Chapitre 22 : Maya

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La princesse Maya fut réveillée par un éternuement, et pas n’importe lequel : le sien. Elle ouvrit les yeux avec difficulté, agressée par la lumière filtrant à travers les volets de la chambre, pour se retrouver face au coupable de son réveil prématuré. Une mèche de cheveux rose lui titillait le nez, menaçant de la faire éternuer à nouveau.

Maya se redressa aussitôt, faisant tout de même attention à ne pas réveiller Priya, qui n’avait pas l’air d’avoir été dérangée par le bruit. La couverture devait avoir glissé durant la nuit car son visage était découvert. La princesse se pencha pour l’observer de plus près.

Maintenant que son maquillage s’était effacé et qu’elle avait arrêté de froncer les sourcils, elle ne dégageait plus exactement la même atmosphère. La magicienne était toujours belle à lui en couper le souffle, mais elle semblait plus jeune, plus innocente. La princesse n’oublierai pas de lui demander son âge.

Elle se leva doucement pour se rafraîchir dans la salle de bain, puis elle remit ses bottes et descendit prendre son petit-déjeuner. Elle remonta quelques minutes plus tard avec un plateau contenant des tasses de café et de chocolat chaud encore fumantes, et un panier rempli de pain, tartines et viennoiseries en tout genre. La jeune fille posa le plateau sur la table de nuit et s’assit sur le lit, prenant une bouchée de croissant au passage.

Elle observait Priya qui commençait à remuer dans son sommeil. Une minute plus tard, elle se réveilla, le regard perdu dans le vide. Puis, son regard se posa sur Maya et elle sursauta.

  • Toi, dit-elle en la pointant du doigt.

La princesse posa son croissant et leva les mains en signe de reddition.

  • Bonjour à toi aussi, répondit Maya sur un ton sarcastique.

La magicienne cligna des yeux.

  • Bonjour…?

Elle baissa son doigt lentement, l’expression toujours confuse.

Hé bien, si je n’avais pas été là hier, j’aurais juré qu’elle avait bu ou fumé quelque chose.

  • Tu veux du chocolat chaud ou du café pour le petit-déj...
  • Où est le bracelet ? l’interrompit Priya.

Ha. Elle était réveillée.

Maya plongea la main dans sa poche pour en sortir le bracelet noir que les assaillants avaient utilisé sur la jeune fille.

  • Ça ?

La magicienne recula aussitôt.

  • Qu’est-ce que tu comptes en faire ?

Maya haussa les épaules.

  • Je n’ai aucune idée de ce que c’est, alors je suppose que je vais d’abord m’informer là dessus en espérant que cela me mène quelque part... À moins que tu me fasses gagner tu temps et que tu me dises ce que tu sais ?
  • Je ne sais pas d’où vient ce bracelet.
  • Oui, bien sûr, et mon troisième nom c’est Robert.

Priya croisa les bras, toujours en soutien gorge, et Maya poussa un soupir. Elle enleva sa tunique, celle qu’elle avait mise sur la magicienne en entrant dans l’auberge pour cacher ses blessures, et la tendit à la jeune fille. Au moment où celle-ci allait la prendre, Maya retira sa main.

  • À une condition, susurra Maya avec un sourire satisfait.

Priya la foudroya du regard.

  • Ne me regarde pas comme ça. Echange de bons procédés : Je veux retrouver les personnes qui attaquent les magiciens des Arènes et pour ça j’ai besoin d’en savoir plus sur ce bracelet… Attends une minute, pourquoi est-ce que je dois te convaincre de m’aider à trouver les gens qui t’on agressée ? À moins que tu aies un lien avec ces attaques, je ne vois pas ce que tu pourrais y perdre. Ou alors la vie des autres compte si peu que ça à tes yeux ?
  • Non ! Non, bien sûr que non… je…

Elle semblait en plein débat intérieur et Maya n’avait jamais vu de sourcils aussi froncés. Après ce qui parut une éternité, Priya poussa un long soupir, s’avouant vaincue.

  • Très bien, je vais t’aider mais tu dois me jurer, absolument jurer, que tu ne parleras de moi à personne d’autre. Tu peux prendre tout l’honneur et le mérite, je m’en moque. Et donne-moi ta tunique.

