XLIX

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La côte d’Erk a mis un peu de temps à se ressouder complètement, le géant ayant dépensé beaucoup d’énergie la nuit du sauvetage de Cassandra. Cook est venu travailler un peu dessus, Tito a fini par cesser ses massages et on est repartis en patrouille sans Kitty, qui râlait un peu mais profiterait de l’occasion pour câliner sa sœur.

Du côté de Durrani, les choses étaient pour l’instant très calme. Il semblait n’avoir pas réagi à la blague équestre. Peut-être pour ne pas perdre la face ?

Lin voulait passer à l’étape d’après. Donc, pendant qu’on arpentait les alentours, faisant ami-ami avec les gens du coin, prêtant main forte quand il le fallait, je sais que là-haut, sur le promontoire, Lin et le Gros cherchaient, parmi toutes les idées que nos cerveaux imaginatifs avaient fournies, laquelle serait la plus à même de faire flipper Durrani et de le faire réagir. Même si Erk n’était pas d’accord, le but final, juste avant l’élimination de Durrani, était de le faire passer pour un salaud, pas un martyr.

En attendant qu’ils trouvent la bonne idée, on renouait contact avec nos villageois. Dina, la jolie Dina, mariée à un homme tellement amoureux d’elle que, si Erk avait passé un petit moment avec sa femme dans son propre lit – ce qu’il ne ferait jamais bien sûr –, il lui aurait apporté le petit déjeuner au lit le lendemain, Dina, donc, quand elle nous vit avec, enfin, le géant parmi nous, se précipita pour être la première à l’embrasser. Comme pour Katja, il la souleva dans ses bras, la faisant crier de surprise, et lui rendit son baiser. Sur la joue, je précise. Dina est toute aussi amoureuse de son mari qu’il l’est d’elle.

Les enfants étaient les suivants et Erk leur annonça que s’il n’était pas venu plus tôt, c’est parce qu’il s’était fait mal en sauvant une petite fille, ce qui fit augmenter leur volume sonore et le nombre de questions posées à la minute. Il leur fit les gros yeux et ils se calmèrent instantanément. Ce type est incroyable. Il est immense, il a une voix qui porte quand il le veut, il est puissant, il est couvert d’armes et, malgré tout, les enfants savent qu’il ne leur fera aucun mal et l’adulent.

Bien sûr, d’entendre parler d’une nouvelle petite fille, ça les a excités. Ils voulaient savoir à quoi elle ressemblait, comment elle s’appelait.

- Elle est blonde, avec des yeux bleus, il a répondu.
- Comme toi ?
- C’est ça, tout comme moi, avec une barbe et tout et tout.

Les gamins se sont marrés.

- Ça a pas de barbe, les filles… a dit un gamin.
- Attendez qu’elles grandissent…
- Mais non, regarde, la grande, là, elle a pas de barbe.
- Peut-être, a dit Baby Jane en entrant dans le jeu du géant, que je me rase tous les matins, comme Kris.

Là, ils se sont tus. Puis l’un d’eux a dit que sa maman ne se rasait pas, donc que Baby Jane se moquait d’eux.

- En voilà un qui est très observateur, a remarqué le Viking.
- Erk, dis, est-ce qu’elle pourra venir jouer avec nous ?

Là, il a tiqué. Kris a sauvé la mise en disant qu’il faudrait qu’ils demandent à la grande sœur et au chef. On a beau faire confiance à nos villageois, on ne leur a pas dit qui était le commandant de la Compagnie. Ils ne savent rien qui pourrait les mettre en danger ou les amener à nous trahir pour sauver leur peau ou leurs proches.

On n’a pas eu de bol pour cette patrouille. Les pluies ont repris sans interruption et on avait beau porter les ponchos en coton huilé, type imper australien, l’eau s’infiltrait partout et à la fin, on était trempés jusqu’à la peau.

On avait appris à doubler nos sacs à dos avec un sac poubelle (c’est grand et pas cher) pour protéger nos affaires si on était amenés à traverser une rivière – ou à se faire tremper sous les draches – et au moins les couvertures étaient sèches.

Mais au bout de quatre jours, même elles commençaient à être un peu humides à force de nous sécher.

Le premier soir, on a dormi à la belle étoile (hum…), on a suspendu quelques ponchos au-dessus de nous, on en a posé au sol et on a essayé de faire un feu. Que dalle ! On a bouffé chaud parce que les rations comportent un système de réchauffement intégré, mais macache pour le café chaud au p’tit déj.

