Chapitre 36 (vendredi 15 avril 2022)

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Les tribunes du centre aquatique de Chamalières étaient bien garnies pour les finales de ce premier jour de compétition. Il faut dire que dans une dizaine de minutes allait se dérouler l'épreuve phare de la natation, le 100m nage libre. Et s'il n'était pas question aujourd'hui de battre le record du meeting, détenu depuis quatorze ans par Alain Bernard, tout le monde attendait néanmoins la course avec impatience. Il faut dire qu'après les séries de ce matin, personne ne voulait louper la finale avec "le nageur handi". L'ambiance était électrique, et France 3 Auvergne-Rhône-Alpes avait envoyé une deuxième équipe en urgence, pour ne rien rater de l'évènement. C'est pour cette raison que Thomas, qui attendait dans la chambre d'appel, avait une caméra braquée sur lui. La chaine de télévision avait obtenu l'accord du meeting et du jeune nageur, pour le filmer dans l'heure qui précédait la finale en vue d'un reportage, qui en fonction du déroulement, passerait également sur la chaine nationale.

Thomas restait calme et concentré. Les yeux fermés, il se remémorait sa série du matin. Certes, il avait largement battu le record de France d'Alex Portal, catégorie S9 pour être précis, mais lui il s'en foutait. Il revivait chaque image de sa course, essayant de visualiser les détails qui lui avaient permis d'être performant, mais surtout les quelques erreurs qui l'avaient empêché d'atteindre l'objectif qu'il s'était fixé. Son temps de réaction catastrophique, le premier virage où il était arrivé trop près du mur et les vingt derniers mètres de sa deuxième longueur, pendant lesquels il s'était crispé, alors que c'était la fluidité et le relâchement qui lui avaient permis d'être performant, pendant les trois autres quarts de l'épreuve. Est-ce que pour autant il parviendra à faire les minimas espérés ? Ils en avaient discuté avec Stéphane. Son entraîneur, compte tenu de ses temps réalisés aux entraînements, savait qu'il allait battre le record handisport, il était par contre plus sceptique sur les 51.69 visées par son nageur. Temps synonyme d'une qualification pour les "vrais" championnats de France. Il lui faudrait pour y arriver, améliorer son temps du matin d'un peu plus de six dixièmes, moins d'une seconde pour faire quelque chose d'historique, mais surtout réaliser son rêve. Mais pour ça, il faudra surtout faire la course parfaite.

Thomas aperçut Jérémie qui lui faisait des signes d'encouragement. Il avait lui aussi, réalisé un peu plus tôt une superbe course, en prenant la troisième place de la finale B du 100m. Thomas était fier du jeune homme qu'il entrainait. Ils avaient passé un long moment ensemble à discuter, plus tôt dans la journée, juste après le repas de midi. D'abord de natation et des finales à venir, puis Jérémie lui avait reparlé de l'entraînement de début de semaine, et de la discussion sur son homosexualité. Le jeune nageur, encouragé par la franchise et le naturel de son entraîneur, lui avait ensuite posé plusieurs questions sur le sujet.

– Tu as compris que tu aimais les garçons vers quel âge ?

– Vers dix-sept ans seulement, lorsque je suis tombé amoureux. Je m'étais jamais réellement posé la question avant, même si les filles ne m'attiraient pas spécialement.

– Mais avant d'être amoureux, ça t'arrivait de trouver que d'autres garçons étaient beaux ?

– Oui sans doute, mais je n'en avais pas vraiment conscience.

– Et tu en as parlé à tes parents ? Comment ils ont réagi ?

– Au début, je ne leur ai rien dit mais ils ont fini par le savoir... Ils ne sont pas homophobes... mais les choses ne se sont pas super bien passées non plus, et ils ont toujours un peu de mal avec ça. Du coup, j'ai préféré, dès que j'ai pu, avoir mon propre appart et on ne se voit pas très souvent.

– Oh, c'est triste !

– Oui, mais c'est comme ça ! Je ne peux pas changer qui je suis pour leur faire plaisir, et puis petit à petit, ils évoluent.

Après quelques secondes de silence, Jérémie avait repris la parole.

– Je... tu sais... je crois que... je suis comme toi.

L'adolescent avait baissé la tête, et quelques larmes commençaient à couler le long de ses joues.

– J'avais compris. Ne fais pas cette tête, Jérémie ! Tu n'as commis aucun crime.

Thomas avait ébouriffé les cheveux du garçon qui immédiatement était venu se réfugier dans ses bras. Après une ou deux minutes sans bouger, il s'était éloigné, et les deux nageurs avaient repris leur conversation jusqu'au moment où Jérémie avait dû se préparer pour sa finale.

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