Chapitre 47 (dimanche 30 avril 2017)

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Cela fait maintenant presque une heure que nous courons et Kieran arrive toujours à suivre le rythme. J'ai bien essayé de faire quelques sprints pour le tester mais impossible de le distancer. Sur ce coup-là il m'a bien eu, moi qui pensais qu'il ne voulait pas venir avec moi parce qu'il était nul. Mais je ne vais pas lâcher comme ça, j'accélère dans les escaliers qui mènent au bâtiment principal et je continue d'augmenter ma cadence en prenant la direction du gymnase. Je suis à ma vitesse maximum lorsque nous arrivons vers la cantine et je débouche sur le stade d'athlétisme sur lequel je ralentis enfin pour finalement m'arrêter. J'entends le souffle de mon camarade juste derrière moi, preuve que je n'ai pas réussi à le lâcher. Il me faut une bonne minute de récupération avant de pouvoir parler.

– Dis-donc, tu t'es bien foutu de ma gueule. Il a fallu que je marchande pour que tu viennes et finalement t'es encore plus balaise que moi.

– C'est pas que je voulais pas, mais j'avais une petite blessure musculaire et normalement je ne devais reprendre que mercredi pour l'entrainement de rugby. Tu as bien vu que je n'avais pas fait de sport cette semaine.

– Et en plus le mec, il fait rien depuis une semaine...

– Trois semaines, en fait.

– Oui, ben c'est encore pire, t'as pas fait de sport depuis trois semaines et j'arrive pas à te distancer !

– En réalité, tu l'as fait à chaque accélération mais je me suis accroché pour recoller à chaque fois. Je suis fort en endurance mais franchement tu vas super vite.

Je ne sais pas trop s'il dit ça pour être sympa ou s'il est vraiment sincère, et peu importe finalement, ce que je retiens c'est qu'il est venu pour me faire plaisir alors qu'il n'aurait peut-être pas dû courir. Grace à lui, cette semaine aura été beaucoup moins difficile que je ne le craignais, et je commence à me dire que finalement je devrais pouvoir tenir jusqu'au bac. Si seulement je pouvais avoir quelques nouvelles de Lucas. Il faudra que j'essaie d'appeler à nouveau Julie, elle va bien finir par me répondre.

– Arthur ! T'as rien écouté de ce que je t'ai dit ?

– Non, mais ça devait pas être trop important, si ?

– J'te disais juste qu'avec les gars du rugby, on avait trouvé que tu t'étais super bien débrouillé l'autre jour et que tu pourrais peut-être jouer avec nous pour le TILD. D'ailleurs, il y a aussi une place de libre en athlétisme pour faire le huit cents mètres, moi je cours déjà le quinze cents.

– Franchement mec, j'comprends rien à ce que tu me racontes. C'est quoi ton Tildé ?

– T.I.L.D., le tournoi inter-lycées de la défense. C'est une rencontre entre...

–... les lycées de la défense, ça va j'ai compris. Honnêtement, comptez pas sur moi ! Vos trucs de militaire ça me dit pas trop.

– T'es nul, c'est pas des trucs de militaire. C'est juste du sport et puis ça peut être sympa de faire partie d'une équipe. En plus, cette année on risque de ne pas être super fort, on aurait bien besoin de quelqu'un comme toi. Juste pour être moins ridicules, pas pour jouer la première place car de toute façon c'est toujours Saint-Cyr qui gagne ! Allez, s'il-te-plait ?

– Fais pas chier, j't'ai dit non, c'est non.

Vu la tête qu'il fait, je crois que j'y suis allé un peu fort. Mais aussi, il m'emmerde à insister comme ça, je ne suis pas son pote. Et de toute façon, je n'ai pas l'intention de me faire d'amis dans ce lycée à la con. Je repars en courant en direction de l'internat. Après quelques secondes, j'entends la foulée de Kieran à mes côtés. Je tourne la tête dans sa direction, il évite mon regard mais je réussis à capter quand-même toute la tristesse du monde dans ses yeux. Il fait chier, je ne vais quand même pas m'excuser, j'ai le droit de ne pas la faire sa compet de troufion. Bon OK, il essaie juste d'être cool, mais moi je lui ai rien demandé. On arrive à hauteur de l'aile du bâtiment réservée aux internes du lycée. Je ralentis et je finis en marchant les derniers mètres. Je monte directement dans la chambre, une bonne douche m'aidera peut-être à me calmer.

***

L'eau coule le long de mon corps et m'enveloppe d'une douce chaleur. C'est étrange l'effet qu'elle a sur moi, d'un côté, elle a fait retomber une partie de ma colère, mais d'un autre, elle m'oblige à me recentrer sur moi, et là c'est la tristesse que je sens m'envahir petit à petit. Je me laisse glisser le long de la paroi et je ne peux empêcher les larmes d'envahir mes yeux. J'entends vaguement la porte de la cabine voisine qui s'ouvre. Je réalise que l'eau a cessé de couler et je commence à avoir froid. Je ne peux rien faire pour bloquer le cri qui arrive au fond de ma gorge, et je finis par hurler son prénom.

– LUUUUCAAAS !

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