Allons ! Enfants de la patrie !

de Image de profil de Pierre BeauryPierre Beaury

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Tous mes songes m'avaient reconduit à la nostalgie de ces temps merveilleux où Marguerite et moi jouions ensemble dans le bois de René, courions de l'ancien four à chaux jusqu'à l'église du village, nous promenions main dans la main dans la clairière qui monte à la colline – tels les deux enfants innocents que nous étions et qui n'osaient pas s'avouer amoureux – pour contempler depuis ce sommet qui surplombait le village, une vue d'une beauté menaçant la perfection : notre beau pays des Alpes Mancelles ; lequel n'avait plus rien de montagneux depuis les temps anciens, mais déployait devant nos yeux innocents d'autrefois ses champs de blé, en jachères ou en coquelicots, enclos d’une multitude de haies se croisant, recouvrant un terrain légèrement ondulé et sillonné de petites rivières qui semblaient toutes converger vers le mont sur lequel nous étions assis côte à côte, Marguerite et moi, comme si nous eussions été la source secrète d'un bonheur juvénile imperceptible à quiconque d'autres que nous.

Un matin, au temps du bel été, qui m’apparaît à la fois comme hier et l’éternité, j'avais pris ma timidité à revers et j’avais enfin osé demander la main de Marguerite. Nous avions bien grandi depuis l’époque des balades et des baignades enfantines ; nous étions devenus adultes et il était grand temps que j’officialisasse les transports que j’avais toujours eus envers elle. Me trouvant chaque fois une nouvelle excuse, j’avais depuis longtemps renvoyé ma demande au jour prochain, prenant le risque qu’elle se lassât de moi et acceptât plutôt la sollicitation d’un prétendant plus habile. Toutefois ce jour-là, allant au-devant de la peur du rejet, je m'était décidé à lui faire ma proposition. Quittant la boulangerie où je travaillais, parcourant le village, j'avais marché tout en ivresse et allégresse vers sa maison : et c’est là que le tocsin sonna…

Ce glas, cet appel, ce son de cloche caractéristique résonne encore dans ma tête. On en parlait depuis longtemps ; on y était préparé ; mais rien n’y fait ; c’est indescriptible cette sensation… c’est bouleversant de véritablement entrer en guerre.

Tout s’est passé si vite depuis : je ne sais par quel maléfice je n’ai plus aucun souvenir des jours qui ont suivi le début des hostilités. Je n’ai que de vagues bribes : le casernement, l’uniforme, les batailles, les tranchées, les hivers atroces, les copains, le mauvais vin, le dernier couplet du chant de la Marseillaise dans la cour du quartier général de l’état-major ((Nous entrerons dans la carrière…)) qui fait écho aux balles d’une énième bataille dans la Somme ((Quand nos aînés n’y seront plus…)), écho aux cris des camarades qui tombent raides dans la boue glacée ((Nous y trouverons leur poussière…)) , ou qui simplement disparaissent sans rien laisser derrière eux ((Et la trace de leurs vertus…)) ; écho à ma persistance inespérée ((Bien moins jaloux de leur survivre…)), à mon cœur qui, je ne le sais comment, bat encore ((Que de partager leur cercueil…)), pour l’instant… bien qu’une balle m’eût transpercée…

Il fait sombre et il fait froid.

« Marguerite,

((Nous aurons le sublime orgueil))

le bois,

la colline…

((De les venger…

je rentre enfin au pays. »

… ou de les suivre.))

André Proust ; Mort pour la France

Somme, 1916

HistoriqueTragédiemortamour
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En réponse au défi

Une nouvelle chaque dimanche... UNCD#216

Bonjour à toutes et à tous


Très heureux de vous retrouver pour assurer l'animation du 216 ème défi hebdomadaire de UNCD#. Vous êtiez 10 à relever le UNCD#215, alors un grand merci de vos contributions pleines de diversités.

*

Le défi paraît chaque dimanche pour une durée d'une semaine mais il reste accessible pendant trois semaines (en raison de la limite technique de trois défis par auteur).

Il consiste à écrire une nouvelle sous la contrainte d'un thème et de six mots clés.

Pour rappel, la nouvelle littéraire se traduit par un bref récit fictif qui fait appel à la réalité et qui, la plupart du temps, ne comporte pas de situation finale. Généralement, elle se termine avec un dénouement inattendu qu'on appelle la chute mais ce n'est pas systématique.

Les mots imposés, selon leur nature, peuvent s'accorder en genre et en nombre ou se conjuguer. Ils sont à utiliser en totalité et dans l'ordre que vous souhaitez.

Merci de mettre en évidence les mots imposés par une police visible, en caractère gras, en italique ou bien souligné.

Pensez également à personnaliser le titre de votre publication afin qu'il soit différent de l'intitulé très impersonnel du défi. Il se verra plus aisément dans le fil d'actualité.

Le genre littéraire et la forme (poésie, dialogue ou monologue, chronique, récit, conte…) sont laissés à votre discrétion.

La longueur d'une page (ou 4 à 500 mots) serait appréciable mais faites de votre mieux !

*

Je vous propose donc de composer votre texte entre le dimanche 24 août 2025 et le dimanche 31 août 2025.

Le thème de cette semaine est la " Rentrée ", susceptible de vous ouvrir bien des "pistes", eu égard à la grande diversité des emplois de ce terme, si ce n'était septembre qui s'annonce.

Et les six mots pour accompagner : Cour, Appel, Nouveau, Nostalgie, Prochain, Souvenir.

Citation :

" Vous pouvez amener un enfant à l'école, mais vous ne pouvez pas le forcer à réfléchir. " selon Elbert Hubbard.

Je vous souhaite une belle semaine et de l'imaginaire au coeur de l'été qui vous entraîne vers des écrans blancs et des salles obscures au plus près du vécu des gens et de vos souvenirs.

Merci par avance de vos contributions et profitez d'être "Ici et Maintenant".

Jean-Michel

*

NB : merci d'ajouter en commentaire à ce défi, le lien URL pointant sur la page de votre contribution (si nécessaire), de façon à pallier d'éventuelles lacunes techniques ou si vous combinez vos différentes participations à UNCD# dans une œuvre collective ou un recueil.

Commentaires & Discussions

Allons ! Enfants de la patrie !Chapitre5 messages | 1 mois

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