Même après que la pénombre eut quitté le sommet, Caei leva les yeux en direction de l’amas d’étoiles familier, invisible aux jeunes âmes, qui l’obsédait toujours.

— Lᴇs Yᴜ ᴀᴜssɪ ᴏɴᴛ sᴏɪғ ᴅᴇ ʟᴇᴜʀs ʀᴀᴄɪɴᴇs.

Je m’emmitouflai pour me protéger du vent frais. Je songeai à un breuvage chaud quand le feu mourant se ralluma. Caei tourna la tête vers les flammes, le fantôme d’un sourire dessiné sur ses lèvres.

— Tu penses que les mythes des Yu leur servent à justifier leur sentiment de rejet ?

Elle émit un rire bref.

— C’ᴇsᴛ ᴘʟᴜs ᴏ̨ᴜ’ᴜɴ sᴇɴᴛɪᴍᴇɴᴛ. Tᴏᴜᴛ ʟᴇs ʀᴇᴊᴇᴛᴛᴇ, ɴ’ᴇsᴛ-ᴄᴇ ᴘᴀs ? Nᴏs ᴘᴇᴜᴘʟᴇs, ʟᴇᴜʀs ᴀɴᴄᴇ̂ᴛʀᴇs, Essᴇᴀ ᴍᴇ̂ᴍᴇ.

— Les Mædn n’ont pas ce genre d’histoires. Hao leur a demandé d’où elles venaient, un jour. Elles lui ont dit qu’elles venaient du désert, évidemment. Il voulait dire pourquoi elles existaient. « Parce que nos œufs ont éclos ». Il a eu beau les questionner sans relâche, il arrivait toujours à la même conclusion : il n’y a pas de raison particulière à leur venue au monde, tout comme à leur fin.

Je posai ma gourde sur le feu.

— Elles n’ont rien à justifier. Elles restent liées à leurs origines, conservent les souvenirs de leurs prédécesseurs et arpentent les terres qu’ils ont arpentées. Parfaitement limpide.

— Rɪᴇɴ ɴ’ᴀ ᴅᴇ ʀᴀɪsᴏɴ, ᴇᴛ ᴛᴏᴜᴛ ғɪɴɪᴛ ᴘᴀʀ ᴅɪsᴘᴀʀᴀɪ̂ᴛʀᴇ.

Sa nonchalance seyait mal à ses propos.

Je soupirai. Mon souffle chatouilla les flammes ; elle plissa les yeux.

— Qᴜᴇʟ ᴇsᴛ ʟᴇ sᴇᴄʀᴇᴛ ᴅᴜ ᴋᴜxᴀʏʙɪ, Kᴀʀᴇᴢɪᴀʟ ? me demanda-t-elle sans transition.

— Il n’y avait même pas besoin de creuser pour le trouver, à l’origine. Il était juste là, comme s’il avait poussé, prêt à être récolté. D’excellents alliages, difficiles à produire.

— Pᴏᴜʀᴏ̨ᴜᴏɪ ᴀ-ᴛ-ɪʟ ᴄᴇssᴇ́ ᴅᴇ ᴘᴏᴜssᴇʀ ?

Un sourire ourlait ses lèvres. Je penchai la tête.

— Il ne pousse pas… Rien ne se passera si tu en plantes. Oh, pour toi, sûrement, mais pas pour les jeunes âmes. Il n’en existe qu’une quantité limitée.

Lorsque je finis ma phrase, mon propre savoir me démoralisa. Je m’étais souvenu de choses dont ni moi, ni personne de ma connaissance n’avions été témoin. Je m’approchai peu à peu du précipice. Caei ne l’ignorait pas, et souriait indistinctement.