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Cristal ne comprend pas ce que sa mère trouve à son père, ou pourquoi elle ne le tient éloigné d'elles jamais plus de quelques mois. Elle le rappelle toujours. Alors il ressurgit au matin, un bouquet de fleurs pour toute excuse.

La dernière fois avait semblé être la bonne, pourtant. La porte avait tremblé derrière sa silhouette inquiétante ; Cristal avait soupiré de bonheur.

Ses jambes avalent les marches avec frénésie. Elle ne comprend pas.

Quelle raison à tout cela ? Aux départs dans les cris, aux retrouvailles forcées... L'amour ? Cristal y a songé. Ce souverain des cœurs, cette âme de notre âme... Des conneries, oui.

Sixième étage. Cristal débarque en tornade.

— Bon sang, la porte ! crie sa mère depuis le salon, agacée par le vacarme de son entrée.

Cristal se précipite jusqu'à sa chambre. Elle ouvre les placards, arrache des vêtements en vrac, du maquillage, deux, trois bouquins, son caméscope, son porte-monnaie. Elle bourre le tout dans un sac de sport.

— Nan mais...

Son père se tient dans l'encadrure de la porte.

— Sonia, tu peux m'expliquer ?

Il se tourne vers son ex-femme qui le rejoint tout juste. Celle-ci s'arrête et, barricadée derrière lui, dévisage sa fille sans un mot.

— C'est comme ça qu'elle rentre ? poursuit-il, pris d'aversion.

Cristal s'avance. Ils ont beau faire la même taille, elle a l'impression qu'il la toise de très haut.

— Tu m'gênes, dit Cristal, un regard de fureur lancé à son géniteur.

Des veines pulsent à son cou. Sonia ne s'est toujours pas exprimée.

— C'est quoi cette tenue ? aboie-t-il. Et ce maquillage... regarde-toi...

Le pied de Cristal tremble, mourant d'envie d'abattre son obstacle. Elle le regarde devenir rouge, s'exciter sur place, fulminer seul. Elle est sourde à ses menaces. Dans sa tirade, ses mains se lèvent, elle recule.

— Déjà que tu as arrêté l'école, continue-t-il, et que tu fous plus rien de ta vie ! Maintenant quoi, tu fais le trottoir ? On va te retrouver en cloque ? Quoiqu'avec toi et tes copines, pas de risque, hein ?

Il a un sourire vicieux.

— Je t'emmerde ! éclate Cristal. Qu'est-ce que t'en sais ?

— Cris', calme-toi...

La voix de sa mère glisse par-dessus son père. Cristal croise ses yeux suppliants et se sent imploser. Elle lui a dit ?

— J'veux pas passer une seconde de plus dans cette baraque ! tonne-t-elle. T'entends ?

Sa voix se rompt, à bout de souffle.

— Pas tant qu'il sera là ! hurle-t-elle en pointant le concerné du doigt. C'est tes conneries Maman, pas les miennes !

Puis elle pousse son père pour accéder au couloir. Dans sa course, une main de brute la retient.

— C'est comme ça que tu parles à ta mère ?

— Lâche-moi ! se débat Cristal.

— Sonia, ça ne va pas du tout... Elle rentre le matin habillée comme une putain !

Son poignet la brûle.

— J'étais juste à une soirée !

Mais on ne l'écoute pas. Sa mère semble absorbée par les mots de son ex-mari, qui tourné vers elle, lui dit :

— Tu ne sais pas ce qu'elle fait, où elle va, et tu t'étonnes de ce qu'elle devient ?

— Lâche-moi... Lâche-moi !

La voix de Cristal atteint un volume fracassant, la pièce est comme ébranlée. Elle éclate en sanglots et frappe avec rage le bras qui l'immobilise. Un coup, un deuxième plus fort, un troisième de toute sa vigueur. Le père, à son tour, crie de douleur. Il la lâche.

— Petite conne !

"Ce souverain des cœurs, cette âme de notre âme"

— tiré de Candide, de Voltaire.

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