Chapitre 42

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Point de vue de Thomas :

Elle me répond rapidement :

« J'attendais ton message, je ne suis plus chez PJ, je loge chez une amie depuis que je suis rentrée. Tu veux mon adresse ou la sienne ? »

J'hésite un peu, mais dans un premier temps c'est avec lui que je veux me confronter. Je lui réponds donc :

« Envoie moi celle de PJ, je pourrai te voir ensuite ».

Elle le fait immédiatement. Je prends la route. Les quelques heures qui me séparent de ma destination me laissent le temps de tourner et retourner dans ma tête les révélations de ma mère. Ma colère ne descend pas. J'ai l'impression d'avoir été pris pour un con toute ma vie. Je sais que mes parents m'aimaient mais je ne peux pas m'empêcher de leur en vouloir. Cela aurait été tellement plus simple qu'ils m'en parlent dès que j'aurais été en âge de comprendre. En même temps, je culpabilise d'en vouloir à mon père. C'est difficile d'être dans le ressentiment, alors que je l'ai enterré le jour même. Finalement, je décide de focaliser ma colère sur ceux qui la mérite le plus, à savoir PJ et sa mère. En ce qui concerne Cynthia, je suis plus partagé. J'attends d'avoir une explication avec elle. Je finis par arriver devant un immeuble de grand standing. Je sonne au numéro qu'elle m'a indiqué. J'attends un moment, sa voix finit par retentir dans l'interphone :

-Thomas qu'est-ce que tu fous là ?

-J'ai besoin de te parler ouvre !

Il prend son temps, puis le bruit m'indique que la porte du sas s'ouvre. Il ajoute :

-Prends l’ascenseur, j'ai tout le dernier étage.

L'intérieur de l'immeuble respire le luxe, les dorures sont présentes partout, la moquette au sol donnerait envie d'enlever ses chaussures avant de rentrer. J'imagine que du personnel assure un entretien quotidien des parties communes. L'ascenseur est au top de la modernité. Lorsque j'arrive au dernier étage, j'arrive sur un petit palier donnant sur une unique porte, un escalier le dessert de l'autre côté. Une caméra est situé juste au dessus, le système de sécurité doit être au top. Je frappe à la porte. Il m'ouvre, je vois à son regard qu'il n'est pas à l'aise. La rage flambe en moi. Je serre le poing et le lui envoie en pleine face. Il ne fait pas un geste pour l'éviter. Je lui dis :

-Ça c'est pour t'en être pris à ma mère !!!

Immédiatement et malgré la douleur que je sens remonter depuis mes jointures que je viens de maltraiter, je lui envoie un deuxième dans le foie qu'il n'évite pas non plus. J'ai la satisfaction de le voir se plier en deux. J'ajoute :

-Et ça, c'est pour m'avoir pris pour un con depuis le début !!!

Il reprend péniblement son souffle et finit par se redresser. Il s'adresse alors à moi :

-J'imagine que je les ai mérités. Maintenant que t'as passé tes nerfs, tu veux rentrer pour que l'on puisse discuter, où ça te suffit et on se dit adieu.

Son calme me déstabilise. J'ai bien conscience qu'il s'est laissé frappé, s'il l'avait voulu, il aurait pu me détruire et en plus porter plainte contre moi derrière. Et puis j'ai besoin de comprendre.

-On va discuter si tu as des choses à me dire.

Je le suis dans un immense séjour donnant sur une terrasse où je devine une piscine recouverte par une véranda. Il faut dire que nous sommes loin des chaleurs grecques. Il va prendre deux verres et une bouteille de whisky tout en m'invitant à m'asseoir dans un fauteuil du dernier designer à la mode. Il me sert ensuite sans un mot avant de s'asseoir à son tour. Puis il trouble le silence qui s'était installé :

-D'abord sache que ce qui s'est passé n'était pas contre toi. Ma mère voulait se venger de la tienne, tu étais juste le moyen de le faire.

D'un ton sec je lui réponds :

-Je sais, ma mère me l'a dit.

Je lis la surprise sur son visage. Puis il reprend la parole.

-Bien si tu sais, les explications vont être plus simple. Tu comprends donc qu'à cause de ta mère, la mienne a perdu l'amour de mon père. Elle m'en a longuement parlé pendant des années, j'ai bien compris que la tienne lui avait brisé le cœur. C'est pour ça qu'il s'est montré si distant avec nous ensuite. Plusieurs fois j'ai entendu ma mère dire qu'elle devait se venger. Mais Ces dernières années, elle m'en parlait moins, je pensais qu'elle était passé à autre chose. Puis tu es arrivé dans l'entreprise.