Le deuxième soir, on a redormi à la belle étoile (toujours hum…) et les conditions étaient pires. On était pelotonnés les uns contre les autres sous les ponchos, sauf les sentinelles, et on a somnolé plus qu’autre chose.

Le troisième soir… vous commencez à comprendre.

Le quatrième soir, on a trouvé une grotte avec des signes d’occupation humaine : bois sec, traces de feu, etc. Les frangins sont partis en explorer le fond et nous ont ensuite fait entrer dans le « vestibule » de la grotte. Là, on a laissé nos ponchos dégoulinants, étendus pour qu’ils ne moisissent pas, nos casques trempés. Yaka s’est ébrouée avec vigueur, envoyant de la flotte voler dans tout le vestibule.

Erk a disparu derrière une paroi, on a entendu des bruits de bucheron puis un appel. Kris est allé voir puis nous a envoyé rejoindre le Viking.

Il avait réduit en miette une des bûches, avait utilisé le petit bois ainsi obtenu pour démarrer un feu et posé dessus une petite gamelle pleine d’eau. Il s’était débarrassé de ses fringues mouillées, sauf son pantalon, qui fumait sous la chaleur dégagée par le feu, et farfouillait dans son sac à dos.

- A poil, les gars, séchez-vous, mettez ce que vous avez de plus sec, sortez les couvertures et posez vos fesses là, a-t-il dit en montrant son poncho et celui de son frère retournés sur le sable. Restez en chaussettes.

Il a trouvé ce qu’il voulait dans son sac, a jeté des herbes dans l’eau puis a pris toutes nos affaires trempées et est allé les essorer dans le vestibule, puis les accrocher sur les murs de la grotte, pour qu’elles sèchent. Après seulement, il s’est changé, rajoutant ses affaires aux nôtres.

Kris est arrivé à ce moment-là, a dit que tout avait l’air calme dehors, qu’on pouvait sans doute, avec ce qui tombait, se reposer tranquillement cette nuit sans craindre grand-chose. Erk lui a tendu des fringues sèches et le lieutenant nous imités.

Le géant a distribué la tisane, thym, romarin, miel et quelques gouttes de brennivin, disant que ça nous éviterait de nous enrhumer. Pas sûr que ça marche vraiment, mais en tout cas, c’était chaud.

Malgré la chaleur émanant du feu, on était tous emmitouflés dans nos couvertures, à part les deux Islandais, en pantalon, chaussettes et tee-shirt, comme nous, mais sans les couvertures. Ah non, pardon, Erk était pieds nus. Et comme on grelottait tous, il est venu nous frotter le dos ou les pieds pour nous réchauffer. Il a les mains super chaudes, quand même. Tito me l’avait dit, mais là, je l’ai vu par moi-même et ce sont de vrais radiateurs.

De son sac, JD a sorti la couverture de Yaka, une de nos vieilles couvertures retaillées, pour la frotter et la sécher un peu, pendant que la tisane refroidissait doucement dans sa tasse. Il a aussi sorti sa ration à elle et lui a donné à manger. Elle est plus propre qu’Alpha, c’est une vraie demoiselle.

Ce soir, elle avait très faim apparemment, parce que pendant qu’on mangeait nos propres rations, sa truffe et sa langue sont passées bien près de notre repas. Heureusement, Cook nous prépare toujours des barres de céréales pleines de trucs variés et il en a fait avec de la viande séchée, pour la chienne.

JD lui a demandé de s’asseoir à côté de lui. Comme elle obéissait immédiatement, il l’a récompensée avec l’une d’elles. Ensuite, il lui a demandé de monter la garde. Elle a pris sa couverture dans la gueule et l’a traînée jusqu’à l’entrée de la grotte, loin des marques d’eau, où elle s’est postée, posée dessus.

- De plus en plus maline, celle-là, a remarqué Kris. C’est toi qui lui as appris, JD ?
- Oui et non. Je sais qu’elle nous observe et qu’elle réfléchit. Elle n’est pas aussi intelligente qu’un corbeau, mais elle est capable de résoudre des problèmes simples, comme d’utiliser certains outils s’ils existent déjà, pour bloquer une porte ouverte, par exemple. Je pense qu’elle serait capable de faire fonctionner le thermos à pompe dans lequel il y avait le thé l’autre jour.
- Elle a été modifiée ? Euh, améliorée ? a demandé Quenotte.
- Faudra demander à Lin, je n’en ai aucune idée, c’est elle qui a choisi les chiens.
- D’ailleurs, pourquoi une femelle ? Avec leurs chaleurs, c’est pas pratique…
- Euh, Quenotte, je suis là, moi, a dit Baby Jane.
- Mais c’est pas pareil, tu es autonome, pas elle.
- Mais si, c’est pareil. C’est aussi gênant pour nous, ces moments-là…

Quenotte a eu la bonne idée de rougir et de s’excuser.

