Chapitre 16 : Maya

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  • Sortez tout de suite ou je tire.

Une silhouette s’avança, la flamme l'illuminant juste assez pour que Maya puisse distinguer une cape noire lui dissimulant le visage et le corps.

  • Qui êtes-v...

Elle n’eut pas le temps de continuer. Le nouvel arrivant attaqua d’un coup de poing. Priya l'évita en reculant rapidement… juste à temps pour recevoir une flèche dans le dos. Maya remarqua qu'une autre silhouette s’était cachée sur un toit, derrière une cheminée. Le premier assaillant en profita pour asséner à Priya un coup au ventre. Elle tomba à genoux, la flamme dans sa main désormais éteinte.

Maya sortit le plus silencieusement possible son épée du fourreau. Qu’ils ne l'aient pas remarquée semblait presque un miracle. Elle devait en profiter pour agir. Priya était à terre, et l'assaillant s'agenouilla près de la magicienne et s’empara de son poignet. Maya choisit cet instant pour se précipiter sur lui. Il garda sa position tandis qu’elle s’approchait. La princesse n'hésita pas à se jeter sur lui, la pointe de sa lame entamant ses vêtements et la surface de sa peau. Il recula, posant sa main sur la plaie. Maya se mit en position de défense et pria pour que son acolyte ne lui décoche pas une flèche à cet instant précis.

La sécurité de Priya passait avant tout. La princesse s’avança pour se mettre entre la magicienne et l’attaquant. Celui-ci leva la main, s’apprêtant visiblement à utiliser de la magie.

Elles devaient partir le plus vite possible. Maya jeta un regard à la magicienne au sol. Elle était toujours consciente mais semblait incapable de bouger. La chemise rouge de la magicienne n’arrangeait pas les choses : Maya n’avait aucune idée de la gravité de la blessure.

Pas qu’elle puisse voir grand chose dans cette obscurité.

Deux ennemis, dont au moins un était magicien.

Elle n’avait aucune chance.

Voyant de l’eau commencer à sortir d’une bouche d’égout, Maya fit la seule chose qui lui vint à l’esprit.

Elle cria.

Aussi fort et aussi longtemps qu’elle le pouvait. Si elle ne pouvait pas les battre avec la force, elle utiliserait autre chose. Le bruit finirait bien par éveiller les habitants. Et cela forcerait les assaillants à partir s’ils ne voulaient pas se faire repérer. Ils avaient tout fait pour être discrets jusqu’à présent.

D’un coup, Maya eut le souffle coupé. Le magicien avait formé une bulle d’eau autour de sa tête, l’empêchant de respirer. Par réflexe, elle essaya d’inspirer mais avala de l’eau. Elle se mit à tousser et ingurgita plus d’eau au passage. Ses yeux piquaient et sa tête se mit à tourner. Peu importe ce qu’elle faisait, elle restait prisonnière de la bulle. Soudain, elle eut la nausée. Ne sentant plus ses membres, elle tomba sur les genoux. La bulle disparut l’instant d’après, comme une aiguille aurait fait éclater un ballon.

Le magicien recula, apparemment perturbé par ce qu’il venait de se passer. La princesse profita de la confusion pour ramasser son épée, qui était tombée pendant qu’elle se débattait avec la bulle, et tenta à nouveau d’attaquer. L’homme leva une nouvelle fois la main mais rien ne se passa. Encore trempée, les mouvements de la princesse se firent maladroits, et elle râta son coup. 

De l’autre côté de la rue, une fenêtre s’ouvrit en fracas, les habitants surement alertés par le bruit. L’assaillant recula pour se faufiler à nouveau dans l’espace entre deux maisons duquel il était apparu. La princesse essaya de le suivre mais une flèche se planta devant elle, la défiant de faire un pas de plus. L’homme disparut, et quand Maya jeta à nouveau un coup d’oeil en direction du toit, elle ne vit pas non plus l’archer. Elle ne baissa pas complètement sa garde pour autant, même si elle était à peu près sûre qu’ils s’étaient échappés pour de bon.

