Chapitre 3
« Mais un beau jour, la chute commença,
Ils tombèrent amoureux, mauvais choix,
Elle aimait la vie et il aimait la mort,
Qui d’entre les deux allait être plus fort ? »
Lyra
Quand mon réveil sonna, je me levai rapidement. J’enfilai un legging et un polo trop grand pour moi, je mis des bottes et sautillai vers l’écurie. Je sellai Uranus et lui demandai d’avancer. Elle partit au galop vers la rivière. J’espérais croiser le garçon en réalité...
Me voilà arrivée à la rivière. Je descendis vite, attachai ma jument grise pommelée à un arbre et sautai dans la rivière. L’eau glacée m’agressa et me piqua comme si des milliers de guêpes m’attaquaient en même temps. Je la traversai rapidement à la nage, frigorifiée.
Puis j’escaladai la falaise, je m’agrippai aux prises naturelles de toutes mes forces et poussai violemment avec mes pieds. Je m’en sortis facilement, j’avais fait quatre ans d’escalade + parcours... La falaise, c’est un peu mon élément.
Après dix bonnes minutes d’efforts, j’arrivai, essoufflée, en haut. Je me levai, déjà épuisée, ce qui ne me ressemblait pas.
Je fus accueillie au sommet de cette falaise par une brise sentant la pivoine, qui me glaça le sang sans prévenir.
J’aperçus un sapin avec de bonnes prises, je courus, m’élançai et bondis de branche en branche. Je m’arrêtai à trois mètres du sol.
Deux branches plus haut, un trou dans le sapin : un petit écureuil sortit la tête, curieux, et un éclair fugace passa dans ses yeux.
Il re-rentra et me lança une noisette sur la tête tandis que je redescendais, fuyant ce vilain animal.
J’entendis des brindilles craquer. Il arrive !
J’entrevis un jeune homme tout blanc vêtu de noir, une paire de lunettes de soleil sur les yeux, les mains dans les poches, un bonnet noir sur la tête cachant de magnifiques mèches blanches aux reflets argentés.
Le jeune homme de la rivière est un ange déguisé en démon, je crois bien.
Je tentai de résister mais la tentation était trop forte. Je descendis prudemment quelques branches et, arrivée à un petit mètre du sol, sautai afin d’atterrir sur une petite butte formée de racines.
Je m’approchai lentement de cet être mystérieux. Il se tourna vers moi et m’aperçut. Je le regardai, il me regarda, nous nous regardâmes.
Je m’étais promis, non, NON ! Mon cerveau lutta et, intérieurement, je subis une guerre entre les battements affolés de mon cœur et ma raison ; ces derniers avaient tous deux de très bons arguments.
Il retira ses lunettes, et j’aperçus pour la première fois de beaux yeux gris glace.
Lucian
Il aperçut une jeune fille rousse, ses taches de rousseur étaient des poussières d’étoiles et elle, c’était une déesse, probablement, ou un ange...
Son cœur battait la chamade. Qui était donc cette créature qui ne s’enfuyait pas face à sa laideur ? Il voulait le savoir.
— Mon nom est Lucian, Lucian Vale... bredouilla-t-il dans un murmure. Et toi, qui es-tu ? ajouta-t-il.
— On m’appelle Lyra, Lyra Blanchard, l’informa-t-elle, souriante.
— Qui es-tu, dis-moi Lyra ? Et que fais-tu là ?
— Je suis la fille qui t’a longtemps observé du bas de la falaise. Et je voulais te saluer, cher ange de la mort, affirma-t-elle malicieusement.
Là, tout de suite, Lucian se demanda si elle venait bien de l’appeler « ange de la mort ». Et il tilta. C’était elle. Elle, genre elle ELLE.
— Et dis-moi, « la fille qui m’a longtemps observé du bas de la falaise », ça te dirait de t’asseoir avec moi ?
Elle s’assit. Miracle…
— T’as quel âge, Lucian ? demanda-t-elle.
— 17, j’ai passé 17 ans de souffrance sur Terre.
Lyra
Je m’interrogeais... pourquoi dix-sept ans de SOUFFRANCE ? La question me titillait, mais ce serait indiscret de la lui demander…
— Tu te demandes pourquoi dix-sept années de souffrance, n’est-ce pas ?
J’acquiesçai discrètement, lentement.
Il m’expliqua qu’il avait été choqué par la réalité de ce monde tout en remettant ses lunettes de soleil.