- Je ne t’en veux, Quenotte, c’est une chose que vous ne pouvez pas vraiment comprendre. Mais heureusement, nos implants régulent nos hormones et diminuent les douleurs. Pour Yaka, c’est pareil.
- D’ailleurs, a demandé Kris, Baby Jane, as-tu prévenue Kitty ?
- Oui, de ce côté-là, c’est bon. Elle a fait ça après les tests sanguins habituels.
- Parfait. Merci ma belle.

Erk et Tito étaient tellement silencieux, ce soir-là, que j’ai jeté un œil vers eux. Le Viking nous écoutait et mon p’tit pote s’était endormi, roulé en boule dans sa couverture sur le poncho à coté du géant qui, voyant mon regard, posa son index sur ses lèvres. Tito frissonnait par moment et Erk lui frottait très lentement le dos de sa main libre.

Mon p’tit pote n’est pas fait pour le froid. Il est tout mince, presque sec, tout fin, même s’il est très costaud, et n’a pas beaucoup de réserves. Et comme c’était la première fois depuis trois nuits qu’on était enfin au chaud, la fatigue – on dort mal quand on est trempé – l’avait rattrapé. Kris ne disait rien, mais son regard glissait de temps en temps sur l’Albanais puis vers son frère et les deux hommes échangeaient des messages secrets par leurs regards.

- Erk, tu nous as fait une sacrée démonstration de force l’autre jour, j’ai dit. Tu as soigné Kris, tu as soulevé une maison et tu as resoigné Kris, qui n’a toujours aucune cicatrice…
- Pour changer, a marmonné ce dernier.

Erk lui a fait un grand sourire et n’a rien dit. J’attendais une réaction mais rien.

- Erk, comment tu fais ? j’ai insisté. L’autre jour tu disais que ton Don est moyen…
- Ça, c’est parce qu’il…

Kris s’est interrompu devant la moue légèrement moqueuse de son frère. Il a froncé les sourcils. Puis, avec un sourire ironique, il nous a raconté l’histoire de l’élingue du Varda. Je suis sympa, je vais vous la transmettre.


* *

C’était l’été de leurs quinze ans, sur les Iles Vestman, au sud de l’Islande, où ils sont nés et ont grandi. Le père d’Erk, avant sa mort, faisait la navette bi-journalière entre l’île principale et Reykjavik, pour le courrier, les trois pharmacies et l’hôpital. Ce qui était urgent et/ou tenait dans son hydravion. Pour le reste, il y avait un port de commerce et un port de pêche, quasiment côte à côte. Il y a aussi une marina et un quai pour les ferrys, mais c’est le port de marchandises qui nous intéresse, dans cette histoire.

Dýri, le père des deux garçons, qui savaient déjà qu’ils n’étaient pas frères de sang, croyait en la valeur de l’effort et la récompense du travail bien fait. Leurs vacances commençaient donc, tous les matins, par le déchargement des bateaux de pêche, très tôt, suivi par du désherbage dans les potagers des voisins et leurs après-midi étaient libres.

A l’époque, nous dit Kris, la Capitainerie du port avait dû laisser, de nouveau, le soin à chaque bâtiment de commerce de décharger soi-même, avec ses propres grues. Il paraît que c’était suite à un procès que le port avait perdu et dont avait découlé cette interdiction de prendre en charge ce truc-là. Bref.

Les garçons, Erk mesurant déjà 1,90m, Kris à peine 1,65m, dégingandés tous les deux mais, à force de trimballer les cageots de poisson, déjà relativement musclés, les garçons, donc, quittaient le port de pêche en passant par le port de commerce pour rejoindre leur quartier et les potagers qui les attendaient. Il fait froid, là-haut, et la saison optimale pour les légumes étant courte, il faut en profiter au maximum.

Un gros cargo vénézuélien, le Varda, avait fait relâche la veille au soir et commençait le déchargement de ses marchandises. Sa grosse grue d’avant abaissait lentement sur le quai une plateforme avec un véhicule, type Range-Rover avec de gros pneus adaptés à la conduite sur neige, et des pièces détachées sur palette pour les autres véhicules des îles, et les garçons s’arrêtèrent un instant pour s’assurer qu’ils pouvaient passer sans gêner la manœuvre.