Les premiers temps, elle n'a pas fait le lien. Mais lorsque tu as eu ta promotion. Elle a fait une enquête sur toi, c'est la procédure normale. C'est là qu'elle a découvert de qui tu étais le fils. Elle est venue me voir ce soir là avec les papiers du détective. Je ne l'avais jamais vu aussi furieuse. Pour elle ta mère prenait sa revanche à travers toi. Pour tout te dire, je lui ai conseillé de te virer pour la calmer. Mais elle m'a alors dit qu'elle voulait te faire souffrir, comme elle avait elle-même souffert. Que ça apprendrait une bonne leçon à ta mère. C'est elle qui a eu l'idée de se débrouiller pour que Chloé te trompe. Je t'avoue que j'ai été plutôt réticent au début. Mais lorsque j'ai vu une photo d'elle prise par le détective j'ai changé d'avis. Il faut dire qu'elle est vraiment belle ta copine. Après tu connais la suite.

Ce que je n'avais pas prévu, c'était que je m'attacherais à vous et Cynthia encore plus. Pendant nos vacances, plusieurs fois je me suis dis que j'allais abandonner le plan. D'autant plus qu'elle me pressait de le faire. C'est difficile à expliquer, mais je sentais comme une connexion entre nous. Mais chaque fois que ma mère m'appelait au téléphone, je ne pouvais pas m'opposer à elle. Et pourtant je culpabilisais déjà pour l'agression de Chloé.

-Attends c'est toi qui en es reponsable ? Sale batard !!!

Je suis prêt à lui rebondir dessus pour lui détruire sa gueule, mais il m'arrête d'un geste.

-Indirectement oui. Tu te souviens bien évidemment que nous étions sortis du jacuzzi avant vous. Nous les avons croisé en sortant. Ils nous ont demandé si Cynthia était d'accord pour passer un moment avec eux. Je leur ai répondu que nous étions déjà assez, mais qu'il y avait un couple très open (vous en l'occurence) de l'autre côté. Mon but c'était uniquement de vous faire chier, je ne voulais pas que vous passiez un moment tranquille. Je te rappelle que je cherchais à vous séparer. Lorsque j'ai compris, c'était trop tard. Je ne pensais pas qu'il s'agissait de tels prédateurs. Tout ce que je peux te dire c'est qu'ils ont morflé.

Il semble sincère, et je sais que lorsqu'il est intervenu ce n'était pas du chiqué, il avait vraiment pris des risques. Je décide de lui accorder le bénéfice du doute sur ce point. Il reprend :

-Après cela, à la grande colère de ma mère, j'étais beaucoup moins motivé par son plan, même si je dois te confesser que Chloé m'attirait toujours autant. J'étais même décidé à vous laisser tranquille. Je t'ai proposé d'abandonner le pari, mais c'est toi qui a décidé de le maintenir.

-Oui ça je sais, j'ai été bien con. Il faut dire que tu as bien su m’appâter avec ton argent.

-Oui c'était le plan dès le départ. Le problème pour moi, c'est que ma mère me harcelait tous les jours, pour savoir comment je progressais, m’engueulant devant mon manque de réussite. Je n'ai jamais trouvé le courage de lui dire que je renonçais. Et puis je lui ai toujours obéit en tout, sauf lorsque je me suis mis en couple avec Cynthia. Toujours est-il que après avoir un peu tâté le terrain avec Chloé, j'avais décidé de laisser courir jusqu'au bout des vacances et de dire à ma mère que je n'y étais pas arrivé. Puis j'ai surpris une conversation entre les filles, où j'ai compris que vous aviez décidé de me la faire à l'envers tous les trois. Donc là plus de remords hein !! Je me suis débrouillé pour te mettre hors circuit. Après je n'ai eu qu'à amener Chloé où je le voulais et à lui retourner un peu le cerveau et la messe était dite. Bon même si j'ai eu la chance que vous ne soyez plus dans la première chambre. Mais il faut savoir se saisir des opportunités dans la vie. Je ne lui ai pas laissé le temps de réfléchir et je t'avoue que ça je ne peux pas le regretter, c'était foutrement bon.

Son sourire satisfait me donne l'envie de lui remettre une bonne droite. Mais il le fait immédiatement disparaître dans un masque de tristesse qui m'arrête dans mon élan. Il reprend alors :

-Ce que je regrette par contre, c'est que ma mère ait décidé d'assouvir sa vengeance le jour de l'enterrement. J'étais venu pour chercher à l'en dissuader. C'est des choses qui ne se font pas. Je la vois sous un autre jour, elle m'a déçu. Je pensais qu'elle aurait fait montre d'un peu plus de compassion. On ne frappe pas un adversaire déjà à terre, ça ne sert à rien. Cynthia ne me l'a pas pardonné non plus, elle s'est tiré. On s'était déjà pris la tête plusieurs fois à votre propos pendant les vacs. Mais là elle m'a dit qu'elle ne pouvait pas rester avec quelqu'un qui pouvait faire autant de mal. Donc tu vois tu n'es pas le seul à avoir perdu quelque chose dans l'affaire.

Putain, il ne croit pas que je vais le plaindre en plus !!! Maintenant que je l'ai entendu, c'est mon tour de parler et je ne vais pas me montrer tendre.

