Une évidence bien cachée

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L’Université. Ou le lieu de toutes les libertés. Le passage éclair, sur les bancs de la fac l’année précédente, lui avait donné un peu confiance en elle. Elle avançait avec assurance dans les salles de cours, feintant légèrement devant les nouveaux encore impressionnés par l’ambiance des amphis.

Au milieu de l’amphi, perdue dans la centaine d’étudiants de sa classe, elle se risquait à ne pas suivre les cours et à s’attarder sur les réseaux sociaux. Elle l’avait en tête. Depuis son voyage aux Etats-Unis. Elle repensait souvent à leurs conversations. Elle décrochait de ses cours pour les relire. S’y perdre. Et y trouver des sourires. Quand elle pouvait, elle lui parlait. Et souriait bêtement derrière son écran. Parler avec ce crush de l’été passé effaçait complètement la présence de l’enseignant devant le tableau. Mais comment pouvait-elle faire autrement ? Avoir de ses nouvelles lui procurait tellement de joie au cœur.

Elle s’était amourachée de ces correspondances nocturnes. Elle repensait à elle. Et se retrouvait souvent à faire défiler ses photos insta. Mais … qui était-elle ? et pourquoi avait-elle autant d’emprise sur son cœur ? Elles ne s’étaient parlées que quelques mois. Vues une ou deux fois. Elles avaient joué les dépanneuses dans le parking de la résidence étudiante. Et cette petite aventure leur avait valu leurs surnoms de dépanneuse et de pilote. Pourquoi ce souvenir la faisait tant vibrer ? Pourquoi était-elle toute heureuse quand son nom s’affichait ? Ressentait-elle un peu plus que de l’amitié ?

Cette ambiguïté leur a valu quelques crises. Quelques larmes. Quelques crampes d’estomac. Des sentiments refoulés. Et de la distance pour mieux comprendre. Pourtant Tyra ne pouvait entrevoir de vivre sans nouvelles de Laury. Mais ambiguïté ne collait certainement pas avec l’idée qu’elle se faisait de l’amitié. Alors de fil en aiguille, elle commença par quelques mots. Puis quelques pages d’amour. Elle se demandait souvent si Laury partagerait les mêmes sentiments. Elle s’était risquée à lui déclarer sa flamme. Quitte ou double. Ce serait une histoire ou rien.

Alors, après les crises. Les crampes. Les larmes. Les mots. Il y a eu comme un commun accord. Avec le temps, on peut trouver ça tellement navrant. Mais Tyra la voulait. Coûte que coûte. Alors toutes les conditions de Laury seraient également les siennes. Si Laury avait opté pour une relation libre, Tyra a choisi de lui rester fidèle.

Un mois s’est écoulé entre le moment où elles se sont mises en couple et l’instant où leurs lèvres se sont effleurées. Là. Adossée à la porte. Dans ce petit 20 m² universitaire. Tyra avait eu son premier baiser. Sur l’instant elle le décrit comme un souffle. Délivrant passion et désir. Elle se rappelle de la douceur et de l’intensité même de ce premier baiser. Des papillons dans le ventre. A la gorge nouée. C’était bien elle. Elle le savait. Son évidence. Elle l’avait attendue tant d’années. Aujourd’hui, c’est elle qui écrirait son histoire d’amour merveilleuse.

Onze mois. Cinq rendez-vous. Deux ruptures. Puis la fin. On la résume à ça. Mais ce premier chagrin s’écrit dans l’amertume des souvenirs. A la mer. Sur les baies. Autour d’un verre. Sur une route. Ces instants qu’elle avait choisis de graver. Laury les détruisait. Comme si elles ne s’étaient jamais aimées. Comme si Tyra avait seulement été un pansement pour son cœur brisé. Ne l’avait-elle donc jamais aimée ? N’avait-elle donc été qu’une aventure joyeuse pour panser ses blessures ? Une opportunité d’être bien aimée sans donner de soi.

Et puis. De toute manière. Comment aurait-elle pu l’aimer réellement ? Tyra n’était en rien la jolie fille qu’on convoite. Elle cachait ses formes trop généreuses sous des vêtements amples. Peu assortis. Peu de couleur. Souvent du noir. Ça amincit parait-il. Elle avait un double menton et de l’acné tardif qui venait enlaidir un visage terne. Sa coupe au carré lui donnait de plus grosses joues qu’un sourire venait boudiner. Elle n’avait rien de sexy. Le style ample lui donnait toujours le genre garçon manqué. Ça ne lui allait pas. Mais elle y était à l’aise. Alors comment pouvait-elle aimer et avoir envie d’une « bouboule à boutons » ?

Un an. C’est le temps qu’il a fallu à Tyra pour tourner cette page. Pouvoir évoquer l’histoire sans larme. Ou sans que sa gorge se noue. Un an. Où elle a sombré. Et trouvé un épanouissement certain dans sa vie de célibat. Elle avait perdu du poids. Avait changé un peu de garde-robe. Était sortie avec ses amies. Avait repris confiance en elle. Un an pendant lequel sa confiance l’a dangereusement fait basculer dans l’adultère.

Le chagrin ça se soigne. Et tant pis si les autres morflent. A priori. Pendant les vacances d’été. Elle avait flirté. Avec cet ami. Vieille connaissance du collège. Plutôt gentil et drôle. Il semblait sensible à son charme. Elle n’avait rien à perdre. Alors elle s’est laissé emporter dans cette histoire d’adultère. Ça mettait du piment dans sa vie. Pourtant. C’était en dehors de ses valeurs. De ses principes. Sur la famille. La fidélité. Et l’Amour.

Le temps des vacances. Ils ont flirté. Puis elle s’est éloignée. Ne laissant aucune nouvelle. Coupant tout ce qui les rattachait. Rompre avec l’infidélité. Et elle a repris les cours. Elle en a rencontré un autre. Elle le trouvait sympa. Et mignon quand même. Il était doux. Et très jeune aussi. Mineur. Ce serait du détournement de mineur. Il avait seulement trois ans de moins. Mais bon. Il n’avait que 17 ans.

Ça a commencé en janvier. Sur la chaîne d’inscription. Puis un peu à la rentrée. Et puis par intermittence jusqu’en juillet. Ils étaient proches. Et parlaient souvent tard dans la nuit. Voisins de palier. Il était plus souvent chez elle que chez lui. Un autre gars qui aimait son corps. Mais le seul à l’avoir vu nue. Ils n’étaient jamais allés plus loin. Par peur. Par inexpérience. Un peu hasardeux dans leurs échanges. Elle n’était pas prête pour lui. Il n’était pas tout à fait libre pour elle. Une histoire bien trop compliquée pour s’impliquer.

Un an. Et elle avait fait le deuil de son amour pour Laury. Après des chutes. Des rencontres. Des sourires. Elle s’était relevée. Cœur solide et prêt. Pour une nouvelle histoire. Une nouvelle amour. C’est certain. Elle était prête à réécrire le chapitre de l’amour.

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