La princesse réfléchit à sa proposition. Priya semblait avoir des informations importantes, et elle ne savait pas quand elle tomberait sur une nouvelle piste. Il ne lui restait que dix-neuf jours pour enquêter, sans compter que les investigations officielles ne donnaient rien. Ce serait du gâchis de laisser passer sa chance. De plus, il y avait quelque chose chez Priya… La princesse n’avait aucune certitude, mais elle sentait que la jeune fille n’était pas qu’une simple magicienne. Elle avait piqué son intérêt. Et bien sûr, si elle finissait par être bel et bien mêlée à ces disparitions, Maya préférait l’avoir sous la main. Enfin, ce n’étaient que des spéculations et elle préférait la croire innocente jusqu’à preuve du contraire.

  • Au fait, tu as quel âge ?
  • Je peux savoir quel est le rapport ?
  • Absolument aucun, je suis juste curieuse, répondit Maya en souriant.

Priya leva les yeux au ciel.

  • Dix-sept ans. Ta réponse ?
  • J’accepte. Est-ce que je dois me mettre à genoux et jurer sur mon honneur ou est-ce que ma parole te suffit ?
  • Je crois que ça suffira.
  • Ah dommage, je suis sûre que j’aurais eut une belle vue.

Priya ferma les yeux et prit une grande inspiration avant de tendre la main. Elle semblait sur le point d’exploser. Maya lui donna sa tunique en essayant de se retenir de rire.

Quand elle eut finit de s’habiller, la magicienne demanda :

  • Comment je dois t’appeler ?
  • Hein ?
  • Ton prénom. Tu ne m’as pas dis comment tu t’appelles.
  • Ah, je suis…

Elle se demanda si elle pouvait lui dire qui elle était, étant donné que Flora avait deviné son identité si facilement, mais décida qu’il était préférable d’être honnête. Après tout, si elles continuaient d'enquêter ensemble, Priya le découvrirait à un moment ou un autre, et la princesse préférerait ne pas avoir à se dépêtrer de ce mensonge.

  • Je suis Maya.
  • Maya… comme la princesse ?
  • Tout à fait.

Elle leva la main.

  • Attends une minute. Stop (elle se mit à se masser les tempes). Je t’en prie, dis-moi que tu n’es pas la princesse.

Maya haussa les épaules.

  • Si ça te fait plaisir, je peux le dire.
  • huh.
  • Qu’est-ce que ça veut dire ?

Priya se mit à faire le tour de la pièce, se rongeant l’ongle du pouce. Elle se tourna finalement vers Maya.

  • Rien, votre Altesse.
  • Brrr, arrête ça tout de suite, je t’ai dit de m’appeler Maya.

Avec un sourire mielleux, Priya répondit :

  • Bien sûr, votre Altesse.

Voyant la grimace de la princesse, elle continua, l’air innocent.

  • Un problème, votre Altesse ?
  • Non, dit-elle en grinçant des dents, de toute façon ça ne change rien à ma promesse, je ne parlerai de toi à personne.
  • Je suppose, dit Priya l’expression sérieuse, qu’est-ce qu’on fait maintenant ?
  • Maintenant, répondit la princesse en reprenant une bouchée de croissant, tu prends ton petit -déjeuner et tu m’expliques à quoi sert ce bracelet.

***

  • Donc, ce bracelet empêche les magiciens d’utiliser leurs pouvoirs ?

Maya était incrédule. Elle se doutait qu’il devait affecter l’état du porteur d’une certaine manière, mais c’était vraiment difficile à croire. La magie faisait partie intégrante d’une personne, elle n’avait jamais entendu parler d’un moyen d’en couper l’accès, c’était le genre d’histoire qui terrifierait n’importe qui. Elle devait être la seule exception dans le royaume. La magie était tellement liée au quotidien des habitants de Tajolian, ce serait presque l’équivalent de leur couper une jambe que de les priver de leurs dons.

  • En quelque sorte, dit Priya en sirotant son chocolat chaud, le bracelet n’empêche pas simplement les magiciens d’utiliser leurs pouvoirs, il les fait complètement disparaître. Tu comprends ? S’il ne faisait que… bloquer la magie, il ne serait pas impossible de s’en libérer. Mais tant que tu as le bracelet à ton poignet, c’est comme si tu n’avais aucun pouvoir, comme si tu n’en avais jamais eut.
  • Si leur magie disparaît complètement alors… on ne peut pas les détecter avec le Sens ?

Priya écarquilla les yeux, parvenant à la même conclusion qu’elle.