Il me parla vaguement d’une maladie. Je ne lui demandai pas plus de détails, ce serait déplacé. Au lieu de ça, je lui demandai s’il avait une passion.
— Oui... la mort... je souhaiterais mourir, en fait… me répondit-il calmement, dans un murmure.
Je le regardai et posai ma main sur son épaule. Je le vis, il était confus mais ne me repoussa pas.
Le soleil était déjà au-dessus de nos têtes, je décidai de rentrer : Maman risquait de se faire du souci.
Il me dit au revoir de la main et nous nous donnâmes rendez-vous demain à la même heure.
Je plongeai des huit mètres qui me séparaient de l’eau en effectuant un salto, juste pour impressionner l’ange de la mort.
Je crois que ma passion, mon cœur, mon âme avaient gagné la guerre : j’étais... amoureuse.
Tandis que mon corps fendait l’eau glacée de la rivière, je me demandai comment c’était possible ; je n’avais jamais cru au « Coup de Foudre ».
Lyra mentait sur ce coup-là. C’était en classe de 6e. Le premier jour.
Le jour le plus stressant mais que tous les élèves attendaient avec un mélange de dépit et d’excitation.
Elle s’était vêtue d’une jolie robe bleu marine et s’était faite toute belle. Elle avait préparé son cartable plusieurs semaines à l’avance... Sacrée Lyra.
Elle s’était rangée, et là... C’est à cet instant que ce garçon apparut.
La flèche de Cupidon traversa son cœur et l’on sentit une tension électrique dans l’air.
Elle s’était approchée avec cet air insouciant, avec la ferme intention de faire sa connaissance.
Soudain, une fille de son âge lui coupa la route et partit se blottir dans les bras du garçon, qui s’avéra être un minable, mais... comprenez, Lyra a beaucoup d’ego...
Je me relevai et balançai mes cheveux en arrière. Grelottante, je rejoignis la rive puis me hissai sur ma monture.
Je levai les yeux vers le haut de la falaise, il me regardait, il me fit signe de la main, il me sourit, il me regarda encore.
Il me fit tomber amoureuse, et je lui en voulus un peu d’être si beau, si gentil, si tout.
On ne s’était pas vraiment parlé mais c’était comme si on s’était toujours connus.
Je lui dis au revoir, tout sourire, et soufflai à Uranus : « Allez, go ! ».
Elle se cabra quand je fis un signe de la main à Lucian, puis partit au triple galop.
Je ris, je pleurai, j’explosai, je hurlai, je criai, je lâchai mes deux mains et formai un V au-dessus de ma tête dans un fou rire.
Je regardai le troupeau de chevaux sauvages de la plaine qui nous avait rejoints et hurlai le bonheur, plus heureuse que n’importe quelle personne sur cette Terre que j’avais longtemps maudite.
Lucian
Il se demandait ce qu’elle pensait de lui. Il la re-visualisait, il l’imaginait, tout sourire devant lui.
Pour la millième fois, il avait déjà hâte d’être demain. Il s’endormit, impatient.
Quand son réveil sonna, Lucian bondit de son lit et hurla :
— M’man, je vais à la rivière voir une amie, je serai de retour dans la journée !
— Qui est donc cette amie, Lucian ? Oh, rassure-moi, tu ne te fais pas encore racketter ?! s’inquiéta Catherine, sa mère.
— Non M’man, tout va bien, je t’aime ! lança-t-il à la cantonade.
Voilà notre Lucian, tout en noir, avec son bonnet noir et ses lunettes de soleil noires, qui sortit en courant avec ce sourire qu’il n’avait pas affiché depuis au moins dix ans.
Il courait vite, très vite, et les gens le regardaient de travers en ce dimanche matin à sept heures, mais, contrairement à d’habitude, il s’en foutait (sans vouloir être grossier).
Il prit le premier bus et se précipita vers les bois à son arrêt.
Quand il arriva, Lyra n’était pas encore là, mais elle devait bientôt arriver ; ils avaient rendez-vous dans un quart d’heure...
Notre Lucian s’assit sur le rebord de la falaise et se rejoua les scénarios possibles afin d’être prêt à toute éventualité.
Il fut tiré de ses songes par des bruits de sabots.
Il leva la tête et la vit. Elle était si belle avec sa chevelure rousse ondulée.
Quand elle le vit, elle lui sourit à s’en déchirer les muscles des zygomatiques.
Elle lui cria un bonjour non timide et se jeta dans l’eau gelée d’automne.
L’ange de la mort la regarda faire ses acrobaties afin d’arriver en haut de la falaise.