Elle courut vers Priya et s’agenouilla près d’elle. Les yeux de la jeune femme papillonnaient, mais elle était toujours consciente. La flèche était toujours plantée dans son épaule et Maya ne voulait pas se risquer à l’extraire toute seule, sous peine d’empirer les choses.

Cependant, ce n’était pas ce qui semblait préoccuper la magicienne.

  • Enlève-le… gémit-elle.
  • Quoi ? demanda Maya. Si c’est la flèche, désolée je ne pense pas être la mieux placée pour…
  • Le bracelet ! Je t’en supplie...

Et ce fut le désespoir dans sa voix qui poussa la princesse à regarder le poignet de Priya. Effectivement, elle portait un bracelet. Il était noir et semblait être en une sorte de métal. Ne voyant aucun mécanisme qui permette de l’enlever, Maya tendit la main pour l’inspecter de plus près. Dès que ses doigts touchèrent le matériau froid, il s’ouvrit en deux et tomba au sol.

Priya ouvrit la paume et fit apparaître quelques étincelles de feu sur le bout de ses doigts, puis laissa échapper un long soupir (que Maya interpréta comme du soulagement).Voyant qu’elle s’était un peu calmée, la princesse décida de prendre les choses en main. Elles ne pouvaient pas rester là. Elles finiraient pas attirer l’attention et si la population apprenait ce qu’il venait de se passer, il y aurait une panique générale. Crier n’avait pas été la plus brillante des idées, mais c’est tout ce qui lui était venu sur le moment.

Délicatement, elle brisa la flèche et ne laissa que la pointe et une petite extrémité en bois. Elle enleva ensuite sa tunique, qui était plus une sorte de veste se fermant à l’aide d’une ceinture à la taille. Maya la posa sur la jeune femme et l’aida à se redresser. Une fois qu’elle fut assise, la princesse lui chuchota :

  • On doit partir d’ici, est-ce que tu peux marcher jusqu’à l’auberge la plus proche ?

Priya la dévisagea un instant, puis hocha la tête.

  • Il y en a une… pas très loin.

Maya l’aida à se relever, faisant attention à ne pas toucher sa blessure, occultée par la tunique qui faisait guise de châle. La princesse, quant à elle, ne portait plus qu’un haut blanc aux fines bretelles, et la fraîcheur ambiante, ainsi que ses vêtements humides ne tardèrent pas à la faire grelotter. Les deux jeunes filles se dépêchèrent donc vers l’auberge, qui se trouvait deux rues plus loin. Maya prit la première chambre qu’on lui proposa et et ne s'autorisa à à respirer que lorsque la porte fut fermée à clé.

Elle allongea Priya sur le ventre et déchira sa chemise pour avoir mieux accès à la blessure. Le déplacement n’avait pas amélioré les choses. Elle allait avoir besoin d’un guérisseur, et en vitesse.

  • Priya, tu es toujours avec moi ?
  • Oui...

Maya devait admettre qu’elle était impressionnée. Elle devait souffrir énormément, mais ne s’était pas plainte durant tout le trajet. Priya ferma sa main sur un morceau de drap et le serra jusqu’à ce que les jointures de ses doigts deviennent blanches. Un coup d’oeil en direction de son visage et la princesse vit qu’elle était sur le point de pleurer. Pour une raison inconnue, cela lui fendit le cœur de voir cette fille, qu’elle considérait déjà comme une force de la nature, dans cet état. Avant même d’en avoir conscience, Maya avait posé une main sur la sienne. Elle sentit Priya se figer au contact, puis se relâcher.

  • Pourquoi… m’as-tu sauvée ? murmura-t-elle.

La princesse voulut ouvrir la bouche pour répondre, mais fut interrompue par un tambourinement à la porte.

  • Maya ! C’est toi ? Tu es là ?
  • Flora ?
  • Maya ? Par Véra ! Est-ce que tu vas bien ? J’étais morte d’inquiétude !

Maya se précipita pour ouvrir la porte. Flora et Elios l’attendaient, la scannant déjà de la tête au pied pour s’assurer qu’elle allait bien. Mais ce n’était pas d’elle qu’ils devaient se préoccuper. Empoignant Flora, la princesse dirigea l’étudiante vers le lit.

  • Dis-moi que tu peux la guérir.

