. Alors, il s'est mis à penser, à essayer de deviner les rouages de la vie et à les dominer, mais rien ne marche, il est faible, n'en sachant qu'un peu plus que moins que rien. Cette quête du savoir l'épuise et avec elle, la vie se passe sans qu'il ne la voit réellement passer : sa vie dédiée à la recherche de la vérité, l'Homme en oubli le reste, les petites joies, les moments de partage, même un joli paysage n'a plus de valeur à ses yeux ternes, plus rien n'a vraiment d'importance dans son cœur à force de côtoyer quotidiennement les mêmes folies de son esprit abattu par les hypothèses.

En voulant accéder à la Vérité, l'Homme se refuse à vivre.

Une fois sur son chevet de mort, le mourant n'a qu'une seule espérance : la Mort lui ouvrira-t-elle les portes de la vérité ? Verra-t-il enfin la lumière rêvée ?

* Assaillir : se jeter sur quelqu'un, quelque chose pour l'attaquer.

* Aboulique : atteint d'aboulie (trouble psychique caractérisé par une difficulté à agir, à prendre une décision).

* Abandonnique : qui vit dans la crainte d'être abandonné (ici, dans le texte, il est sous-entendu : crainte de quitter la Vie, d'être abandonné aux portes de l'enfer).

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La MortChapitre8 messages | 1 an

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