Quand elle arriva à sa hauteur, il lui tendit la main et l’aida à achever sa montée.
Il observa cette créature : son tee-shirt épousait la courbe de ses petits seins et l’on devinait une cicatrice.
Lucian remarqua que cette fille qui l’intriguait tant grelottait. Il ne réfléchit même pas : il lui tendit simplement son pull-over noir.
Lyra le remercia et, après l’avoir prié de se retourner, elle troqua son tee-shirt pastel pour le pull noir de Lucian.
Celui-ci se retourna deux secondes trop tôt et... qu’elle était belle, mon Dieu...
Il s’excusa et sourit bêtement comme n’importe quel ado tombant amoureux.
C’était tellement ridicule et cliché... Êtes-vous sûrs que cette histoire vous intéresse ? Oui ? Bon, si vous insistez... Poursuivons.
— Dis-moi, Lyra, tu ne m’as pas dit quel âge tu as ?
— Hmm... qui me dit que tu n’es pas un vieux fou déguisé en jeune beau gosse ? le taquina-t-elle.
— Je n’ai pas de contre-argument... s’exaspéra-t-il.
Ils se regardèrent et explosèrent de rire…
— Bon, d’accord, j’ai quatorze ans, rétorqua-t-elle. (Chuis en 3e) précisa-t-elle.
— Madame Lyra Blanchard affirme donc avoir quatorze ans…
— Absolument, déclara-t-elle trop sérieusement, au point d’arracher un rire à Lucian.
— Quoi ? demanda-t-elle, perplexe et hilare à la fois.
— Pas grand-chose, à part que je crois que je tombe amoureux de toi, Lyra…
— Je suis plutôt flattée, sourit-elle. Tu es amoureux de moi…
— Non, Lyra, je ne suis pas amoureux de toi. Je suis follement, éperdument, complètement amoureux de toi, avoua-t-il tout en retirant ses lunettes de soleil.
Elle se pencha un peu vers Lucian, appuyé sur un tronc d’arbre, se retrouvant collée contre son torse, ne laissant qu’un infime espace entre leurs lèvres, laissant le choix à notre ange de la mort...
L’aube dorée illumina leurs visages de rayons miel.
Celui-ci sourit, fixant ses lèvres. Il leva les yeux et la regarda, avec cet éclat, cet éclat rayonnant et totalement envoûté.
Et sans prévenir, il baissa la tête et soudain, ses lèvres effleurèrent celles de Lyra, d’un mouvement vif, timide, plein d’imperfection, mais passionné.
Elle recula, sourit bêtement, évidemment, puis logea sa tête dans le cou de Lucian, sentant son souffle chaud sur son front, faisant nuance avec l’air frais d’automne.
La jugulaire de Lucian tambourinait à toute allure et Lyra sentit les battements du cœur de Lucian contre son front.
Elle observa cette jugulaire battant la chamade tressauter au rythme du cœur de Lucian.
Elle leva la tête et, sans prévenir, lui déroba un second baiser, plus fougueux, plus passionné.
Il l’attira contre son torse, elle attrapa ses cheveux et se colla tout contre lui tandis que sa langue explora la bouche de Lucian avec fougue, rejoignant celle de Lucian.
Celle-ci était d’une douceur parfaitement imparfaite.
C’était comme une conversation sans mots, où le silence était reposant.
Lyra
OH MON DIEU !!!!! Il m’embrasse, je l’embrasse, on s’embrasse !
Je ne veux pas que ce moment cesse. Je voudrais rester collée à lui jusqu’à la fin de ma vie.
Je détache mes lèvres des siennes et recolle ma joue tout contre son torse, presque dans le creux de son cou ; on dirait que cet endroit est conçu pour moi.
Lucian
Il se détacha d’elle et la regarda. Il détourna le regard, sentant le sien déçu.
— Fuis, lui murmura-t-il.
— Pourquoi devrais-je fuir ?
— Parce que j’ai trop de démons en moi, ils vont te faire du mal, lui affirma-t-il.
— Pars, ajouta-t-il.
— Peut-être... Mais en moi, j’ai tout un enfer, et ils peuvent y entrer : il y a assez de place pour eux. Je prendrai soin d’eux.
Mais comment une fille comme elle pouvait-elle donc exister ?
Il ne réfléchit pas et fondit sur elle dans un baiser portant tous les traumatismes de deux adolescents déterminés à présent à protéger cette complicité.
Dites moi ce que vous en pensez ;)

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