L’expression qu’eut la jeune femme ne rassura guère Maya.

  • Alors ?
  • Ce n’est pas très joli, mais je devrais pouvoir faire quelque chose.

Elle s’agenouilla près de la magicienne pour inspecter la plaie. La princesse en profita pour se tourner vers Elios, qui faisait face au mur.

  • Qu’y a-t-il ?

Le prince ne la regarda pas.

  • Ce serait impoli de ma part de poser les yeux sur une femme que je ne connais pas dans cet état.
  • Oh.

Maya réalisa que Priya ne portait qu’un soutien-gorge. Elle se tourna vers Flora qui lui répondit d’un hochement de tête.

  • Tu peux sortir, je vais m’occuper d’elle.

La princesse entraîna Elios hors de la chambre, fermant la porte derrière elle avant de s’adosser dessus. Le prince était en face d’elle, les bras croisés et l’air pensif.

  • Je suis désolée de vous avoir mêlé à tout ça. Je n’aurais pas dû accepter de vous emmener avec moi.

Elle avait de la chance qu’il n’ait pas été avec elle lors de l’attaque. S’il avait été blessé, ils auraient risqué l’incident diplomatique. Tout paraissait si simple de l’intérieur du château, mais un pas à l'extérieur et elle faisait tout de travers. Elle n’était absolument pas en contrôle de la situation. C’était facile de dire qu’elle deviendrait reine, elle savait que ce ne serait pas chose aisée, mais cette journée lui faisait réaliser à quel point elle avait des progrès à faire. Peut-être que son père avait raison, peut-être qu’elle n’était qu’une gamine qui faisait un caprice.

Cependant, elle ne pouvait pas changer le passé. Il ne lui restait qu’à prendre ses responsabilités pour tous les problèmes qu’elle avait causés. Elle trouverait le ou les coupables, coûte que coûte.

  • Ne vous excusez pas, c’est moi qui ait demandé à vous accompagner.

La princesse fut soulagée de le voir si compréhensif.

  • Vous allez bien ? demanda-t-elle.

Le prince sourit.

  • Je vais très bien, merci. Après votre départ, Flora et moi sommes allés parler à Danil. Il s’est montré plutôt coopératif et nous l’avons convaincu de se montrer prudent à l’avenir. On dirait que les choses ne se sont pas aussi bien déroulées pour vous.

Elle acquiesça. Il ne semblait pas judicieux de lui expliquer les détails de l’attaque. De toute manière, tout était bien trop flou dans son esprit et elle ne se sentait pas capable de faire un récit cohérent des faits. Elle mit une main dans sa poche, où elle avait glissé le bracelet que Priya lui avait supplié de retirer. Caressant sa surface, elle se rendit compte que ce qu’elle avait pris pour du métal était en fait une sorte de pierre polie.

  • Au fait, comment m’avez-vous trouvée ?
  • Mademoiselle Flora a utilisé un sort de localisation. Apparemment, il ne fonctionnait pas très bien sur vous, alors elle a tracé Priya en espérant que vous ne l’ayez pas encore quittée. Comment a-t-elle été blessée ?

Maya haussa les épaules.

  • Elle a été prise par surprise. Deux assaillants camouflés par la nuit dans une rue normalement sûre. Beaucoup se seraient fait av...

Elle n’arriva pas à finir sa phrase. Maya rejoua la scène dans son esprit. Certains passages restaient flous, mais un détail attira son attention : Priya avait remarqué que quelqu’un se cachait dans la ruelle. Mais pourquoi n’avait-elle pas remarqué l’archer ? Dans l’obscurité, elle aurait été incapable de les voir, ce qui signifiait qu’elle avait utilisé son Sens Magique.

Le Sens Magique était une sorte de sixième sens que possédaient les magiciens. Il leur permettait de sentir la puissance magique d’autres personnes, un peu à l’image d’une sonde. Bien qu’il soit possible d'entraîner son Sens, les puissants magiciens avaient beaucoup plus de facilité à l’utiliser, et avec plus de précision. C’était l’une des raisons pour laquelle les Maîtres magiciens –ceux diplomés de l'Académie– étaient rarement visés en cas d’attaque. Sans même prendre en compte leur force offensive, il était extrêmement difficile de les prendre par surprise. Après tout, à Tajolian où quatre-vingt-dix-neuf pourcents de la population possédait au moins un semblant de magie, le Sens s’apparentait plus à un détecteur de présence.