-Je vais te dire une chose, cela ne m'étonne pas de ta mère, moi et je pense que le fait que Cynthia soit partie, elle l'avait sûrement secrètement espéré. Mais tu ne peux t'en prendre qu'à toi même. Je vais te dire, j'ai quand même un peu pitié de toi. Pas pour ce qu'il t'arrive, mais d'avoir vécu toutes ces années avec une folle vindicative qui t'a amené à avoir une idée totalement biaisée de ce que peuvent être le couple et l'amour.

-Fais gaffe à la façon dont tu parles de ma mère Thomas. Ce qui t'es arrivé n'excuse pas tout.

-Mais je parle comme je veux et si je dis que ta mère est une folle, c'est que j'ai des éléments objectifs pour le dire. Réfléchis, tu trouves ça normal de vouloir se venger sur quelqu'un plus de vingt ans après ! Sachant que ce que ta mère t'as raconté c'est pipeau et compagnie. Ce n'est pas ma mère qui est partie en brisant le cœur de ton père. C'est lui qui a décidé la fin de leur relation, car ta mère l'avait menacé de ne jamais te laisser le voir si il ne la quittait pas.

-Qu'est ce que tu veux dire ?

-Tu vois, grâce à ça, j'ai pu apprendre la vérité ce soir. Oui ma mère et ton père ont été en couple. Ton père avait bien prévu de quitter ta mère, la mienne était séparé du mien à ce moment-là. Mais ta mère est tombée enceinte, a fait du chantage à ton père, a fait virer la mienne, s'est assurée qu'elle ne retrouve plus de travail dans la région. J'imagine que rancunière comme elle est, elle a fait vivre un enfer à ton père ensuite. C'est elle qui est responsable de tout ce qui s'est passé dans votre famille. Et le plus beau, tu ne sais pas quoi ? Je suis ton demi-frère. Parce que ma mère a recouché une fois avec lui quelques mois plus tard. Tu te doutes bien que si maman était comme la tienne a pu te le décrire, elle se serait empressé de revenir vers lui, pour lui réclamer de l'argent. Mais elle ne l'a jamais revu. Au contraire, elle a gardé le secret jusqu'à aujourd'hui.

Et comme grâce à toi, je sais que j'ai droit à la moitié de ta fortune, tu pourras expliquer à ta mère que c'est à cause de son plan de folle hystérique qu'elle va perdre sa place de PDG de l'entreprise, parce que quand je récupèrerais les actions, il sera hors de question de lui laisser ce poste, quitte à les revendre à un concurrent. Karma is a bitch, hein !!! Maintenant je vais te laisser, mais je vais juste te donner un conseil. Arrête de la laisser décider de ta vie et définir ce que tu dois penser. Tout ce que tu risque de gagner dans l'affaire, c'est de finir ta vie seul, sans avoir jamais aimé personne. Ce serait dommage, parce que tu es capable de faire preuve d'empathie. Je crois que tu n'es pas que le gros connard que tu as été. Tu peux encore changer. Aller salut, amuse toi bien tout seul dans ton grand appartement.

Je me lève en le laissant bouleversé par mes mots, je vois des larmes couler pour la première fois sur son visage. J'imagine que mes paroles ont portées. Alors que je me dirige vers la porte, il cherche à me retenir.

-Attends Thomas, tu ne peux pas me laisser comme ça, après avoir lâché une telle bombe. J'ai besoin de parler avec toi.

-Oui, mais moi ce dont j'ai besoin c'est de ne plus voir ta gueule de petit bourge imbu de sa personne. Peut-être que si tu changes, on pourra en discuter à longue échéance. Contrairement à toi je ne suis pas rancunier, je préfère mettre mon énergie ailleurs que dans la vengeance, la vie est trop courte pour ça. Maintenant tu n'as plus qu'à réfléchir sur toi même. Bonne soirée.

Je le laisse sur ces derniers mots et regagne ma voiture. Je me sens totalement épuisé, crispé, comme jamais je ne l'ai été, toujours rempli de colère. Je l'expulse en criant de toutes mes forces, tout en frappant un grand coup sur le volant (ravivant au passage la douleur dans mon poing). Puis petit à petit, je me remémore sa tête pendant que je lui balançais ses quatre vérités. Je ne peux m'empêcher d'éprouver une certaine satisfaction un peu perverse en me disant qu'il ne s'attendait sûrement pas en prendre plein la gueule comme cela. Il pensait sûrement ressortir de notre entretien en position haute, jouant peut-être même le mec compatissant. J'espère qu'il va morfler pendant quelques temps. Je crois bien que je serais capable de payer pour assister à la discussion qu'il aura avec sa mère. Malheureusement, on ne peut pas tout avoir dans la vie.

Malgré mon épuisement, je me sens paradoxalement encore plein d'énergie. Sûrement le fait d'être sur les nerfs depuis plusieurs jours. Je risque de le payer lorsque cela retombera. Mais en attendant pourquoi ne pas en profiter pour battre le fer pendant qu'il est chaud. Je prends mon téléphone et lui envoie un message :

« Est-ce qu'on peut se voir ? »

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