- Tout à coup, j’ai eu une impression d’angoisse terrible, a dit Kris. Mon premier pressentiment. Mon Don venait de s’éveiller.

Et là, alors qu’il essayait encore de faire le tri dans ses sensations, l’élingue de la grue, le gros câble qui soutenait la charge, a pété. Erk l’a poussé de côté en se jetant à plat ventre. Le câble a fouetté l’air à la vitesse d’une balle de fusil et la plateforme est tombée de sept mètres de haut, son chargement projeté à grande vitesse tout autour du point d’impact.

Quand Kris a repris ses esprits, il a vu Erk à genou près de blessés. Trois personnes avaient été touchées par l’élingue ou du shrapnel et étaient grièvement blessées. Il les avait rassemblées et avait instinctivement commencé les soins.

N’ayant aucune connaissance médicale à l’époque, il avait simplement cherché à limiter l’hémorragie et à les empêcher de mourir. Il les avait allongées côte à côte, touchant les deux personnes extérieures. N’ayant, comme tout le monde, que deux mains, il avait déchiré le bas du pantalon de la troisième et relevé une jambe de son propre pantalon, pour pouvoir le toucher peau à peau.

- Et là, il a prié, a dit Kris. Erk n’a pas interrompu son frère, l’a laissé raconter.
- Prié ? a demandé Quenotte, interloqué.
- Je crois en Dieu, a répondu Erk. Le nom qu’on lui donne, le rituel que l’on suit, cela m’importe peu, du moment qu’on ne se sert pas des différences pour se faire la guerre. Ce qui compte, pour moi, c’est la sincérité. Comme l’a dit Kris, sans connaissance médicale, il me restait la foi.

Il avait un sourire un peu ironique, en disant ça. Dans les âges dits obscurs – mais qui ne l’étaient pas toujours – on disait que seule la foi sauvait. Puis la médecine était arrivée et avait balayé la foi. Erk avait, semblait-il, réconcilié les deux, du moins à cette occasion. Pour ce qui est des autres, il faudra que je le lui demande, un jour où j’en aurai le courage.

Kris revint à son récit.

Pendant qu’Erk s’occupait des trois victimes les plus graves, vers lesquelles son Don l’avait attiré, Kris, lui, s’est relevé et s’est dirigé vers les autres blessés, tous légers à part une femme qui pouvait marcher mais avait besoin de soins. En l’accompagnant jusqu’à Erk, sans trop savoir ce que son frère pourrait faire, Kris s’est dit que sa chute avait été plus brutale qu’il le pensait parce qu’il avait de plus en plus de mal à avancer. C’est la femme qu’il accompagnait qui l’a aidé à faire les derniers pas.

Erk, les voyant, est devenu blanc et leur a intimé de le toucher, car il ne pouvait plus lâcher les trois autres. Il était torse nu, ayant utilisé son tee-shirt pour essayer d’étancher la plaie à l’abdomen de l’homme du milieu. Kris, au bord de la perte de conscience, savait qu’il devait toucher la peau d’Erk, et a donc donné les instructions à la femme.

- Je me suis écroulé contre Erik, la vision floue puis tout s’est vite arrangé, parce que son Don a fait son boulot.

Quand les ambulances sont arrivées un peu plus tard, les médecins ont pris en charge les deux blessés extérieurs et ont dit à Erk de continuer à toucher l’homme blessé à l’abdomen, jusqu’aux urgences.

Les toubibs ont d’abord vu Erk couvert de sang, celui de Kris dans le dos, celui des blessés sur les mains et les jambes, et ont cru qu’il fallait aussi le soigner.

Le médecin urgentiste de garde, qui était la chirurgienne en chef de l’hôpital, l’a reconnu et, voyant que son Don était tout ce qui maintenait le blessé en vie, lui a demandé de ne surtout pas lâcher l’homme et de le suivre au bloc.

Et Erk est entré au bloc couvert de sang et de poussière, torse nu, et y est resté jusqu’à ce que le morceau de tôle qui transperçait le blessé soit retiré et que le Don d’Erk ait facilité la cicatrisation des intestins de l’homme. L’opération avait duré longtemps. Pauvre type, il a dû souffrir mille morts !

- Et là, a dit Quenotte, il s’est écroulé de fatigue.
- Même pas, a répondit Kris.

Une infirmière l’a pris en charge pour qu’il puisse se doucher et se changer, mais il est allé dans la salle d’attente, où se trouvaient les blessés légers, et les a tous soignés.

