Chapitre 6 : Laelie

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  • Je vous présente Arel, un nouveau mercenaire que j’ai engagé. Le meilleur de sa guilde, j’ai mis le prix.

Arel inclina légèrement la tête, mais n'offrit pas d'information supplémentaire.

  • On dit qu’il n’a jamais raté une mission.

Laelie n’avait pas de difficulté à l’imaginer. La pâleur de ses cheveux et sa peau se fondaient parfaitement avec le paysage, et si elle n’avait pas explicitement cherché quelque chose à regarder, elle n'aurait probablement pas remarqué sa présence. Mais maintenant qu’elle l’avait vu, ses yeux revenaient toujours à lui. Il y avait quelque chose chez lui qui l'attirait, mais Laelie n'arrivait pas à mettre le doigt dessus. Il dégageait quelque chose de discret mais de de puissant, de doux et de létale à la fois. Un ange déchu. La jeune fille se sentit frissoner.

Son père le salua d'un signe de tête sans en demander davantage. Il prit ensuite Laelie par le bras et ils entrèrent dans le Sanctuaire, déjà en grande partie rempli.

Le bâtiment gris était doté d'un gigantesque couloir menant vers un espace central circulaire. Malgré une apparence plutôt austère, l'emplacement de chaque colonne et chaque arche semblait avoir été minutieusement calculée.

Quand ils atteignirent enfin la pièce centrale, au milieu de laquelle se trouvait une estrade que le prêtre occuperait, le père de Laelie la dirigea vers une rangée de tapis. Un grand nombre de personnes étaient déjà installées, à genoux. Ils prirent place, et la jeune fille en profita pour inspecter de plus près la pièce. La voûte était ronde et les plafonds sculptés d’éléments naturels. Des lierres, des rivières et même des animaux couraient le long des murs. Les yeux de Laelie se posèrent ensuite sur la balustrade de l’étage du dessus. Un balcon donnait sur la plateforme et permettait d’observer la cérémonie sans se faire déranger. L’emplacement était strictement réservé à la famille royale.

Soudain, le monde se mit à tourner et elle eut du mal à respirer. L’air resta coincé dans sa gorge. Ne sentant plus ses jambes, Laelie fut reconnaissante d’être déjà à genoux ou elle se serait probablement écroulée. Elle Eutilisa ses mains pour rester droite, mais la migraine se mit à empirer. C’était comme recevoir des coups de marteau à l'intérieur du crâne. Haletante, elle mit sa main sur sa gorge pour se forcer à inspirer. Calmement. Inspirer. Expirer. Mais la situation ne s’arrangeait pas, quelque chose frappait contre sa poitrine. Elle se tourna vers son père, qui avait le regard fixé sur le prêtre qui venait de rentrer. Il lui jeta un coup d'oeil inquiet et murmura :

  • Est-ce que ça va ?

Laelie retira la main de son cou et hocha la tête. Elle n’allait pas interrompre la cérémonie. C’était un événement bien trop important. Et c’était la première fois où elle était autorisée à sortir. Si elle s’effondrait maintenant, elle prouverait à ses parents qu’ils avaient raison de la garder enfermée. Elle pouvait l’endurer. Le mal-être n’était que passager. La jeune fille n’était simplement pas habituée à voir tellement de personnes au même endroit. Oui, ça ne pouvait être que ça. Pas de soucis à se faire donc. Dans quelque minutes, elle allait s’y faire et tout irait pour le mieux.

Le prêtre commença à parler et Laelie tenta de se concentrer sur sa voix, sur ses mots. La douleur s’arrêta un instant avant de reprendre. Un bourdonnement dans ses oreilles cette fois. Elle inclina la tête pour essayer de se soulager. Du coin de l’oeil, elle vit que le balcon était désormais occupé. La famille royale, qui ne comportait que le roi Reinhard, sa mère, nommée dame Ophélia et son fils Julian, était arrivée et elle ne l’avait même pas remarqué.

Encore un coup de marteau, un clou qu’on enfonçait dans son crâne. Laelie tomba sur les mains, gémissant sous la douleur. Encore un coup. Tout devint flou. Des murmures. Elle entendait des murmures. Puis la voix de son père.

  • Laelie ?

Elle s’écroula, et se recroquevilla en position foetale sur le sol. Les mains sur la tête. Un autre coup. Elle laissa échapper un cri. Son père l’attira contre lui, l’attrapant par les épaules. Il la secouait, lui demandait ce qui n’allait pas. Elle voulait répondre, mais aucun son ne sortit de sa bouche. Elle ne savait pas quand elle s’était mise à pleurer, mais la sensation des larmes chaudes sur ses joues était le seul réconfort contre le supplice qu’elle subissait. C’était tout son corps qui souffrait maintenant. Froid. Elle avait tellement froid. Comme si son corps entier était recouvert de givre. Puis elle avait chaud. Et puis froid. A chaque coup de marteau la torture était différente. Quelque chose tambourinait contre sa poitrine. Pas son cœur. Quelque chose d’autre. Quelque chose qui voulait sortir, qui voulait s’échapper, qui voulait…

Elle hurla et le monde éclata en milliers d’éclats de lumière colorée.

Les vitraux. Les vitraux avaient explosé et des cristaux de verre parsemaient le sol du Sanctuaire. Un silence sinistre régnait à l'intérieur de Laelie. Plus de douleur. Plus de coup de marteau. Le dernier clou avait été enfoncé. Elle ne sentait plus ses membres, ne sentait plus son corps. Juste le froid sur le côté de sa tête. A peine consciente, elle se força à regarder en face d’elle alors qu’elle était écroulée sur le sol. Des bouts de verre à perte de vue. La lumière du soleil faisait étinceler les fragments comme de la poussière d’étoile. Une partie d’elle pensa que c’était plutôt joli.

Puis son regard glissa plus loin. La plupart des gens s’étaient éloignés d’elle le plus possible. Ils la regardaient, paralysés. Non, tremblants. Des centaines d’yeux la scrutaient. Certains détournèrent le visage quand elle croisa leur regard. D’autres la fixèrent avec tellement d’horreur et de dégoût qu’elle ferma les yeux pour y échapper.

Un crissement se fit entendre et elle rouvrit les yeux. Des bottes s’approchaient et s’arrêtèrent près d’elle. La personne s’agenouilla et des yeux gris orageux croisèrent les siens. Pas de peur ou de répulsion dans ces yeux. Seulement une peine infinie.

  • Qu’est-ce que tu fais ? Reviens ici tout de suite !

La voix du seigneur brisa le silence et Laelie le détesta aussitôt car Arel tourna la tête vers lui. Il ne dit rien et il la regarda à nouveau, des mèches blanches tombant sur le côté de son visage. Si parfaitement sculpté, son visage. On aurait dit du marbre blanc. Laelie avait envie de le toucher, juste pour voir si ce n’était que le fruit de son imagination. Mais sa main ne bougea pas. A la place, ce fut lui qui la toucha. Il écarta une mèche de cheveux que la sueur avait collé sur son front. Délicatement, il la mit derrière son oreille.

Avec toute la douceur du monde, Arel la souleva du sol, une main sous ses genoux et l’autre derrière son dos. Laelie ne se débattit pas. N’en avait pas la force, ni l’envie. Son esprit était complètement vide. Et alors que le jeune homme se mit à marcher vers la sortie, elle posa sa tête contre son torse. Bercée par une odeur de neige et de menthe, Laelie se sentit divaguer. Loin, plus haut que la cîme des arbres, plus haut que les montagnes.

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