Chapitre 25

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J'entendis frapper à la porte. Je ne pris même pas la peine de répondre, à quoi bon ? De toute façon, ils entraient tous sans attendre d'invitation. Lors de mon arrivée, j'étais devenue l'attraction phare des aînés. Piqués par la curiosité, ils n'hésitaient pas à pénétrer dans ma chambre, m'observant avec insistance tout en discutant bruyamment entre eux, sans se soucier de la gêne occasionnée. Après tout, je n'avais pas mon mot à dire. Ils m'avaient sauvée du désert et me maintenaient en vie, ce qui semblait leur donner tous les droits.

Une servante m'avait même été attribuée. Une femme silencieuse, aux traits figés, ne laissant transparaître aucune émotion, exactement comme ce que Rose m'avait décrit auparavant. Peu à peu, les visites de courtoisie avaient cessé, laissant place aux visites strictement nécessaires à ma survie.

Lorsque les personnes entrèrent cette fois-ci, je me recroquevillai davantage sous mes couvertures, feignant un sommeil profond.

— Elle ne parle pratiquement pas depuis qu'elle est ici. Je m'inquiète pour son état. Elle mange à peine et maigrit à vue d'œil. Je ne sais vraiment pas quoi faire d'elle, expliqua l'aîné qui m'avait sauvée du désert. Pourriez-vous faire quelque chose pour elle, Docteur ?

Un raclement de gorge se fit entendre avant qu'une voix ne réponde :

— Je vais faire de mon mieux. Pourriez-vous nous laisser seuls afin que je puisse commencer ?

Mon souffle se coupa. Cette voix… Non, ce n'était pas possible ! Je n'osais pas y croire. La peur de me tromper m'empêchait de lever les yeux.

— Très bien. Je ne serai pas loin si vous avez besoin de moi, Docteur Edmound.

La porte se referma. Ma respiration s'accéléra, mon cœur tambourinait dans ma poitrine au point qu'ils pouvaient sûrement l'entendre. J'attendis un instant, puis, rassemblant tout mon courage, je me redressai lentement.

Ce fut son sourire ravageur que je vis en premier, suivi de ses yeux rieurs.

— Naphaël ! soufflai-je dans un mélange de stupeur et de soulagement.

Un sourire éclata sur mon visage, un sourire sincère, comme je n'en avais pas eu depuis si longtemps. Sans plus attendre, je me jetai dans ses bras, le serrant avec force, comme si j'avais peur qu'il disparaisse à nouveau.

— Je suis désolée, dis-je en pleurant, je suis tellement désolée…

Les larmes coulaient sans retenue. Je vidais enfin toute la douleur et la peur accumulées durant ces semaines d'errance. Avant d'atterrir ici, je n'avais même pas eu l'occasion de lui présenter mes excuses.

Je levai les yeux vers lui. Ses traits reflétaient une émotion intense.

— J'ai tellement de questions… Pourquoi es-tu là ? Sais-tu ce qui se passe ? Comment m'as-tu retrouvée ?

Les mots s'enchaînaient sans que je puisse les arrêter. Il posa un doigt sur mes lèvres et m'invita à m'asseoir sur le lit.

— Il s'est passé beaucoup de choses depuis ta disparition, commença-t-il d'une voix douce.

— Ma disparition ? Ce n'était pas une punition ? Je croyais que j'avais été envoyée ici comme châtiment pour me faire taire.

Naphaël fronça les sourcils, visiblement déconcerté.

— Une punition ? Mais qu'est-ce que tu racontes ?

— Oui… Je pensais que l'on m'avait bannie ici en guise de sanction…

Il secoua la tête et me prit de nouveau dans ses bras.

— Non, pas du tout. Comment as-tu pu croire ça ?

Je sentis de nouvelles larmes monter.

— Alors, que s'est-il réellement passé ? Je me souviens d'avoir été dans ma cellule… puis plus rien. Je me suis réveillée dans un désert inconnu, errant sans but avant de perdre connaissance. Ensuite, je me suis retrouvée ici.

Naphaël hocha la tête, un air compatissant sur le visage.

— Oui, je sais. Tu as dû être terrifiée. Mais je suis là maintenant.

Il me serra contre lui et m’embrassa tendrement.

— Écoute, je ne sais pas exactement tous les détails, mais ce dont je suis certain, c’est que ta présence ici est cruciale. Depuis ton premier saut, deux factions opposées se sont formées : les anti-LRP et les pro-LRP.

— LRP ? demandai-je en murmurant. Comme… La Rose et La Pierre ?

— Exactement. Madame Pinson dirige le camp des pro-LRP. Ils veulent que tu prennes part à cette bataille, alors que les anti-LRP s’y opposent farouchement. Selon eux, tu n’es pas censée être une protagoniste de ce conflit. Ils craignent que ton implication ne bouleverse l’espace-temps.

— Madame Pinson ? Ce nom me dit quelque chose…

Je fouillai ma mémoire et un visage s’imposa à moi : rousse, lunettes, un regard sévère. Je l’avais rencontrée lors de mon audition devant le conseil des voyageurs.

— Oui, c’est bien elle, confirma Naphaël. Comment la connais-tu ?

Je lui expliquai. Une étrange coïncidence. Elle semblait vouloir me soutenir dans mon projet, ce qui expliquait peut-être son engagement dans cette lutte.

— Et maintenant, que faisons-nous ?

— Les pro-LRP veulent que tu gagnes la confiance des aînés, que tu t’intègres à leur communauté afin de collecter des informations. Ils cherchent à comprendre les véritables enjeux de cette bataille.

J’acquiesçai.

— Ai-je vraiment le choix ?

— On a toujours le choix, répondit-il sombrement. Sauf toi… et moi.

Je remarquai qu’il dérivait dans ses pensées. Quelque chose le tourmentait, mais je choisis de ne pas insister.

— Et Rose ?

— Pour le moment, nous n’avons pas les ressources nécessaires pour la sauver. Elle n’est pas encore née. Nous devrons attendre le bon moment.

Un bruit de pas résonna derrière la porte.

Je me recouchai précipitamment sous les couvertures, feignant à nouveau le sommeil.

— Puis-je entrer ? demanda l’aîné en frappant doucement.

Naphaël lui répondit par l’affirmative.

Il fit un résumé bref de la situation, expliquant qu’il reviendrait chaque jour pour veiller à mon rétablissement. Puis, ils quittèrent la pièce.

Je restai immobile, songeuse. Tant d’informations en si peu de temps. J’étais soulagée, mais aussi plus inquiète que jamais.

Quelque chose se tramait, et j’ignorais encore quoi. Mais une chose était certaine : Naphaël me cachait quelque chose.

Je m’endormis sur cette dernière pensée, un sommeil sans rêves, mais chargé de doutes et d’incertitudes.

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