Chapitre 5 - L'intru

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 Trouver une position confortable avec Antef qui n’arrêtait pas de bouger pour trouver la bonne position pour s’endormir fut un exploit et Ruwa décida de lui raconter une histoire dans la pénombre, consciente qu’elle, elle n’arriverait pas à trouver le sommeil tout de suite.

 – Et Shou sépara le ciel de la terre. Ainsi naquirent Nout, la belle déesse du ciel, et Geb le fécondateur dieu de la terre…, chuchotait-elle en écoutant les respirations profondes d’Antef et Iras qui avait terminé par s’endormir elle aussi.

 Ruwa se tut finalement quand elle sut qu’ils ne l’écoutaient plus. Dans le noir, son regard essayait de deviner les traits d’Antef et la bouche légèrement entrouverte d’Iras cherchant de l’air. Elle savait qu’Iras voulait faire la garde mais Ruwa n’eut pas le cœur de la réveiller, préférant laisser son amante et amie dormir.

 Tendant de se vider la tête et de grappiller quelques heures de sommeil, sans quoi elle savait qu’elle tomberait de fatigue le lendemain, Ruwa sentit un frisson la parcourir, glacé comme les nuits dans le désert.

 C’était comme si quelqu’un soufflait sur sa peau.

 Se redressant doucement, son regard chercha la porte légèrement ouverte de la chambrette d’où elle vit passer la légère lumière de la lune. Elle tendit l’oreille comme pour poser une question mais ce fut le silence qui lui répondit. Ayant comme un pressentiment, Ruwa se leva en faisant le moins de bruit et de gestes possibles pour ne pas réveiller les deux endormis. Dans ses tripes, elle sentait qu’elle ne devait les réveiller sous aucun prétexte et elle referma la porte derrière elle.

 Puis, l’adolescente regarda autour d’elle.

 Il n’y avait que le vide du couloir qui menait à la salle principale du temple. Il était tard et le prêtre et la prêtresse étaient aussi couchés, tout comme aucun autre religieux n’élèverait leur voix en cette heure.

 Ses pieds nus bougèrent comme dirigés par un fil invisible. Ruwa arriva dans la salle du temple où l’autel se dressait et la statue d’Isis semblait plus irréelle que jamais avec pour seule lumière le clair de lune. Et c’était comme si elle avait la sensation de se sentir observer de nouveau, comme cette impression et cette silhouette qu’elle croit avoir vu tout à l’heure dans la salle de bain.

 La chair de poule la saisit.

 Il y avait quelqu’un, elle en était intimement persuadée.

 Décidant de n’alerter personne, la kemetienne s’approcha du petit bassin d’eau qui coulait là. Dans l’eau entre deux lotus, elle devinait la forme de la serpe sacrée pour les rituels, incassable et si vieille qu’on n’en savait plus l’âge. Elle s’assit et se pencha pour la récupérer, se demandant ce qu’elle faisait ici et si le prêtre et la prêtresse l’avaient oublié là. Son cœur rata un battement en devinant l’ombre qu’elle avait aperçue tout à l’heure juste derrière elle dans le reflet de l’eau et sur la pierre du bassin, comme la recouvrant d’un manteau de ténèbres. Pas un cri ne sortit pourtant de sa gorge alors qu’elle resta un long moment immobile.

 Puis, se rendant compte qu’elle avait retenu sa respiration, Ruwa expira doucement.

 – Si tu veux attenter à ma vie, peux-tu au moins me laisser boire avant ? Je n’en serai que moins assoiffée lors de mon voyage dans la Douât en compagnie d’Anubis.

 Voix douce, comme une supplication.

 L’ombre ne bougea pas et elle devina que ce n’était pas la même ombre mouvante comme celle d'Amenhotep, le Septième Fils, mais bel et bien la stature d’un homme qui faisait deux fois sa taille qui se trouvait derrière elle.

Ainsi donc, Fils de Seth, tu oses envoyer quelqu’un profaner ces lieux sacrés, pensa-t-elle avec une rage non dissimulée, pensée qui lui sembla incroyable dans cette situation où elle sentait que chaque fibre de son corps lui hurlait qu’elle était en danger.

 Pour autant, retenant son souffle et trouvant en elle-même un sang-froid qu’elle ne se connaissait pas, Ruwa plongea la main dans l’eau comme pour l’attraper et se pencha comme pour boire… jusqu’à ce que sa main ne se referme sur l’objet qui se cachait dans le bassin, saisissant à pleine main le manche de la serpe magique et la sortant aussi rapidement que possible qu’elle le pouvait alors de l’eau.

 Tout se passa vite, si vite qu’elle ne fut plus très sûre de la tournure des événements.

 Alors qu’elle ressortit la serpe dans le but de se défendre, une main puissante se referma sur sa bouche, masquant une partie de son visage pour l’empêcher de crier et la plaquant contre un torse puissant. La main qui tenait l’objet tranchant se retrouva tordue dans son dos par la deuxième main de l’intru qui lui sembla aussi cailleuse que masculine. Laissant échapper un léger cri de douleur étouffé par sa bouche obstruée, Ruwa grimaça. Puis, elle se retrouva presque soulevée du sol avant de terminer sur ses deux pieds, collée et bloquée contre la personne qui l’emprisonnait. Un odeur d’olive qui lui fit penser à des champs d’oliviers ainsi que l’odeur du cuir tanné lui chatouilla les narines.

 – Tu vas te blesser, Petite Reine, souffle une voix grave et chaude comme le soleil de Méditerranée prêt de son oreille.

 Ruwa essaya de bouger mais son poignet se tordit encore plus et elle sentit les larmes lui monter aux yeux. Elle cessa alors, comprenant qu’elle n’y arriverait pas de cette façon. Mais la panique et l’urgence de la situation lui hurlaient de bouger au lieu de rester passive.

 – Je vais libérer ta bouche et récupérer ton arme. Au moindre cri et tu ne pourras pas prier ta déesse protectrice, j’en suis désolé.

 Il en était presque cavalier, cet homme et sa prévenance la rendit furieuse. Elle n’avait aucunement l’intention de le laisser faire. La princesse posa sa main sur son poignet avant de faire la première chose qui lui vient à l’esprit : lancer un sortilège. Elle n’avait pris que très peu de cours d’auto-défense mais elle savait jeter des sorts, certains très vilains pour ses adversaires.

 Se concentrant pour imaginer la main qui enserrait son poignet, Ruwa utilisa la formule magique en borhaïque et concentra la pensée de sa magie dans sa colère, et comme si un courant électrique qui passa le long de son bras puis sa main, elle ressentit une brûlure s’appliquer sur le poignet de l’homme. Comprenant qu’elle avait réussi son coup, elle l’entendit pousser un grognement et sentit sa main se desserrer, quittant sa bouche, relâchant de même la pression sur son poignet. Ruwa saisit l’occasion et se propulsa en avant brusquement avant qu’il ne la rattrape. Ses pieds nus rencontrèrent l’eau du bassin dérangeant le bruit du cours d'eau habituel. Le bruit se répercuta sur les colonnes du temple.

 Mais rien d’autre. Ruwa ne poussa aucun cri d’appel à l’aide.

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