  • Tu penses que l’archer portait un de ces bracelets ? Non, ce n’est pas possible…
  • Pourquoi ?

La magicienne se mordit les lèvres.

  • Ces bracelets sont rares, et difficiles à créer. J’ai du mal à imaginer une seule personne avoir deux exemplaires.

Elle poussa un soupire.

  • En plus, cela soulèverait une autre question : s’il voulait camoufler sa magie, c’est qu’il est Tajolien. Mais peu de personnes iraient jusqu'à complètement couper leur magie, même pour prendre par surprise un autre magicien. Sans même considerer qu’ils seraient très vulnérables, la sensation est...terrible. Ce n’est pas douloureux à proprement parler, mais je peux t’assurer que je ne veux plus jamais en refaire l'expérience. C’était comme si quelque chose à en moi n’était pas bon, pas juste. La sensation de manque était insupportable, j’avais l’impression que tout mon être était dans une sorte de déséquilibre intérieur. Alors je ne vais pas complètement discréditer ton idée, mais il faudrait que cet archer soit vraiment désespéré pour se risquer à ça.

Et la manoeuvre n’était pas sans danger. Rien ne garantissait la réussite du plan, et peu de magiciens miseraient sur une flèche plutôt que sur leur propre don.

Ce fut au tour de Maya de froncer les sourcils en grimaçant. Elle devait absolument trouver une piste. Après plusieurs secondes de silence, elle demanda enfin :

  • Mais d’où viennent ces bracelets ? En quoi est-ce qu’ils sont faits ? Tu en parles au pluriel depuis tout à l’heure donc il y en a forcément d’autres.

Priya ne répondit pas tout de suite. La princesse croisa les bras et attendit patiemment la réponse de la magicienne. Au bout d’un moment elle souffla :

  • Le château.
  • Hein ?
  • Les autres bracelets sont quelque part dans le château. Probablement.
  • “Probablement” ?

La jeune fille s’énerva.

  • Je ne peux pas tout savoir non plus ! Si tu savais ce que je risque en ce moment ! Tu devrais te sentir reconnaissante.

Maya savait que ce n'était pas le moment mais elle ne put s'empêcher de répliquer.

  • Oh, merci mademoiselle Priya l’écarlate, la brillante, l’unique de vous sacrifier un peu pour sauver des dizaines de vies, franchement, il fallait pas. Est-ce que je dois te féliciter parce que tu t’es comportée comme être humain doué d’une conscience ?
  • Non ! Tu ne comprends rien à ce que je... ! explosa Priya. Je m’en vais. C’était une mauvaise idée.

Elle se leva et se dirigea vers la porte.

  • Attends !
  • Tu as intérêt à tenir ta promesse.

La magicienne lui claqua la porte au nez. Maya resta devant la porte, essayant de comprendre ce qu’il venait de se passer. Heureusement, elle n’était pas du genre à rester en colère longtemps. Après avoir reprit son sang froid, elle réalisa que sa curiosité n’avait fait que s’attiser. La princesse avait beau avoir réagi au quart de tour, elle ne pensait pas que Priya était foncièrement mauvaise. Après tout, c’est vrai qu’elle aurait pu refuser de coopérer. Certes, elle avait été réticente au premier abord, mais elle s’était assez facilement laissée convaincre. Et cette promesse… Maya avait l’intention de la tenir le plus longtemps possible. Elle n’aimait pas mentir, mais rester fidèle à sa parole l’emportait sur tout le reste.

La jeune fille se demandait pourquoi Priya était si déterminée à cacher son identité. Est-ce qu’elle avait peur d’être emprisonnée parce qu’elle participait aux combat illégaux des Arènes ? Si c’était le cas, Maya pouvait comprendre son inquiétude, mais la jeune fille avait tout de même un drôle d’ordre de priorité. De plus, si elle coopérait avec les investigations, la princesse était persuadée que sa sentence serait allégée, Maya elle même en aurait touché quelques mots à son père.

Si seulement elle ne s’était pas emportée si facilement ! Maya savait qu’elle avait besoin de Priya, et elle venait de la laisser filer. Elle tenta de la rattrapper, mais il était trop tard, la magicienne avait disparu. La princesse soupira, se maudissant intérieurement, puis décida de rentrer au château. Son père devait être inquiet, et peut-être que Tristan pourrait l’éclairer sur ces fameux bracelets.

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