- Et là ?
- Toujours pas.
- Mais attends, ce n’est pas possible, Kris, tu te fous de nous. Il t’a soigné, toi et une femme, plus trois blessés graves qu’il a maintenus en vie, plus…
- Je sais, il y avait une vingtaine de blessés légers, plus les urgences habituelles. Et la femme et moi avons été intégralement soignés, sans rien d’autre pour preuve de nos blessures que les déchirures de nos vêtements et le sang qui nous couvrait.

Le Viking ne disait rien, passant toujours sa main dans le dos de Tito qui ne tremblait plus. Quenotte l’a regardé, Erk a levé un sourcil avec un sourire en coin. De lui, il n’obtiendrait rien ce soir-là.

Retour sur Vestman. Erk a ensuite pris une douche, mis la tenue d’infirmier qu’on lui avait fournie pour remplacer son tee-shirt et son pantalons ensanglantés et, attiré par la douleur de quelqu’un, est monté au premier étage. A la maternité, un nouveau-né souffrait de coliques atroces, qu’il a calmées et guéries ; dans le département d’oncologie, une femme souffrait, et il a passé un moment avec elle. Mais non, il ne l’a pas guérie, a dit Kris pour devancer la question de Quenotte, il lui a juste offert un répit dans sa douleur.

C’est là que Dýri, appelé à la rescousse, l’a trouvé, bavardant et rigolant avec cette femme.

- Et là ?
- Toujours pas, Quenotte.

Il s’est renfrogné, il avait du mal à croire l’histoire de Kris. Il n’était pas le seul. Chaque fois que je l’avais vu (ou qu’on me l’avait rapporté) soigner, il avait été épuisé après. Puis je me suis souvenu qu’il était blessé, dans mon cas, ou rentrant d’une patrouille un peu longue, et pour un os, dans le cas d’Alyss, ou qu’il avait soulevé une maison, dans le cas de Kris. Et reçu des coups de fouet, dans le cas du Gros. Merde.

Après ça, Erk est rentré chez lui avec Kris et Dýri, a englouti l’équivalent de deux repas, ce qui n’a pas trop surpris les parents puisqu’il était en pleine croissance, et a eu à peine le temps de se laver les dents et de s’effondrer sur son lit.

Il a dormi deux jours d’affilée, sans bouger. Il s’est levé au bout de ces deux jours pour pisser et boire un verre d’eau et est retourné dormir 24 heures. Pendant ces trois jours, le salon de la maison de Hella a été rempli de cadeaux de la part des gens qu’Erk avait soigné.

- J’ai du mal à croire cette histoire, quand même, a dit Quenotte.
- Tout est vrai, Quenotte, a dit Erk. Quand j’ai vu dans quel état était Kris, j’ai bien cru que j’allais m’évanouir d’angoisse. Il… Il aurait sans doute perdu son bras, ce jour-là.
- Oui, mais sans marque sur son corps, comment veux-tu que je te croie ? Pour tes beaux yeux ?
- Ça serait pas mal, a dit le géant en battant exagérément des cils, mais non, je ne peux pas te demander de me croire aveuglément. Il y a des rapports de police, des dossiers médicaux. Un article de journal. Bon, c’est en islandais, bien sûr, mais tu peux demander à Lin.
- Erk, a dit Baby Jane, ouvrant la bouche pour la première fois depuis le début de l’histoire, quelles sont les limites de ton Don ?
- Aucune idée, si ce n’est que je ne peux pas me soigner moi-même. Il y a des blessures bénignes que je n’arrive pas à soigner, d’autres plus graves que j’efface complètement. Je pense qu’il y a aussi à prendre en compte le destin des gens.
- En tout cas, a dit Quenotte, ce qui est sûr, c’est que votre vie est nettement plus intéressante que la nôtre…

Erk a eu un sourire en coin.

- Il y a un proverbe, ou plutôt une malédiction, qui dit : « Puisses-tu vivre des temps intéressants ». Ce sont généralement ceux qui finissent dans les livres d’histoire.
- Enfin, Erk, il faut avouer que vous avez eu, jusqu’à présent, une vie agitée. Vous auriez pu ne jamais quitter vos îles…
- Oui, l’Archer, tu as raison. Mais mon Don doit être utilisé, ce qui est sans doute la raison pour laquelle je suis attiré sur les champs de bataille, les lieux d’accidents et autres joyeusetés.
- Est-ce la raison pour laquelle tu t’exposes ? j’ai demandé.
- Non, ça, c’est son complexe de super-héros, a rétorqué Kris, avec un sourire en coin lui aussi.

Erk lui a tiré la langue.

Gamin !

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