Vu la puissance qu’avait démontrée Priya dans les Arènes, elle n’aurait eu aucune difficulté à détecter les deux assaillants. Or, elle avait clairement été surprise par l’archer. Ce qui menait à deux conclusions possibles : soit l’archer n’était pas un habitant de Tajolian, soit il connaissait un moyen de nullifier sa présence magique. Dans tous les cas, cela lui faisait froid dans le dos.

Comprenant sûrement qu’elle était perdue dans ses pensées, Elios changea de sujet.

  • Quoi qu’il en soit, je vais rentrer au château, j’ai eu assez d’émotions pour la journée. Vous venez avec moi ?

A cet instant, ils entendirent un cri étouffé s’échapper de la chambre. Maya entrouvrit aussitôt la porte pour voir ce qu’il se passait.

  • Tout va bien, la rassura Flora, j’enlevais juste la pointe de flèche.

Se tournant à nouveau vers Elios, elle lui adressa un sourire navré.

  • Je pense que je vais rester. Ça ne me semble pas une bonne idée de la laisser seule ici. Mais, si possible, prévenez mon père que je ne rentrerai pas ce soir.
  • Très bien. Et pour mademoiselle Flora ?
  • Comme vous partez dans la même direction, il serait plus sage que vous rentriez ensemble. Surtout à cette heure.
  • Dans ce cas, je vais l’attendre.
  • Merci.

Maya pénétra à nouveau dans la chambre. Flora avait vraisemblablement fini. La princesse réalisa encore une fois la chance qu’elle avait eue. Si Flora n’avait pas été guérisseuse, elle aurait mis beaucoup plus de temps à trouver quelqu’un de qualifié à soigner Priya. Et qui sait ce qui aurait pu se passer entre-temps.

  • Elle devrait être en pleine forme demain. J’ai refermé la plaie, mais comme je n’avais pas de matériel médical, j’ai dû désinfecter avec ma magie. Ce n’est pas le plus conseillé car ça demande beaucoup d'énergie et de précision, mais je n’avais pas vraiment le choix. Et puis c’est de moi dont on parle, il ne devrait pas y avoir de problème. Mais, au cas où, visitez quand même un professionnel.

Maya prit les mains de la jeune femme dans les siennes et les serra.

  • Merci encore. Elios t’attend dehors pour te raccompagner.
  • Oh ? Je devrais aller voir des duels plus souvent si je finis par me faire raccompagner par un prince !

Elle lui fit un clin d’oeil et la princesse laissa échapper un petit rire qui lui permit de se détendre légèrement. Malgré la situation, elle était heureuse d’avoir pu rencontrer Flora. La jeune femme avait un franc-parler qui lui rappelait celui de Tristan.

  • En tout cas, bonne nuit, j’espère que tout ça aura valu le coup.

Elle partit, laissant Maya seule dans la chambre. Quand celle-ci se retourna, elle vit que Priya la fixait. Elle était emmitouflée sous la couette du grand lit deux places, comme essayant de se cacher.

La princesse la fixa en retour.

Priya fut la première à détourner le regard.

  • Tu veux des excuses, c’est ça ? Ou des remerciements ?
  • Ce ne serait pas de refus, effectivement.

Maya soupira : après tous les évènements de la soirée, elle n’était vraiment pas d’humeur à envenimer leur relation.

La magicienne s’assit soudainement et souffla :

  • Excuse-moi, et merci de m’avoir aidée.

Maya ne put empêcher un sourire satisfait de se dessiner sur son visage.

  • Arrête de sourire !

Ignorant le courroux de la jeune femme, la princesse enleva ses bottes et s’assit à côté d’elle. Priya la dévisagea, outrée, puis avec un petit “hum” dédaigneux, elle se mit en boule, ramenant la couette au-dessus de sa tête. Maya la regarda disparaître sous le drap, essayant de se retenir de rire, toute sa tension maintenant dissipée.

Décidément, cette soirée avait été riche en émotions.

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