Chapitre 24
Je détestais vraiment cette putain de machine. Ce n'était que la deuxième fois que je sautais, et j'en ressortais encore une fois tout fracassé. Il y a cinq ans, une jeune femme avait atterie entre ces quatres murs encore intact, je n'avais alors pas hésiter à secourir cette demoiselle en détresse provoquant une bousculade dans ma façon d'apprehender la vie. Elle n'était pourtant resté qu'un instant, mais le bordel qu'elle avait foutu n'en était pas moins impressionnant. Voir la milice débarquer et nous traquer comme l'ennemi public numéro un avait été très stressant et à la fois tellement excitant maintenant que j'y repensais. Je ne m'étais jamais autant senti vivant qu'à cet instant où nous étions en fuite et que nos poursuivants étaient à nos trousses. Mais tout ceci c'était si vite terminé, le lendemain mon mur avait été refait à neuf comme si rien ne s'était passé, et j'avais repris le cour de ma vie d'adolescent ordinaire. Il m'arrivait même de douter que ceci n'était qu'un rêve imaginer par un jeune homme s'ennuyant profondément et en quête d'aventure. La milice m'avait averti sur les conséquences que pourraient avoir la divulgation des informations que je détenais. Je n'en avais donc jamais parlé à personne, et avait gardé ce secret tant bien que mal au plus profond de moi, rêvant silencieusement qu'un jour, j'entendrais de nouveau la voix de cette chère Lili à travers les murs de ma chambre.
Cinq ans après, mes prières furent exaucées. Comme la première fois, j'entendis quelques coups à travers le murs, je pensais d'abord avoir imaginé ces derniers, mais une voix que je ne pouvais que reconnaître m'appela à travers le mur. Je me précipitais alors contre celui-ci et hurlait le prénom de Lili. Encore une fois, j'étais seul dans la maison et en profitait pour ouvrir à la hâte le passage à mon interlocutrice. Quand je la vis, je restais béa un instant devant l'ouverture, c'était bien ma Lili mais avec une vingtaine de plus. Un homme du même âge la suivait de près.
- Bonjour Pierre, me dit-elle en m'enlassant. Je suis si heureuse de te retrouver après toutes ces années.
Même si nous avions passé qu'une soirée ensemble, nous avions tissé un lien très fort et ce jusqu'à la fin des temps. Je me sentais connecté à elle comme ça ne m'était jamais arrivé, cela était une évidence, je n'avais pas besoin d'être avec elle pour ressentir ça. J'avais cette sensation de l'avoir toujours connu et qu'elle faisait partie intégrante de ma vie. Peu importe la distance ou le temps qui nous séparait, elle serait toujours une des personnes les plus importantes à mes yeux.
- Bonjour Lili, moi aussi, dis-je dans un sanglot en la serrant encore plus fort, tu n'imagines même pas à quel point.
Elle me présenta son compagnon, Naphaël, dont elle m'avait déjà parlé lors de notre première rencontre. Elle avait beaucoup de chose à m'expliquer et ne savait pas par où commencer. Pour elle, il s'était passé environ vingt ans depuis qu'elle avait disparu avec la milice.
Ce soir là, nous restâmes éveillés tous les trois à discuter de leur situation, de ce qu'il s'était passé lorsqu'elle m'avait quitté, son escapade dans un désert inconnu malgré elle et leur épopé faisant suite à leur retrouvailles. Je n'en ratais pas un mot et écoutais sans intervenir. À côté ma vie d'adulte était tellement insignifiante que je ne sus quoi répondre lorsqu'elle me demanda ce que je devenais. J'étais désormais détudiant et entamait ma deuxième année de master en physique fondamentale. Suite à son intervention dans ma vie, je m'étais passionnée pour cette matière. Je souhaitais comprendre les mécanismes qui régissent le temps, je voyais d'ailleurs souvent mon grand-père pour lui parler de sa machine mais il n'avait malheureusement plus toute sa tête et n'était pas d'une grande aide face à toutes mes questions.
Après plusieurs bières et autres victuailles, Lili me regarda d'un air grave et prit la parole.
- Il est temps pour toi d'avoir ton rôle dans cette bataille.
j'en tombais presqu'à la renverse et avalais de travers mon verre.
- Quoi !? interrojais-je en toussotant dans ma manche.
- Tu as très bien entendu. dit-elle sur un ton posé.
À présent, je regardais celle que nous avions sauvé des griffes de la mort. Cela faisait quelques heures que nous étions revenus à mon époque en 2015. Elle ressemblait beaucoup à Lili plus jeune ou était-ce le contraire. Il était étrange pour moi de me dire que celle-ci n'était autre que son arrière grand-mère. Je ne connaissais pas son prénom mais décidais que si Lili ne me l'avait pas donné, c'était pour une bonne raison.
Je la laissais détaillé mes divers objets et répondais au peu de question qu'elle me posait. Elle regarda mon ordinateur d'un oeil interrogateur. Elle fut surprise lorsque je l'allumais et regarda derrière l'écran pour essayer de comprendre où allait les personnes présent sur la vidéo que je lui montrais. Elle semblait subjuguée et à la fois prétrifiée.
Je n'avais pas vraiment idée de l'enfer qu'elle avait pu subir sans vraiment s'en rendre compte, esclave d'une société sans même s'en douter. L'inhibation de ses sentiments ainsi que de ses émotions avaient fait d'elle une personne ayant des lacunes à communiquer avec les autres et elle-même. Tout était nouveau pour elle, tout était à découvrir tel un nourrisson sortant du ventre de sa mère. Elle devait se familiariser avec ce qu'elle éprouvait et le monde. Ma mission était de l'aider dans cette apprentissage.
Plusieurs semaines passèrent où elle resta cachée dans ce sous-sol avec moi. Nous sortions lorsque mes parents partaient travailler ou en week-end. Petit à petit, elle réussissait à mettre des mots sur ses ressenties. Je lui montrais le monde et ses merveilles.
J'appréciais ses yeux émerveillés et remplis de curiosités dès qu'elle observait quelque chose de nouveau. Elle était transformée, je la voyais de plus en plus épanouïe, elle adorait danser, posséder tout l'espace qui était à sa disposition pour s'elancer telle une ballerine et virevolter autour de moi, elle aimait aussi chanter, rire aussi fort qu'elle le pouvait. Elle extériorisait tout ce qui n'était pas sorti jusqu'à présent. Lors d'une de ses premières sorties dehors, elle avait croisé son premier rosier rouge, et avait observé ses fleurs dans les moindre détails, elle les avait touchées, prit quelques pétales entre ses doigts, les avait froissées et humées de manière si subtile. Elle m'avait alors demandé comment s'appelait ces magnifiques fleurs.
- Ce sont des roses lui répondis-je.
- Rose, répéta-t-elle. Comme pour s'en imprégnier.
Je vis alors son regard azur se perdre au loin.
A quoi penses-tu ? demandais-je
- Je me disais que cette branche du rosier entrelacé autour de cette pierre représentait les sentiments que j'éprouve pour toi. C'est un lien très fort qui nous unit.
Je restais coi un instant face à ses paroles, elle ne m'avait encore jamais fait part de son attachement vis à vis de moi, même si cela me paraissait évident. D'ailleurs l'affection que je ressentais pour elle était similaire.
- Pierre, reprit-elle, à présent j'aimerais que tu m'appelles Rose.
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